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Cameroun – Michel Thierry Atangana Abega: Le héros du 4ème pouvoir :: Cameroon

Société

Comment il a orchestré sa libération le 24 février dernier.
Le triomphe perçait dans la voix du journaliste de Rfi, tard ce soir du 24 février dernier. En grande première, il annonçait que, «le Français Thierry Michel Atangana avait été libéré quelques heures plus tôt».[pagebreak] La nouvelle ainsi publiée sur un média qui, à en croire son slogan, est «la radio mondiale», a été écoutée par les milliards d’auditeurs qu’elle compte, au grand embarras des autorités camerounaises. D’autant que le journaliste qui a annoncé la nouvelle n’a, dans un premier temps, pas fait allusion à Titus Edzoa, concerné comme Michel Thierry Atangana par cette libération. L’ancien secrétaire général de la présidence de la République, pourtant, avait été arrêté le 03 juillet 1997, après qu’il avait démissionné du gouvernement et annonce son intention de se présenter à l’élection présidentielle contre le Président Paul Biya. Il était considéré comme le principal accusé de l’affaire qui avait conduit les deux hommes en prison pour 17 ans. Il avait lui aussi été libéré ce soir-là et peut-être un peu avant le Français. Mais, le journaliste d’un média devant lequel les autorités de Yaoundé se plient en quatre n’en avait dans un premier temps que pour leur «compatriote». La seule vedette ce soir-là, c’était Thierry Michel Atangana.

Le ton du journaliste français était venu en rajouter aux sous-entendus qui alimentaient l’opinion depuis que le 18 février 2014, le président de la République du Cameroun avait pris ce surprenant décret portant commutation de peines pour certains détenus dont ceux convaincus de détournement de deniers publics. Des opposants, à l’instar d’Alain Fogué du Mrc, n’hésitèrent pas à le baptiser «le décret Michel Thierry Atangana». Cet enseignant d’université le disait taillé sur mesure pour le prisonnier français dont le pays exerçait sur les autorités de Yaoundé des pressions insupportables qui avaient abouti à ces libérations inédites.

Jaloux de garder un peu de dignité, le gouvernement camerounais, surtout par la voix de son porte-parole, mais aussi par celles de certains journalistes proches du Rdpc, a tenté de dédramatiser une situation qui de¬venait très embarrassante pour lui, en affirmant dans un premier temps que le Chef de l’Etat avait accédé à des demandes en grâce introduites par les célèbres détenus. Puis, «c’est un acte de magnanimité du Chef de l’Etat et non le résultat de quel¬conques pressions», a déclaré Issa Tchiroma Bakary, le Ministre de la Communication, sans convaincre grand monde. Mais qui est donc Thierry Michel Atangana (MTA), pour éveiller tant de passions?

Enfance et légendes
A l’enquête, on se rend compte que peu de personnes peuvent dire avec exactitude qui il est. Tout au plus, ceux qui se revendiquent proches de lui ne savent que ce qu’il a bien voulu leur dire sur lui. Toutefois on sait, pour avoir vu une copie du bulletin de levée d’écrou signé du régisseur de la prison centrale de Yaoundé, que Atangana Abega Michel Thierry est né le 14 juin 1964 à Nsimeyong III. Son père, selon le document, est Atangana Essomba, et sa mère, Essih Julienne. Sur Internet, ses soutiens prétendent que le père était un préfet et que la mère était greffière en chef au Tribunal de grande instance du Mfoundi. A des journalistes proches de lui, cet homme peu disert sur son enfance a raconté dans les rares moments où il s’est laissé aller à des confidences, qu’il a commencé ses études à Yaoundé, et en classe de 3ème, s’est envolé pour la France où il les a poursuivies pour les achever après l’obtention de diplômes qui font de lui un économiste-financier, ce titre qu’il aime arborer.

Le MTA des journalistes et consorts…
Selon ses confidences à des confrères, MTA commence à flirter avec les dirigeants camerounais alors qu’il n’a pas encore 25 ans. Peu avant les années 1990, il fait la rencontre, fortuitement, d’un Ministre en séjour à Paris. Celui-ci venait alors installer ses deux enfants qui devaient poursuivre leurs études supérieures en France. Le grand homme était empêtré dans des procédures interminables pour trouver un logis à sa progéniture. Puis, une connaissance commune à lui et à MTA, les présente. En très peu de temps, ce dernier a fait un habile montage qui, considérablement, réduit les délais administratifs d’obtention de l’appartement convoité. MTA raconte que l’homme qui avait été un banquier était totalement bluffé par son habileté, au point de lui proposer sa fille en mariage. Jusque-là, a-t-il assuré à ses interlocuteurs, il n’avait aucune intention de revenir s’installer au Cameroun, tant il était à l’aise au groupe Jean Lefebvre où il occupait d’importantes fonctions et pour qui il aurait gagné de somptueux marchés de Btp en Europe de l’Est.

