Philemon Yang invoque un vice de forme, de procédure et de compétence.Ceux qui trouvent le Premier ministre (Pm) camerounais engourdi et dépourvu d’autorité tiennent peut être enfin une manifestation de l’autorité du « chef du gouvernement ». Ce qui passait pour des bruits de salon revêt depuis jeudi un caractère officiel. Le 28 avril dernier, le Pm a annulé « certaines décisions portant nomination de responsables au ministère de l’Agriculture et du Développement rural ».
L’arrêté du Pm a été publié par le quotidien Cameroon tribune, dans son édition n°10832/7031 du jeudi 30 avril 2015, en page 5. Dans le détail, le chef du gouvernement rapporte les décisions portant nomination de trois inspecteurs généraux et de deux directeurs par intérim au sein du Minader, « pour vice de forme, de procédure et de compétence ». Au ministère de l’Agriculture, l’on ne souhaite pas réagir à l’arrêté du Premier ministre.
Pour sa part, un expert en droit administratif explique que les décisions prises par le ministre Essimi Menye sont « para juridiques ». Et de poursuivre : « [i]Le Minader a fait un passage en force, après avoir constaté que ses propositions de nominations traînaient dans les services du Premier ministre. Malheureusement sa démarche a été considérée comme une défiance vis-à-vis du Premier ministre et même du président de la République. En effet, les inspecteurs généraux et les directeurs sont nommés par décret du Premier ministre, après visa du président de la République [/i]».
Une autre source crédite le Minader de bonne foi : «[i] Le ministre Essimi recherchait sans doute, à travers ces décisions, plus d’efficacité dans l’action du ministère qu’il dirige. Mais il a enjambé les règles du droit administratif. Il l’a fait certainement par lassitude. Lorsqu’il était au ministère des Finances, il n’avait pas pu faire des nominations, toujours à cause de blocages dans les services du Pm. Le Minader me semble aussi un peu étranger à certaines pratiques du système camerounais. Lesquelles veulent par exemple qu’on intègre dans les propositions de nominations qui vont à la primature ou à la présidence des proches des supérieurs hiérarchiques, qui sont généralement choisis sur la base de la proximité et non en fonction de la compétence [/i]».
Le spécialiste en droit administratif contacté par Mutations voit derrière l’arrêté du Premier ministre une opposition entre le pouvoir de contrôle et le souci d’efficacité. «[i] Le ministre veut des hommes pour atteindre des résultats et la hiérarchie ne veut pas laisser une marge de manœuvre infinie au ministre, car ce dernier pourrait en user pour transformer son ressort de compétence en village ministériel»[/i], argumente-t-il.
Pour sa part, le socio-politiste Stéphane Akoa s’étonne du « formalisme et du juridisme qui caractérisent l’administration camerounaise, alors que l’heure doit être à l’action ».
En rappel, les chefs de bureaux sont nommés sur décision du ministre sans visa préalable du Pm. Les sous-directeurs, les chefs de cellule, les chefs de service sont nommés par arrêté du ministre, mais après visa du Pm, les conseillers techniques, les inspecteurs, les directeurs et les chefs de division sont nommés par décret du Pm, après visa du président de la République. Enfin, les secrétaires généraux et inspecteurs généraux (qui ont le même rang) sont nommés par décret du président de la République après avis favorable du Premier ministre. Toutes les nominations se font sur proposition du ministre, à l’exception celles des secrétaires généraux.
Georges Alain Boyomo