Cameroun: La famine menace les populations de la Vallée du Ntem

En cette période de rentrée scolaire, les vivres se font de plus en plus rares.

On l’appelle Bobolo ou bâton de manioc, un met camerounais fait à base sous forme de tubercules de manioc fermentés, pilés et enveloppés d’une feuille en forme de bâton, cuit à la vapeur. Il s’agit d’un met traditionnel très prisé dans le Grand Sud du pays. A Ambam dans la Vallée du Ntem, il accompagne plusieurs autres mets locaux comme les légumes, les sauces, les rôtis, la viande ou le poisson braisés au plus grand bonheur des ménagères. Mais depuis quelque mois, avoir du bâton de manioc à sa table relève du luxe. Les moins nantis voient alors du flou. « Vraiment sans vous mentir, je ne m’en sors pas. Je ne peux plus manger du bâton de manioc chez moi, encore moins les tubercules de manioc eux-mêmes.

Je préfère acheter du riz, les pâtes alimentaires pour que mes enfants mangent à leur faim. Tout simplement parce que le manioc coûte excessivement cher », se lamente Sandra. «Moi je suis obligée de vendre un bâton à 75 F parce que je n’ai pas de choix. J’ai des enfants à nourrir chez moi. Le prix du bâton est assez élevé chez les femmes qui viennent du village, 50 f notamment, ce qui nous contraint de vendre aussi à ce prix pour avoir du bénéfice », explique Nicole, revendeuse au marché Central d’Ambam. Pourtant, les prix sont souvent à la portée de tous. Ndoumbe revendeur au Petit Marché : « D’habitude on nous vend souvent 3 bâtons à 100 F ou bien 5 à 200 F, mais là on achète 1 bâton à 50F auprès des maman du village. Je ne sais pourquoi cette hausse subite ». Contrairement à ce vendeur, Nicole croit savoir d’où part la racine du mal. « Premièrement, énumère-t-elle, les femmes du village se plaignent qu’il n’y a plus le manioc.

Deuxièmement, l’état de route est très enclavé ». « J’ai devant moi, un sac de bâtons qui a dû faire deux jours en route pour arriver ici », ajoute-t-elle. Face à cette situation, il y a carence dans le panier de la ménagère quand on ne veut pas faire le choix en serrant les dents. Selon Nicole, «Certains achètent pas manque de choix, mais d’autres, avec beaucoup de bouches à nourrir, préfèrent se rabattre sur le riz ». Ah oui, au moment où les sources de bâtons de manioc semblent tarir, le seul recours c’est le riz.

Pour Madame Aba’a Germaine, cultivatrice, le problème dépasse l’entendement. « Dans notre département nous faisons face à une triste réalité qui nous dépasse tous, à savoir que le manioc pourrit à la tige. Nous les femmes, cultivons bien le manioc on ne parvient pas à le récolter à cause du phénomène de pourrissement. On ne sait si c’est le sol qui est déjà dégradé ou c’est nous-mêmes qui portons le problème sur nos mains », explique-t-elle.

Mais pour le Délégué d’Arrondissement d’Agriculture et du Développement Rural d’Ambam, Monsieur Lessouga Eloundou, le problème n’est pas sans solution. « Le pourrissement racinaire de manioc est dû à deux problèmes. Le premier peut être lié à l’environnement quand le sol est dégradé, et cela apporte beaucoup de maladies. Le second problème peut concerner le matériel végétal, c’est-à-dire, la semence. Vous savez nos mamans utilisent beaucoup plus la semence des champs anciens, ce qui fait que lorsqu’elles viennent sélectionner les semences, elles portent les boutures déjà malades pour les planter dans de nouveaux champs.

Et c’est ainsi que la maladie se propage d’une parcelle à une autre », explique l’expert avant d’ajouter que : « Pour remédier à ce problème, nous leur demandons de ne prendre que les nouvelles boutures, et de vérifier au moment de déterrer le manioc de ne prendre que les boutures dont les maniocs ou les tiges ne sont pas pourris ou moisis. Lorsque j’arrache un tel pied de manioc, je mets mes boutures debout, pour que celles-ci me servent de semence pour d’autres champs. On peut aussi remédier à ce problème en utilisant les produits, par exemple avant de planter on plante d’abord les boutures dans une solution de fongicide additionnée à un insecticide, ce qui aide à tuer tous les champignons qui auront déjà commencé à attaquer les boutures, avant de les planter dans le nouveau champ ».

Comme quoi, le problème qui tend à plonger tout un département dans la famine n’est pas une fatalité. Il suffit juste que les cultivateurs se rapprochent des experts agricoles ou que ces derniers se rapprochent d’eux, afin que les solutions soient données ou trouvées. En attendant, les marchés de la Vallée du Ntem en général, ceux de la ville d’Ambam en particulier vivent la période de la vache maigre, pour le manioc et son bâton

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