Ces succès auraient conduit les dirigeants de ce groupe à lui confier la direction de leurs activités en Afrique. Où avant cela, il ne venait qu’en mission et quand c’était au Cameroun, il demandait que lui soient remboursés ses frais d’hébergement dans des hôtels 5 étoiles, qu’il redistribuait à ses cousins du quartier Nsimeyong à Yaoundé, chez qui il préférait loger. Cette prodigalité lui a vite valu la réputation d’un homme riche. C’est donc lors de missions que MTA va commencer ses relations avec des officiels camerounais et, dans ces conditions, va rencontrer Titus Edzoa et s’installer dans une résidence au quartier Bastos.

D’autres personnes ont connu MTA à la même époque. Mais, se souviennent qu’il n’habitait pas encore le quartier Bastos. Il était logé dans un appartement au centre-ville de Yaoundé, au lieu-dit Imprimerie Coulouma, propriété de la famille Njoya Arouna, qu’il occupait avec «ses frères et sœurs», affirme notre source. Avant d’ajouter: «Son frère Ibrahim lui ressemblait comme un jumeau, il était le portier d’un night-club situé juste en face de leur appartement». On apprendra aussi que MTA était un homme sobre et très pieux.

«Quoiqu’on le disait milliardaire et qu’on savait qu’il fréquentait des hommes riches, il roulait dans une modeste Lada beige et s’habillait toujours sobrement. Le seul moment où il faisait des folies c’était à la messe à Mvolyé. Là, il distribuait de l’argent à des fidèles, qui accouraient par centaine à l’office de 6h», se souvient notre interlocuteur. Cette charité a attiré l’attention de la police. Le patron des flics de l’époque aurait ordonné une enquête et, les policiers se seraient mis la persécuter MTA de questions. Harassé par ce harcèlement, il s’en ouvrira à une connaissance. Dieudonné Mapouna, un karatéka alors proche de Titus Edzoa, à l’époque Ministre de l’Enseignement supérieur et maître d’arts martiaux. Une entrevue est organisée, et MTA séduit le Ministre qui est pourtant un homme très cultivé.

Au premier entretien, il est totalement bluffé. Les deux hommes ont un feeling. Quand le Ministre est nommé secrétaire général de la présidence de la République, MTA fait partie des meubles de son cabinet. Sans occuper une fonction officielle autre que celle de président du Copisur, il s’y occupe de tout, fait ombrage au secrétaire particulier, Dieudonné Mapouna, à qui il a offert une villa de 70 millions de FCFA au quartier Elig-Essono et qui, en signe d’amitié, va donner à un de ses enfants le nom intégral de MTA. Autre chose, c’est seulement après qu’il eut commencé à collaborer avec Titus Edzoa que MTA va déménager pour le quartier Bastos où il va intégrer une villa a une centaine de mètres de son nouveau protecteur.

La brouille avec T. Edzoa
Après leur arrestation survenue dans les conditions que tout le monde sait, les deux hommes restent toujours très liés, malgré leur condamnation à 15 ans d’emprisonnement ferme. Mais en 2003, survient un incident qui va provoquer une rupture irréversible entre eux. MTA, qui est le seul à s’être prononcé sur la question, a confié à des proches que cette année-là, il a appris le décès de sa mère. Alors qu’il était en pleurs, le professeur Titus Edzoa l’aurait sermonné en lui disant: «un homme d’Etat ne pleure pas». Cette marque d’inhumanité aurait eu un effet réfrigérant sur leur relation.

Mais d’autres sources disent que l’incident serait survenu après que Nicole Etoundi Amombo, l’épouse de MTA, se serait ouvertement plainte que celui-ci la trompait avec Virginie, sa dame de compagnie. Ce dernier a commencé par nier, avant de menacer de frapper sa femme. Ce que ne supportait pas le professeur. Il partageait le même lieu de détention que MTA. Il était au courant de l’idylle des deux tourtereaux et savait qu’un enfant en était né. Comme il savait que MTA avait plusieurs affaires de cœur avec plusieurs jeunes femmes dont Violette, une de ses proches. Ce jour-là, il sort de ses gonds et prend la défense de l’épouse bafouée, en menaçant de corriger son protégé s’il venait à porter la main sur sa femme.

Mais peut-être n’était-ce qu’une mise en scène. Plus tard, il dira à des confrères qu’il a fait des efforts énormes pour s’éloigner de T. Edzoa auquel il ne voulait pas qu’on le lie. II interdisait à ses proches de tenir des propos malveillants ou équivoques a l’endroit de Paul Biya et n’hésitait pas à dire pis que pendre de son codétenu.

