AprĆØs une annĆ©e 2018 pleine dāespoirs, le chiffre dāaffaires du transporteur aĆ©rien camerounais connait une baisse drastique. En cause, des problĆØmes de maintenance qui rĆ©duisent la taille de sa flotte.
Ć la Cameroon Airlines Corporation (Camair-Co), on ne compte plus les vols annulĆ©s et les dĆ©parts en retard. La situation est telle que, ce 25 fĆ©vrier 2019, la compagnie sāest rĆ©solue Ć faire un communiquĆ©. Ā«Camair-Co informe son aimable clientĆØle que son programme de vol connait des perturbationsĀ», Ć©crit son directeur gĆ©nĆ©ral (DG). Selon Ernest Dikoum, ces dĆ©rĆØglements sont Ā«dus Ć une sĆ©rie dāalĆ©as sur les outils techniques (avions)Ā». En effet, depuis le 18 fĆ©vrier le transporteur aĆ©rien public opĆØre avec seulement deux avions (son Bombardier Q400 et un des deux MA 60). Il doit pourtant desservir 14 destinations (sept rĆ©gionales et sept domestiques). Un engagement, aujourdāhui, difficile Ć tenir. De sources internes, la compagnie a donc suspendu temporairement la ligne de Bangui et rĆ©duit les frĆ©quences sur les autres lignes. Dāoù les perturbations actuelles.
DƩficit de maintenance
Camair-Co est pourtant propriĆ©taire de six avions, mais pour des problĆØmes divers, quatre de ces appareils ne sont pas en Ć©tat de voler. Le Boeing 737-700 est le dernier avion immobilisĆ©. Il retrouve, dans le garage de la compagnie, lāautre avion du mĆŖme type en attente depuis deux mois dāune Ā«maintenance lourdeĀ», selon le mot du directeur gĆ©nĆ©ral. Les avions chinois (MA60) ont des problĆØmes de piĆØces de rechange. Ā«Tout ce qui est service aprĆØs-vente nāest pas encore rĆ©glé», informe le top management. Du coup, aujourdāhui, un seul vole. ClouĆ© au sol depuis septembre 2016, le Boeing 767-300, baptisĆ© Ā«DjaĀ», est toujours dans les ateliers dāEthiopian Airlines Ć Addis-Abeba. LāĆtat du Cameroun, actionnaire unique de lāentreprise, tergiverse encore sur le sort Ć rĆ©server Ć cet appareil.
Pour sortir les deux Boeing 737-700 du garage, il faut 5,5 milliards de francs CFA, selon les chiffres communiquĆ©s par la direction gĆ©nĆ©rale de la compagnie, pour la rĆ©paration des moteurs endommagĆ©s. Mais la sociĆ©tĆ©, qui a achevĆ© lāannĆ©e 2018 avec un dĆ©ficit de 1,19 milliard de francs CFA, nāa pas cet argent. Dāailleurs, pour son DG, pendant la phase de restructuration, cet investissement est de la responsabilitĆ© de lāactionnaire unique. Mais lāĆtat, qui a pourtant vu la subvention dāĆ©quilibre quāil apporte Ć la compagnie passĆ©e de 22 milliards francs CFA en 2016 Ć 4 milliards en 2018, tarde Ć sortir le carnet de chĆØques.
Chiffre dāaffaires en baisse
Face Ć ce blocage, Camair-Co est en ce moment Ć la recherche de 2,5 milliards de francs CFA pour la location dāavions. Il sāagit de deux Bombardiers Q400, considĆ©rĆ©s comme les meilleurs appareils pour les vols domestiques, et un Boeing B 737-800. Ā«Les discussions avec les institutions financiĆØres se poursuiventĀ», indiquait Ć ce sujet Ernest Dikoum, le 20 fĆ©vrier dernier, sans plus dāexplication. LĆ encore, lāĆtat se contente dāassister lāentreprise dans ces discussions.
En attendant, Ā«lāĆ©toile du CamerounĀ» voit le petit crĆ©dit sympathie, acquis auprĆØs de sa clientĆØle ces derniĆØres annĆ©es, sāeffriter chaque jour, de mĆŖme que ses recettes. Dāun chiffre dāaffaires mensuel moyen de 2,4 milliards de francs CFA en 2018, le transporteur aĆ©rien a rĆ©coltĆ© 1,4 milliard en janvier 2019 et projette 700 millions en fĆ©vrier. Cāest la pire des performances jamais rĆ©alisĆ©es depuis lāarrivĆ©e en sapeur-pompier, en aoĆ»t 2016, dāErnest Dikoum Ć tĆŖte de la compagnie. Il avait Ć©tĆ© dĆ©bauchĆ© de Emirates pour sauver la compagnie aĆ©rienne nationale.
