Cameroun : Les eaux meurtrières font jaillir une révolte anti-Biya

Inondation Yagoua

Dans l’Extrême-Nord du Cameroun, la nature a une fois de plus montré sa force dévastatrice, mais c’est la colère des populations qui menace désormais de tout emporter sur son passage. Les récentes inondations meurtrières ont non seulement ravagé des vies et des infrastructures, mais elles ont aussi fait déborder le vase d’un mécontentement longtemps contenu envers le président Paul Biya et son administration.

Un déluge de destruction et de désespoir

Le 12 septembre 2024, la ville de Yagoua s’est réveillée coupée en deux, victime de pluies torrentielles qui ont fait céder une digue cruciale. Ce n’était pas qu’une simple inondation, mais un véritable tsunami de malheur qui s’est abattu sur la région. Les chiffres donnent le vertige : plus de 200 personnes touchées, au moins une dizaine de morts, 103 000 hectares de cultures anéantis, près de 8 000 maisons détruites, 185 écoles primaires et 13 lycées inondés, sans parler des milliers de bœufs perdus. C’est toute l’économie et le tissu social de la région qui se retrouvent noyés sous les eaux de la négligence.

Face à ce désastre, la réponse du gouvernement a semblé aussi dérisoire qu’une goutte d’eau dans l’océan. Le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a annoncé une aide présidentielle de 350 millions de francs CFA pour les 950 familles sinistrées. Une somme qui, répartie, ne représente qu’une maigre consolation pour ceux qui ont tout perdu.

La visite ministérielle qui a mis le feu aux poudres

Lorsque la ministre de l’Habitat et du Développement urbain, Célestine Ketcha Courtès, est arrivée sur place le 14 septembre, elle espérait sans doute apaiser les esprits. Au lieu de cela, sa présence n’a fait qu’attiser les braises d’une colère latente. Accompagnée du gouverneur de la région et d’entreprises de travaux publics, elle a rappelé les « directives urgentes » du chef de l’État, comme si ces mots pouvaient reconstruire des vies brisées.

La ministre a osé pointer du doigt la responsabilité des maires et des habitants face aux défis démographiques et climatiques. Cette tentative de rejeter la faute sur les victimes a été la goutte d’eau qui a fait déborder le fleuve de la frustration populaire. Les habitants de l’Extrême-Nord, qui se sentent depuis longtemps abandonnés par Yaoundé, n’ont pas manqué de faire entendre leur voix.

Paul Biya : le grand absent dans la tempête de la colère

Au cœur de cette tourmente, un nom revient sans cesse, tel un reproche lancinant : Paul Biya. Le président, au pouvoir depuis 1982, est perçu par beaucoup comme le grand absent de cette crise. Les promesses non tenues et les années de négligence envers cette région défavorisée remontent à la surface, portées par les eaux tumultueuses du mécontentement.

« Où est Biya quand nous avons besoin de lui ?« , s’exclame Ahmadou, un agriculteur qui a vu ses champs disparaître sous les flots. « Il nous promet le développement depuis des décennies, mais regardez où nous en sommes ! Nos enfants meurent, nos maisons s’effondrent, et lui reste confortablement installé à Yaoundé. »

Ce sentiment d’abandon est partagé par de nombreux habitants de la région. Fati, une commerçante dont la boutique a été engloutie par les eaux, ne mâche pas ses mots : « Biya ne connaît même pas la couleur de la boue qui a détruit nos vies. Comment peut-il prétendre nous gouverner s’il ne vient jamais voir notre souffrance ? »

Alors que les eaux se retirent lentement, laissant derrière elles un paysage de désolation, l’avenir de l’Extrême-Nord semble plus incertain que jamais. Les travaux de réparation de la digue et de reconstruction des infrastructures prendront du temps, et la confiance envers le pouvoir central semble irrémédiablement brisée.

Les habitants demandent des actions concrètes, pas des promesses en l’air. Ils réclament un véritable plan de développement pour leur région, qui prendrait en compte les risques climatiques et les besoins spécifiques de cette zone longtemps négligée. Certains vont même jusqu’à demander la démission de Paul Biya, estimant qu’après 42 ans au pouvoir, il est temps pour lui de laisser la place à une nouvelle génération capable de relever les défis du Cameroun moderne.

Par Christiane Tamoura Engo pour 237online.com

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