L’argent dû à MTA
C’est le 08 juillet 1994 que par arrêté du Président de la République, Michel Thierry Atangana Abega est nommé président du Comité de pilotage et de suivi des projets routiers (Copisur). Ce Comité est chargé de construire des routes au Cameroun. Il est placé sous la supervision du secrétaire général de la présidence de la République (Sg/pr). Coïncidence ou calcul, le 21 juillet 1994, Titus Edzoa est nommé Sg/pr. Dieudonné Ambassa Zang, un haut fonctionnaire sorti de l’Enam, est le vice-président du Copisur. Il ne supporte pas qu’un illustre inconnu soit son patron et s’en ouvre à Joseph Owona dont on croit qu’il a apprêté l’arrêté les nommant. Ce dernier lui aurait dit que le Président avait choisi MTA, sous l’instigation du groupe français Jean Lefebvre. Selon ses soutiens, il serait arrivé à ce résultat en promettant d’apporter des centaines de milliards de FCFA pour le financement des projets du Copisur.

Selon des soutiens de MTA, des accords sont intervenus entre le Cameroun représenté par le Ministre des Finances, Justin Ndioro, la France, représentée par le Trésor français, et le consortium d’entreprises françaises de travaux publics. MTA est présenté par eux comme «un des principaux cadres financiers du groupe Jean Lefebvre dont il détient par mandat la représentation».

Ils assurent que le Cameroun doit au consortium des entreprises françaises la somme de 278 milliards de FCFA valeur de décembre 2012, puis 338 milliards de FCFA et peut-être un peu plus à nos jours. Cette dette aurait été acceptée, reconnue et actée dans des documents et logée à la Caisse autonome d’amortissement; et plus le temps passe plus elle s’alourdit.

Mais les autorités camerounaises disent à l’époque de son arrestation que MTA est un vulgaire escroc, qui, avec son complice Titus Edzoa, a essayé de faire main basse sur les richesses du pays, à leur profit. Ils clament leur innocence. Au, point où une partie de l’opinion finit par croire que la longue détention de MTA est due au fait que le Cameroun ne sait trop comment rembourser cette dette faramineuse.

«Les journalistes militants»
Une conspiration que subodore un juge camerounais. C’était le 23 octobre 2008, à la fin de 12 ans d’information judiciaire dans l’affaire du détournement des voitures ayant servi lors du sommet de l’Oua. Un des cinq chefs d’accusation retenus contre MTA. Le juge Pascal Magnanguémabé, du Tribunal de grande instance du Mfoundi, prononce le 23 octobre 2008 une ordonnance de non-lieu totale sur les charges qui pesaient contre lui. Pour l’intéressé, c’est la liberté garantie. Il ne se comporte pas moins comme si c’était fait. Lors d’une sortie pour l’hôpital, il fait une escapade à l’ambassade de France. Les autorités une fois au courant de sa balade vont suspendre le lieutenant chargé de son escorte et l’affecter disciplinairement au Nord où il va décéder quelque temps après. L’affaire marque MTA, mais ne le désarme pas. La presse qui, jusque-là le considérait comme un «bandit», se prend de sympathie pour MTA. Il devient la coqueluche des médias. Un fait nouveau fait penser aux journalistes qu’il est victime d’un acharnement du pouvoir. Le 14 novembre 2008, le Ministère public interjette appel contre l’ordonnance de non-lieu.

Pius Njawé, Robert Ngono Ebodé et d’autres confrères s’impliquent dans la lutte pour obtenir sa libération. MTA leur procure des subsides pour mener leur action, finance le comité de soutien qu’ils mettent sur pied, paye leurs voyages en première classe dans des compagnies huppées et leurs séjours dans des hôtels quatre étoiles. Il les encourage à rentrer en contact avec les journalistes français. Il tient à ce que son image soit améliorée en France où personne ne veut parler de lui. MTA comprend que c’est au Cameroun que tout se passe, fait contacter aux journalistes par Sms la veille des audiences pour leur rappeler la date, leur fait parvenir un autre à la fin de l’audience pour leur dire son sentiment sur le déroulement des débats.

Avant que le comité de soutien accompagné d’un de ses avocats n’organise un débriefing que les journalistes ont appris à affectionner au lieu-dit immeuble Camair. Il se comporte en capitaine de tout ce monde, encourage ceux qui sont démoralisés. «Ça va payer, ça va finir par payer, vous êtes le 4ème pouvoir, vous n’avez pas conscience de votre force», répétait-il, selon des confrères. Quand il arrivait que ces derniers veuillent prendre de la distance, il les reprenait en disant: «Je te demande d’être un journaliste militant, qu’est-ce que tu me demandes pour être un journaliste militant?»

Le combat de MTA, avec l’aide de journalistes n’était pas toujours bien vu des autorités consulaires françaises. Certaines ont monté une campagne de presse pour lui dénier cette nationalité française qu’il a acquise en 1988. Quoique meurtri, il ne va pas se décourager et va en être récompensé par Bruno Gain. L’ambassadeur de France au Cameroun va s’impliquer mieux que ses prédécesseurs et donner à sa libération la dimension politique qu’elle n’avait pas jusque-là. La presse et les avocats eux, vont sensibiliser les élus français et, surtout, Dominique Soppo, l’ancien président de Sos Racisme, une Ong proche du parti socialiste au pouvoir. En mai dernier, François Hollande jugeait «inadmissible la détention de Michel Thierry Atangana».

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