Cameroun : L’opposition claque la porte de l’Assemblée nationale

Jean -Michel Nintcheu et son vuvuzela

Elle a boycotté la séance plénière pour protester contre le dépôt tardif du document soumis à leur appréciation ; ce qui est une violation du régime financier de l’Etat du 11 juillet 2018.

L’honorable Jean-Michel Nintcheu est arrivé à l’Assemblée nationale hier, 05 juillet 2022, pour la séance plénière consacrée au débat d’orientation budgétaire avec un vuvuzela arc-en-ciel entre les mains. A peine la porte de l’hémicycle franchie, le parlementaire a commencé son concert sonore. Le son issu de cet instrument en matière plastique arrosait le Palais des congrès de Yaoundé. Il est venu protester contre la validation du ‘’Document de programmation économique et budgétaire 2023-2025’’ et ses grandes lignes dont plusieurs députés ont eu connaissance le même jour.

Une violation fragrante de la loi selon plusieurs députés. Le ton est monté d’un cran. « Nous sommes finalement dans quel pays. Un document aussi important. On veut nous le faire analyser en moins de 30 minutes avec tous ces chiffres et tableaux ; ce qui est contraire à la loi », tonne un député étonné par le mode opératoire du gouvernement. Quelques minutes après l’ouverture des travaux, les partis de l’opposition ont lancé l’« opération blocus » pour s’indigner face à la persistance du gouvernement à aller contre les dispositions du régime financier de l’Etat du 11 juillet 2018 notamment l’article 11 : « Chaque année, avant le 1er juillet, le gouvernement transmet au Parlement des documents de cadrage à moyen terme…accompagnés d’un rapport sur la situation macro-économique et d’un rapport sur l’exécution du budget de l’exercice en cours. Sur la base de ces documents et rapports, le parlement organise un débat d’orientation budgétaire, en séances publiques, mais sans vote ».

A la lumière de cette disposition, l’opposition parle d’un passage en force du gouvernement. Elle a d’ailleurs décidé de boycotter la plénière pour ne pas s’associer au « théâtre » en cours à l’hémicycle. Le président du Parti camerounais pour la réconciliation nationale (Pcrn), l’honorable Cabral Libii, membre du groupe ‘’Union pour le changement’’, s’est dit déçu : « Il n’y a pas un seul député, quel que soit son bord politique, qui puisse cautionner ce qui s’est fait aujourd’hui. C’est un mélange de mépris et de condescendance. On ne peut pas servir 170 pages à 10 heures aux députés et leur demander de s’exprimer dessus 10 minutes après. C’est une violation de la loi ». Un avis partagé avec force par l’honorable Djeumeni Benilde remonté par cette approche improductive : « On est mal à l’aise lorsque le régime décide de violer la loi. Le régime financier de l’Etat dit que le gouvernement doit déposer le dossier du débat budgétaire au plus tard le 30 juin. Curieusement, nous l’avions reçu ce matin (hier) à 10h », s’indigne le parlementaire. Et d’ajouter : « On nous demande de débattre autour de 10h30. Nous avons décidé de mettre en place une opération blocus. Cela a amené le président à suspendre la séance pour le renvoyer à 16h30. Nous étions contraints d’abandonner la séance. Il n’y a pas eu de débat d’orientation. Le pouvoir exécutif traite le pouvoir législatif comme il veut. Ce n’est pas acceptable ».

Le boycott des travaux n’a pas empêché le ministre des Finances, Louis Paul Motaze, de présenter le Document de programmation économique et budgétaire à moyen terme 2023-2025. Tenant compte de la révision des perspectives économiques mondiales, la croissance du Cameroun a été revue à la baisse, à 4% en 2022 contre 4,2% initialement prévue, sous l’effet du ralentissement de l’activité dans le secteur non pétrolier. Le document a été validé par acclamation par les députés du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), parti majoritaire. Le président de l’Assemblée nationale, Cavaye Yeguie Djibril, a invité le ministre à étudier avec une attention particulière la loi des finances afin que, les préoccupations et les recommandations des députés soient prises en compte pour que la synergie parlement-gouvernement soit renforcée.

Solière Champlain Paka / 237online.com

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