On observe une certaine sérénité à la prison centrale de Maroua où y a très rarement les cas d’évasions . En quoi tient cette sérénité ?[pagebreak]Vous savez que la région de l’Extrême-Nord vit une période particulière avec les événements de Boko Haram que nous connaissons. Toute chose qui a entrainé l’arrivé de certaines catégories des personnes à la prison de Maroua. Il a était question pour nous de mobiliser l’ensemble des personnels tout grade confondu, de les sensibiliser, de les motiver pour que chacun donne le meilleur de lui-même pour l’encadrement de ceux qui sont en détention. Nous insistons sur le fait que cet encadrement doit être humain pour que les détenus ne se sentent pas rejetés, mais qu’ils se sentent acceptés et qu’ils acceptent de suivre le traitement que nous leur donnons afin qu’ils deviennent de bons citoyens. Cela leur laisse peu de temps pour qu’ils pensent à l’évasion.
Au niveau de la sécurité de l’établissement, nous avons bénéficié de l’apport des pouvoirs publics qui ont bien voulu renforcer la sécurité en plaçant un poste de garde avancé composé d’éléments des forces de défense pour appuyer notre action. Avec tous ces efforts, il est difficile qu’un détenu se lève pour tenter une évasion. Surtout que le site sur lequel se trouve la prison est sous contrôle en permanence. La colline située derrière permet d’avoir un aperçu général sur la prison. Nous préférons même envoyer les éléments en temps de crise de ce côtélà pour prendre position dans le cas où il y aurait un événement. Mais dans notre prison, les détenus sont sensibilisés, pris en compte et la plupart accepte de vivre avec nous dans ce milieu en attendant que les juridictions décident de leur sort.
La prison centrale de Maroua a été créée pour accueillir en moyenne 250 personnes. Mais aujourd’hui on y retrouve plus de mille détenus.
C’est vraiment difficile. C’est pour cette raison que tantôt j’ai parlé de la rareté des ressources. Car à tous les niveaux nous rencontrons des difficultés. L’approvisionnement en denrées alimentaires constitue également une des difficultés majeures auquel nous sommes confrontés. S’agissant de l’approvisionnement en médicament, c’est également la même situation. En ce qui concerne les ressources humaines, la plupart des fonctionnaires qu’on affecte ici à la prison de Maroua, font tout pour que deux ou trois mois plus tard ils soient réaffectés ailleurs, notamment dans le Grand Sud. Ce qui fait que nous avons toujours des effectifs très bas pour l’encadrement des détenus.
Malgré cela, nous avons mis en place une politique qui accorde à chacun des personnels un petit pouvoir qui lui permet de se sentir à l’aise quand il travaille. Nous avons également élargi cela aux détenus puisque ce sont eux qui sont la cible. La prison de Maroua regorge de beaucoup d’étrangers qui viennent parfois de très loin. Nous avons des gens qui viennent du Niger, du Mali, du Soudan, du Tchad, du Nigeria, la Rca et même la Côte d’Ivoire. Quand ceux-là se retrouvent ici, et comme nous savons qu’ils sont coupés de leurs racines, nous faisons tout pour qu’ils aient un traitement particulier. C’est cela qui apporte l’apaisement qu’on observe à la prison.
Vous venez de relever que les conditions de vie en prison sont très difficiles. Quel est le traitement qui est réservé aux mineurs et aux femmes qui sont des couches vulnérables ?
Ils sont vraiment des couches vulnérables. Pour les femmes et les mineurs, nous sommes arrivés à un encadrement domestique. Parce que nous vivons avec eux ici un peu comme au village. Les femmes sont peu nombreuses par rapport aux restes des détenus classés par catégorie. Mais il se trouve que ces femmes arrivent généralement avec les enfants ou enceintes. Nous avons six femmes qui ont des enfants et il y a une femme qui attend dans les prochains jours donner naissance à un enfant. Nous sommes obligés de rester très attentifs à leurs sollicitations afin de parer à toute éventualité pour que la vie dans leurs quartiers soit la plus harmonieuse possible. S’agissant des détenus mineurs, ils sont une catégorie qui a connu beaucoup de transformation ces derniers mois. Avant, nous avions des mineurs de quatorze à dix-huit ans. Mais avec la montée de la criminalité, nous avons aujourd’hui les enfants de douze ans qui sont arrivés. Parfois c’est des petits enfants qui ne connaissent rien de ce que c’est la prison. Ils sont là parce qu’ils ont commis des infractions avec les adultes, et certains ont même commis des crimes.
Quels sont les projets inscrits dans votre plan d’action pour l’amélioration des conditions de vies des détenus ?
Actuellement nous sommes en train de refaire tout notre système de biogaz. Vous savez que dans la région de l’Extrême-Nord le bois reste une denrée rare. Dans notre jargon, nous l’appelons le diamant. Nous sommes en train de refaire notre système de biogaz pour bénéficier de cette énergie qui est utile pour préparer les repas. Nous avons un projet de construction d’un petit château d’eau. Vous avez vu à l’extérieur que les cuves sont déjà arrivées. Maintenant on est en train de faire les poteaux. Nous avons acquis une pompe qui permettrait qu’à partir de notre forage on recueille de l’eau et qu’on puisse stocker l’eau dans les cuves pour la mettre à la disposition des détenus en journées. Nous avons également un projet pour l’éclairage. Nous voulons remonter les points lumineux autour de la prison car notre milieu est devenu dangereux. Donc il faut qu’il soit bien éclairé. Nous avons à cet effet saisi, le ministre de la justice, garde des Sceaux par rapport au problème de l’alimentation qui est le nerf de la guerre ici en prison. Nous voulons donc avoir un appui particulier pour la prise en charge des détenus. Nous voulons avoir des denrées alimentaires en quantité suffisante.
Qu’est-ce qui peut expliquer le nombre de plus en plus croissant des mineurs et des femmes dans la prison centrale de Maroua ?
Leur nombre va croissant tout simplement parce que la criminalité elle-même est en train de monter. Au niveau de la frontière, des nombreuses femmes et de nombreux enfants se retrouvent enrôlés dans des actes terroristes que le gouvernement central combat. Quand ces femmes et mineurs se retrouvent en complicité avec les grands bandits, on est obligé de les arrêter. C’est cela qui explique l’accroissement des personnes de cette catégorie en prison. Les enfants Boko Haram sont de plus en plus nombreux.