Le secrétaire général du comité central du Rdpc a décrété la sérénité et le bonheur pour tous.[pagebreak]C’est un homme radieux, très porté vers l’autosatisfaction, l’emphase et la gloriole qui s’est longuement épanché dans Cameroon Tribune (24/03). Deux belles pages promotionnelles, au cœur du journal à capitaux publics, pour dresser le bilan de santé du trentenaire Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc). Il est heureux comme pas deux, le secrétaire général du comité central du «grand parti national». Heureux pour le bilan, satisfait pour le présent et serein pour l’avenir.
«Le Rdpc peut se vanter d’avoir, pendant toutes ces années, apporté sa contribution à la mise en œuvre des politiques publiques définies par le président Paul Biya et exécutées par le gouvernement», se pourlèche Jean Nkuete. Et la revue des détails n’en est que plus flatteuse encore : «Qui se souvient du nombre d’écoles, de lycées, de formations hospitalières existant au Cameroun en 1985? Ce nombre a été multiplié par 5 ou par 10. Pareil pour le nombre de kilomètres de routes bitumées qui a plus que doublé. Aujourd’hui, les Camerounais respirent à pleins poumons l’air de la liberté à la faveur de la démocratie restaurée.»
Le Rdpc a donc érigé des écoles, construit des routes et hôpitaux et on ne le savait même pas ! A moins que, comme le suggère la mal-pensance, le parti de Paul Biya fait corps avec l’Exécutif du pays, élu par le peuple celui-là, mis en place pour la promotion de la paix et le développement avec l’argent du contribuable – toutes obédiences politiques confondues. Le réflexe du parti-Etat, paternaliste et suffisant, transparaît à toutes les lignes. Ne manquait plus que le nombre de stades construits pour les Coupes d’Afrique des nations (Can) de football 2016 (dames) et 2019 (messieurs). La longueur des tuyaux d’approvisionnement d’eau potable posée à travers le pays ou les mégawatts installés pour faire face aux délestages. Un parti bâtisseur et compatissant, quoi.
«Le Rdpc: 30 ans au service du Cameroun, et toujours plus loin dans la promotion de la paix, de l’unité, de la démocratie et du progrès» était le thème retenu pour les festivités de cette année, qui intervenaient dans un contexte de guerre contre les ténébreux de Boko Haram dans l’Extrême-Nord. On n’oublie pas. Tout comme on regrettera, surtout, que le Rdpc ait une fois encore oublié de se soumettre au regard critique qui permet de se corriger et d’avancer avec assurance. Lorsqu’on se convainc d’être grand, beau et fort, il y a en effet de fortes chances qu’on rate son examen d’humilité. Cette tendance à l’enflure a ainsi – et c’est bien dommage – empêché Jean Nkuete, en poste depuis le 9 décembre 2011, d’évoquer les sujets qui fâchent.
Atalaku
A commencer par les bureaux que son comité central réquisitionne d’autorité depuis trois décennies sur toute une aile du Palais des congrès de Yaoundé. Construire un siège ? «Il s’agit d’un problème que le parti entend résoudre dès que toutes les conditions seront réunies. Il ne saurait d’ailleurs en être autrement, car le parti qui dispose déjà d’un terrain pour ce projet et de plus en plus de militants, aura besoin de plus d’espaces pour son fonctionnement et l’encadrement de toutes ces militantes et militants qui lui font confiance.» Au quartier, on dira qu’il fait du baratin, de l’atalaku ; qu’il a «tapé la bouche».
Le Rdpc, apprend-on, a mis un point d’honneur à «son adaptation permanente à son temps». La preuve ? En 30 ans de «progrès», son régime a réussi à ramener le Cameroun de pays à revenus intermédiaires à pays pauvre très endetté. En «30 ans au service du Cameroun», il a conduit derrière les barreaux des dizaines de ses pontes pour crimes économiques et corruption. Et c’est encore le contribuable spolié qui finance leur entretien en prison. Jean Nkuete n’échappe pas lui-même à la furie prédatrice de quelques bons camarades qui lui veulent forcément du bien. Fin février dernier, il se fendait d’une lacrymale dénonçant «des individus se faisant passer pour des émissaires du Rdpc et munis de faux documents, sillonn[ant] depuis quelques temps le pays pour demander de l’aide, dans le but d’appuyer nos forces de défense actuellement engagées dans la lutte contre la secte islamiste Boko Haram».
En tant que formation ayant «largement amélioré son implantation territoriale et ses effectifs», le Rdpc devrait logiquement se targuer de disposer d’un trésor de guerre appréciable. Le secrétaire général de son comité central, dans son fastidieux étalage de lieux communs, n’a guère daigné se hasarder dans les états financiers du parti des flammes irradiantes. Circulez, y a rien à voir.
Félix Ebolé Bola