Cameroun: Le Dauphin Edgard Alain Mebe Ngo’o en eaux troubles

Mebe Ngo'o en Chine

Confronté à des ennuis judiciaires, l’ancien ministre de la Défense, à qui on prête un destin présidentiel, voit son rêve hypothéqué.

Edgard Alain Mebe Ngo’o a passé la nuit du 05 au 06 mars dernier au parquet du Tribunal criminel spécial (Tcs) à Yaoundé. L’information est confirmée par un ordre de garde à vue actuellement en circulation sur les réseaux sociaux. L’ancien ministre délégué à la présidence chargé de la Défense a longuement été auditionné au Tcs, tout comme trois de ses anciens collaborateurs. Il s’agit de Maxime Mbangue, inspecteur du Trésor en fonction au ministère des Finances, Ghislain Victor Mboutou Elle, officier supérieur des armées et Emmanuel Victor Menye, ancien directeur général adjoint de la Société commerciale de banques Cameroun ( Scb).

Alors qu’il était annoncé à la prison centrale de Kondengui hier, 06 mars, le véhicule du célèbre pénitencier, sorti du Tcs en journée, a plutôt pris la direction du quartier Odza dans le 4e arrondissement de Yaoundé. Selon des sources crédibles, la résidence de l’ancien ministre des Transports a été perquisitionnée. Par la suite, le véhicule s’est rendu dans un site de vente de voitures situé sur la route de Douala, lequel appartiendrait au Golden boy de Zoetélé, région du Sud.

Interdit de sortie

Le 31 janvier dernier déjà, Edgard Alain Mebe Ngo’o a été notifié d’une interdiction de sortie du territoire. A ce moment, certains observateurs de la scène politique camerounaise ont pensé que la mesure n’était qu’une manoeuvre de diversion. En effet, le président du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc), Maurice Kamto, venait d’être interpellé dans le cadre des « marches blanches » du 26 janvier dernier. Camer.be. Que non, l’instruction judiciaire de l’affaire concernant celui qui en 2009 avait cumulé un temps les postes de ministre de la Défense et délégué général à la Sûreté nationale a poursuivi son bonhomme de chemin. C’est ainsi que le 05 février de l’année en cours, le domicile de Mebe Ngo’o a connu une énième perquisition. Le mois dernier, ses auditions au Tcs se sont enchainées. Celles ayant été relayées par la presse, remontent aux 12 et 25 février derniers. Comme lui, son épouse Bernadette Mebe Ngo’o (ancienne dactylographe à la Aes Sonel, ex-Eneo) et ses trois autres anciens collaborateurs sus-évoqués ont aussi été entendus.

Affaire « Magforce »

Sur l’ordre de garde à vue, il ressort que les démêlés judiciaires de celui qui est présenté comme le « fils du Président » sont liés à l’affaire Magforce. Une firme française spécialisée dans la fourniture des équipements militaires. Selon le journal français « Le point » qui a traité de ces faits qui se sont produit entre septembre 2014 et février 2016, Edgard Alain Mebe Ngo’o est accusé d’avoir surfacturé les tenues militaires. Un présumé détournement estimé à trois milliards de francs Cfa, lequel remet en surface les accusations de richesse insolente attribuée à l’ancien ministre. Des accusations qui ont contribué à le rendre impopulaire. De fait, en 2009, Edgard Alain Mebe Ngo’o (62 ans) devient ministre délégué à la présidence en charge de la Défense. Celui qui était cité, dans certains milieux, comme dauphin putatif du chef de l’État, ne passait plus inaperçu. Le cortège du seul « rescapé de l’affaire de l’avion présidentiel » était constitué de plusieurs motards auxquels étaient associées des voitures personnelles, le tout couronné de son véhicule de service. Une posture qui confirmait ses allures de « petit Dieu ».

En 2015, le dandy est ravalé au rang de ministre des Transports et est remplacé à la tête du Mindef par Joseph Beti Assomo. A ce moment, il revoit la taille de son cortège. Mais refait son nouveau bureau à grands frais. Le changement de portefeuille de Mebe Ngo’o est perçu comme le début de sa chute, inévitable aux yeux de certains, eu égard à des malversations réelles ou imaginaires qu’on lui attribue. Le portail de la diaspora camerounaise de Belgique. Pendant son règne au ministère des Transports, Edgard Alain Mebe Ngo’o perd encore des plumes. Le 21 octobre 2016, lors du journal de 13 h au poste national de la Crtv, il dément la nouvelle du déraillement d’un train à Eseka. Quelques heures plus tard, l’information est confirmée. Le train 152 s’est bel et bien renversé et fait plus de 79 morts et des dizaines de blessés ; bilan officiel. Sa tête est mise à prix sur les réseaux sociaux. Il n’en a cure. Pour beaucoup d’observateurs, son éviction à l’issue du remaniement du 2 mars 2018 est un signe que sa nomination au Mintransports en 2015 n’était en fait qu’un sursis, avant la déchéance.

Caristan Isseri

Alors que la déchéance de ce personnage aux airs de flambeur défraye la chronique, Caristan Isseri, jeune reporter au quotidien Le jour, est envoyé chez l’ex-ministre nouvellement sorti du gouvernement le 3 mars 2018, à l’effet d’y réaliser un reportage. Il est arrêté, déshabillé, bastonné et enfermé dans une cage à chiens. Edgard Alain Mebe Ngo’o est tombé. Pourtant, l’homme inspire toujours crainte et même terreur.

Venu au monde le 22 janvier 1957 à Sangmélima, département du Dja-et-Lobo dans la région du Sud, cet administrateur civil sorti de l’Ecole nationale d’administration et de la magistrature (Enam) a tour à tour été préfet du Mfoundi, directeur du cabinet civil de la présidence de la République, délégué général à la Sûreté nationale, ministre délégué à la présidence de la République chargé de la Défense (2009- 2015), puis ministre des Transports ( octobre 2015 à mars 2018). Lorsque nous mettions sous presse hier, Edgard Alain Mebe Ngo’o se trouvait entre le Tcs et la prison centrale de Kondengui.

En 2008, alors qu’il occupait les fonctions de Dgsn, il se raconte qu’il avait autorisé que la télévision nationale entre avec micros et cameras dans les cellules de ses ex-collègues du gouvernement, Polycarpe Abah Abah et Urbain Olanguena Awono, pour un reportage qui, une fois diffusé, fera scandale. Dans la tourmente judiciaire qu’il traverse en ce moment, Mebe Ngo’o doit certainement redouter pareille humiliation.

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