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Cameroun – Laurent Esso: Confidences du « grand muet » de la République :: Cameroon

Dans la sphère médiatique, on l’a surnommé le taiseux ou le grand muet de la République. Tant ses prises de parole publiques sont rares. En presque 45 ans de vie administrative et gouvernementale, ses interventions se comptent, en exagérant à peine, sur les doigts d’une seule main.[pagebreak]M. Laurent Esso, 72 ans le 10 août prochain, qui a entre autres, occupé les fonctions de chancelier de l’université de Yaoundé, ministre des Relations extérieures, ministre de la Défense, ministre de la Justice, ministre de la Santé publique, directeur du cabinet civil, etc. se mure dans un silence assourdissant alors qu’il est mis à l’index dans les déboires judiciaires de M. Emmanuel Etoundi Oyono, actuel directeur général du port autonome de Douala, accusé d’avoir suscité la publication d’un faux document pour l’accabler.
Le magistrat hors hiérarchie attendra très longtemps après le décès en prison du journaliste Bibi Ngota pour cette même affaire, pour éclairer la lanterne des députés qui exigeaient des explications. Sa sortie s’avère finalement une bourde communicationnelle. Peut-être redoute-t-il le tollé que suscitent très souvent les sorties médiatiques des pontes du régime…
Mais en privé, il est capable de coup de gueule. Dans ce câble qui résume un échange avec l’ambassadeur des Etats-Unis à Yaoundé alors qu’il trônait comme secrétaire général de la présidence de la République, il se lâche, égratigne alors Mgr Christian Tumi, n’épargne ni l’opposition ni le secteur privé et dévoile son mépris pour les médias.

Résumé: Au cours d’une réunion avec l’ambassadeur et le secrétaire général de la présidence de la République, Laurent Esso a défendu les décisions du Président Biya en ce qui concerne la nomination de la Commission électorale (Elecam). Il a critiqué avec véhémence l’opposition politique et les membres de la communauté internationale, soutenant que les gens devraient arrêter de critiquer le Cameroun et reconnaître ses réalisations.

Il a loué les relations États-Unis-Cameroun et espéré une aide sécuritaire plus accrue. Il a aussi donné les raisons de l’interventionnisme de l’Etat dans l’économie, se demandant si le secteur privé avait assez fait pour créer de nouveaux emplois. Esso, un des proches collaborateurs de Biya, a affiché un dédain dangereux pour l’opposition démocratique, le secteur privé et la communauté internationale et nous a laissé encore plus sceptiques sur Elecam. Fin de résumé.

ELECAM
L’ambassadeur a dit à Esso que nous avions quelque peu perdu confiance en la démocratie au Cameroun, à cause de la récente décision du Président Biya de nommer essentiellement les membres du parti au pouvoir, le Rdpc, au sein de la nouvelle Commission électorale (Elecam). Esso a vigoureusement répondu que les critiques ne devraient pas supposer que les membres d’Elecam sont incompétents, parce qu’ils viennent du Rdpc.

« Qu’est-ce que la société civile a fait pour le pays? rien » a-t-il lancé, sou-tenant que les médias balancent seulement des insultes au gouvernement et que les principales figures de l’opposition comme John Fru Ndi du Social Democratic Front et le Cardinal Christian Tumi ne sont pas plus honnêtes ou capables que les nouveaux membres d’Elecam. Il a mis en doute ce que Fru Ndi, Tumi et d’autres figures de l’opposition en vue ont fait avec leur vie, qualifiant la vie de la plupart d’entre eux « d’échecs » et notant qu’il avait réalisé plus que n’importe lequel d’entre eux. « L’opposition ne veut rien dire au Cameroun » a-t-il conclu, mettant en garde contre des suppositions que l’Etat ou le Rdpc ne peuvent pas être honnêtes, compétents ou bons.

NE NOUS DONNEZ PAS DES LEÇONS
Toujours sur la défensive, Esso a soutenu que les arrestations concernant la corruption du gouvernement dans le cadre de « l’opération Epervier » ont démontré sa volonté de combattre la corruption, bien que cet effort prenne du temps et le gouvernement ne peut pas aborder tout immédiatement. Il a en outre souligné la stabilité du Cameroun et l’harmonie sociale, disant qu’il y avait trop de critiques et pas assez de reconnaissance pour ce qui a été accompli.

Les étrangers doivent prendre patience avec la gouvernance et la démocratie en Afrique, a-t-il dit, arguant: « Accordez à l’Afrique le bénéfice du doute sur sa bonne volonté, ne nous donnez pas des leçons. » Il a accusé les pouvoirs coloniaux de n’avoir pas construit une culture démocratique et s’est demandé si la Banque mondiale ou le Royaume-Uni avaient fait quoi que ce soit de constructif pour le Cameroun. Pour lui, l’élection du Premier ministre britannique Gordon Brown était antidémocratique et que le Commonwealth n’aide pas vraiment ses membres. L’ambassadeur l’a assuré que les Etats-Unis ont apprécié les efforts positifs du gouvernement, mais étaient impatients pour un progrès plus rapide dans la lutte contre la corruption et l’amélioration de la gouvernance.

RAPPORTS AVEC LES’SERVICES SÉCURITAIRES DES ÉTATS-UNIS
Esso a loué « les relations excellentes » entre le Cameroun et les États-Unis, disant qu’il ne s’attendait pas à des changements majeurs avec l’administration Obama et a déclaré que le nouveau centre d’intérêt du Président serait plus sur des questions économiques globales et américaines que sur des relations avec l’Afrique. Il a apprécié le rôle clé de l’assistance américaine pour le renforcement de la coopération nigériane dans la rétrocession de la péninsule Bakassi au Cameroun en août 2008.

Le Nigeria devrait prêter plus d’attention à la sécurité dans le golfe de Guinée, a dit Esso, en tenant le gouvernement nigérian responsable de l’insécurité actuelle dans la zone de Bakassi. Il a espéré que les États-Unis pourraient aider à faire pression sur le Nigeria sur cette question. Les pirates doivent se sentir traqués et en insécurité pour opérer, a-t-il ajouté. Il a noté l’importance de mettre en place des dispositifs de sécurité, affirmant que « ce n’est pas une question de négociation, c’est une question de dispositifs » et espérant que le gouvernement des Etats-Unis pourrait contribuer à cet effort. L’ambassadeur a expliqué l’immensité de nos relations bilatérales.

ECONOMIE
Esso voit la nécessité d’un meilleur équilibre entre le secteur public et le secteur privé dans la participation de l’économie, avec une plus grande réglementation et plus d’assistance gouvernementale pour les banques. Alors que les petites et moyennes entreprises devraient être clés, il a pensé que le secteur privé au Cameroun a très peu fait pour créer les emplois, comparé particulièrement à l’Etat. Quand l’ambassadeur a mentionné la nécessité d’améliorer le climat d’affaires. Il a accusé la Banque mondiale et la communauté internationale d’imposer « des expériences qui ne marchent pas » et critiqué les investisseurs étrangers de ne rien savoir du Cameroun ».

Interrogé sur la charte des investissements longtemps bloquée, Esso a dit qu’il n’était pas au courant, mais a indiqué la nécessité de trouver « des solutions pratiques » plutôt que de nouvelles théories et il voit l’agriculture comme la clé à la stabilité économique future.

Source: Repères, Dominique Mbassi

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