Un conseiller RDPC puni pour son audace politique
Dans un geste de répression politique qui illustre parfaitement le climat autoritaire régnant au Cameroun, le conseiller municipal RDPC de Monatélé, Léon Theiler, fait face à une menace imminente de destitution. Son crime ? Avoir simplement osé demander au président Paul Biya, 91 ans, de prendre sa retraite après 42 ans de pouvoir. Cette sanction brutale est programmée pour ce jeudi lors d’une session extraordinaire du Conseil Municipal, transformant une simple réunion locale en procès politique d’une voix dissidente.
Cette réaction disproportionnée survient après que Theiler a adressé une lettre ouverte au chef de l’État, dans laquelle il exprimait avec courage ce que des millions de Camerounais pensent tout bas : « Monsieur le Président, le temps est venu de passer le flambeau et de prendre une retraite bien méritée ». Un message de bon sens qui lui vaut aujourd’hui d’être traité comme un paria au sein même de son parti.
Le clanisme dénoncé par Theiler au cœur du problème
L’audace de Léon Theiler ne s’est pas limitée à suggérer le départ du président. Dans sa lettre explosive, il a également pointé du doigt le « clanisme ambiant » qui gangrène le parti au pouvoir, qu’il décrit comme « l’œuvre d’une élite vieillissante qui a traversé le temps à vos côtés et a engendré des obstacles qui maintiennent notre pays dans le statu quo ».
Cette accusation touche au cœur du système de gouvernance actuel et explique sans doute la violence de la réaction contre lui. En dénonçant les manœuvres d’un entourage présidentiel qui, selon ses mots, ne voit en Biya « qu’une source de profit à exploiter jusqu’à la dernière goutte », Theiler a brisé l’omerta qui règne sur les luttes intestines au sein du RDPC.
La promptitude avec laquelle la machine répressive s’est mise en marche confirme les analyses de nombreux observateurs politiques. Le verrouillage du débat public constitue l’un des principaux obstacles à la modernisation politique du Cameroun, pays où 70% de la population a moins de 35 ans mais reste dirigée par une gérontocratie figée.
Un appel au rajeunissement qui résonne chez les jeunes Camerounais
La destitution programmée de Léon Theiler apparaît d’autant plus injuste que son appel à un « rajeunissement du directoire » du RDPC visait avant tout à sauvegarder l’héritage politique de Biya lui-même. « Laissez-nous purger démocratiquement l’arène politique nationale en ouvrant la voie au rajeunissement du directoire de notre propre parti », plaidait-il dans sa lettre, avec un respect évident pour le parcours du président qu’il qualifie de « source de savoir inestimable ».
Cette vision d’une transition générationnelle ordonnée plutôt que d’une rupture brutale résonne fortement auprès de la jeunesse camerounaise, confrontée à un taux de chômage alarmant et des perspectives d’avenir limitées. Mais elle dérange visiblement un establishment cramponné à ses privilèges, prêt à sacrifier même ses propres membres pour maintenir le statu quo.
La persécution de Léon Theiler envoie un message glacial à tous ceux qui, au sein même du système, pourraient être tentés d’exprimer des opinions divergentes : la loyauté aveugle est la seule option tolérée. Dans ce contexte, l’avenir politique du Cameroun paraît plus incertain que jamais, oscillant entre la perpétuation d’un immobilisme délétère et la possibilité d’une transition chaotique faute d’avoir été préparée.
Le Conseil Municipal de Monatélé s’apprête donc à devenir, ce jeudi, le théâtre d’un acte de répression emblématique de la dérive autoritaire camerounaise. En sanctionnant Léon Theiler, c’est l’idée même d’un débat démocratique sur l’avenir du pays qu’on assassine.