Le plan de relance aux calendes grecques
PrĆØs de trois ans aprĆØs sa validation, le document, conƧu par lāavionneur amĆ©ricain Boeing pour viabiliser la compagnie, nāest toujours pas mis en Åuvre.
Depuis quelques semaines, le directeur gĆ©nĆ©ral de Camair-Co ne cesse de le rappeler : il est temps de passer Ć lāautre Ć©tape de la restructuration de la compagnie. Il sāagit de gĆ©rer la dette de lāentreprise et de la refinancer afin de rĆ©aliser les investissements prĆ©vus dans le plan de relance conƧu et livrĆ© en 2016 par lāavionneur amĆ©ricain Boeing. Pour Ernest Dikoum, les prĆ©alables Ć cette phase sont rĆ©unis : la dette a Ć©tĆ© auditĆ©e, la comptabilitĆ© rĆ©gularisĆ©e, le fichier du personnel assaini et les recettes de lāentreprise sĆ©curisĆ©es. Mais quand cela se fera-t-il? Lāancien responsable dāEmirates pour lāAfrique de lāOuest nāa pas de rĆ©ponse claire Ć cette question.
Ā«Nous avons une date pour [la reprise de la desserte de] Paris, nous avons une solution pour stabiliser le rĆ©seau national et rĆ©gional, mĆŖme pour viabiliser la compagnie. Il faut seulement quāon aille vite et quāon prenne les dĆ©cisionsĀ». MĆŖme sāil ne le dit pas formellement, le DG de Camair-Co interpelle ainsi le Conseil dāadministration, les ministĆØres des Transports et des Finances, respectivement tutelles technique et financiĆØre. Ce sont ces structures qui reprĆ©sentent lāĆtat, actionnaire unique de la sociĆ©tĆ© de transport aĆ©rien.
Blocage
En rĆ©alitĆ©, Ernest Dikoum nāest pas le commandant de bord pour la phase de dĆ©collage de Camair-Co. Il en est le copilote. Son rĆ“le se limite Ć faire des propositions au commandant (lāĆtat). Et il en a fait Ć la fois pour sortir de la situation de crise actuelle, pour gĆ©rer la dette et pour viabiliser la compagnie (voir graphiques page 11). Mais Ć ce jour, les dĆ©cisions peinent Ć ĆŖtre prises. Plus grave, tous les acteurs de lāĆ©cosystĆØme ne semblent pas regarder dans la mĆŖme direction.
Ć titre dāillustration, face aux difficultĆ©s financiĆØres actuelles de lāĆtat du Cameroun, le DG propose, sur la base des expĆ©riences menĆ©es ailleurs notamment Ć Emirates, une solution moins budgĆ©tivore. Il sāagit de faire de Camair-Co lāĆ©metteur unique des titres pour lāĆtat, ses dĆ©membrements et les entreprises du secteur public. Mais cette initiative, qui permettrait Ć lāĆtat dāĆ©conomiser chaque annĆ©e prĆØs de 12 milliards de francs CFA et au transporteur aĆ©rien de renflouer ses caisses en vue de financer le plan de relance, nāa pas le soutien de tous. La tutelle financiĆØre brille par son absence Ć la quasi-totalitĆ© des rĆ©unions ayant le sujet Ć lāordre du jour. RĆ©sultat, neuf mois aprĆØs la prĆ©sentation du mĆ©canisme au Premier ministre, il nāest toujours pas en vigueur.
Privatisation
Ethiopian Airlines doit pourtant le succĆØs quāon lui reconnait aujourdāhui Ć un mĆ©canisme similaire et qui relĆØve du patriotisme Ć©conomique. Ā«Ce modĆØle de gestion des missions de lāadministration, des sociĆ©tĆ©s publiques, parapubliques et privĆ©es permet trĆØs rapidement de garantir Ć la compagnie des recettes importantes et nous amener Ć un chiffre dāaffaires de 130 milliards francs CFA en 2022Ā», assure Ernest Dikoum.
Face aux hĆ©sitations du gouvernement, le top management de Camair-Co, convaincu que le salut de la sociĆ©tĆ© en dĆ©pend, veut essayer le modĆØle en prenant des entreprises du secteur privĆ© comme cobayes. Une sĆ©rie de rencontres avec les opĆ©rateurs Ć©conomiques a dĆ©butĆ© le 20 fĆ©vrier dernier Ć YaoundĆ©. Ā«Nous irons où il y a les moyens pour relever cette compagnie. Nous ne voulons plus dĆ©pendre de lāĆtat, et la prĆ©sence du prĆ©sident du Gicam tĆ©moigne de notre volontĆ© de travailler avec le secteur privĆ© pour relancer la compagnie nationaleĀ». En rĆ©ponse Ć cette main tendue, CĆ©lestin Tawamba a conditionnĆ© lāimplication du secteur privĆ© Ć la privatisation de Camair-Co.