Cameroun – Foumban: La nouvelle guerre des «Njoya»

Guerre entre Mbombo Njoya et Ndam Njoya

Sous fond de célébration de la fête du mouton, les sorties du Sultan-roi des Bamoun et du maire de ville de Foumban remettent en lumière la guerre qui oppose les clans Mbombo Njoya et Ndam Njoya.

Il a suffi de deux communications du sultan-roi des Bamoun, Ibrahim Mbombo Njoya et celle du maire de la commune de Foumban, pour briser la fragile accalmie que connait cette ville depuis quelques temps. Ce 28 juillet 2020, c’est un communiqué radio de Sa Majesté El hadj Ibrahim Mbombo Njoya qui met le feu aux poudres. Le communiqué du sultan indique avoir l’assentiment du préfet du Noun pour décider des lieux de prière retenus pour la célébration de la fête de l’Aïd El Kebir, fête du mouton prévue ce 31 juillet 2020.

Ainsi, le «guide des croyants musulmans» donne des orientations sur les espaces retenus pour la prière de circonstance. De même que le sultan-roi des Bamoun indique le chronogramme défini par ses soins. Aussitôt le communiqué publié sur les ondes de la chaîne de radiodiffusion du sultanat, il n’en faut pas plus au maire de la ville de Foumban pour sortir de ses gongs. Patricia Tomaïno Ndam Njoya tient à préciser les principes juridiques qui encadrent la gestion et la séparation des pouvoirs en République.

Sur la base de l’article premier de la constitution du Cameroun, l’ancienne députée rappelle que «la République du Cameroun est un Etat unitaire décentralisé. Elle est une et indivisible, laïque, démocratique et sociale.» Une adresse en direction du sultan-roi des Bamoun. Question de rappeler la tension qui a prévalu dans la ville de Foumban lors de la célébration de la fête du Ramadan.

Célébration au cours de laquelle une ambiance similaire avait suscité une ambiance d’animosité au sein de la communauté musulmane, mobilisant des escouades de forces de l’ordre pour prévenir des troubles à l’ordre publique. Rimant à contre-courant des instructions du sultan-roi des Bamoun, le maire de la ville de Foumban demande aux fidèles musulmans d’investir les lieux de prière habituels pour la célébration de la fête du mouton. Seule instruction martelée : respecter les mesures de prévention édictées par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre
la propagation du Coronavirus.

Rivalités

«S’il est compréhensible de multiplier les lieux de prière pour le respect des mesures de distanciation, comme le souligne le maire de la ville de Foumban, il revient aux communautés fidèles organisées, à Foumban ou ailleurs, le choix du lieu le meilleur pour leur prestation idéale, et surtout sereine, ce jour important.» C’est que, la levée des boucliers que connait la ville de Foumban depuis le 28 juillet dernier tient de l’exclusion du site de Njinka dans le choix de la dizaine de sites communiqués par le sultan-roi des Bamoun, S.M. Ibrahim Mbombo Njoya.

Une méprise peu au goût du maire de la ville de Foumban et ses alliés. Dans cet espace où les clivages politiques se mélangent aux convictions religieuses, chaque partie tient son lieu sacré. C’est fort de cette réalité que le maire de ville de Foumban, issue de l’Union démocratique du Cameroun (Udc) n’entend pas céder aux instructions du sultan-roi des Bamoun fût-il guide des musulmans. Statut qui ne le départit pas de sa posture de militant et sénateur du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), principal adversaire politique. Vu sous ce prisme, le propos du maire de la ville de Foumban n’est pas superflu.

Dans son communiqué radio diffusé à la suite de celui du sultan-sénateur Ibrahim Mbombo Njoya, Tomaïno Ndam Njoya «attire l’attention des auteurs du communiqué du 28 juillet 2020 (…) quant à l’incongruité se dégageant de leur volonté de juxtaposer un autre site au site de Njinka Place.» Un site où se tiennent les prières regroupant de nombreux fidèles. Mais, surtout les maires de Foumban, Massangam, Koutaba, Njimom, Foumbot, Malantuen ainsi que les autres élus de l’Udc et les militants de cette formation politique dans la ville de Foumban.

Un conflit qui perdure

Au plan religieux, le conflit qui oppose les camps Mbombo Njoya et Ndam Njoya dure depuis plusieurs années. Autrefois considéré comme le lieu sacré des croyants musulmans dans le département du Noun, le mont de la Piété a cessé de constituer la chapelle commune des mahométans le jour où il s’est posée la question de la préséance entre le défunt maire de la ville de Foumban, Adamou Ndam Njoya et le sultan-roi des Bamoun, S.M Ibrahim Mbombo Njoya, lors d’une prière de célébration de la fin du mois de Ramadan. Ce jour-là, les fidèles des deux bords ont ignoré les saintes prescriptions d’Allah, l’ambiance frisant une émeute. Depuis lors, le saint prophète de la Mecque est simultanément invité au mont de la Piété pour les pro-Mbombo Njoya et à Njinka Place pour les partisans de feu Ndam Njoya.

Depuis 23 ans, il est de la pratique religieuse comme des célébrations cultuels et culturelles dans la ville de Foumban et le département du Noun. Frères issus de la dynastie Ncharé, Ibrahim Mbombo Njoya et Adamou Ndam Njoya incarnent plus les clivages du peuple Bamoun que l’unité que prône chacun dans leur chapelle. Chez les Bamoun, il faut faire un choix entre la religion du sultan militant du Rdpc et celle du maire leader de l’Udc. La guerre des Njoya que l’on croyait terminée avec le décès du fondateur de l’Udc semble renaitre des cendres de la haine qui divise les deux clans depuis des décennies. Les obsèques du fondateur de l’Udc ont donné un pan de l’animosité qui règne entre les deux clans.

Le temps consacré au deuil et au recueillement a malheureusement tourné à l’échauffourée entre les deux clans frères. A la réalité, tout est compartimenté dans la ville de Foumban. Au sultan son Nguon et à Ndam Njoya son «Carnaval de Foumban». Des évènements dont la tenue suscite souvent des risques d’embrassement. Tant les passions sont fortes dans les différents camps. A Foumban, il ne fait pas bon d’être surpris à l’écoute de la radio des «adversaires». Il est même conseillé au visiteur de se renseigner sur le choix de l’hôtel ou du restaurant qu’il choisit lors de son séjour.

A l’observation, la guerre que connait la ville de Foumban et le département du Noun est l’avatar d’une guerre qui oppose des clans appartenant aux deux personnalités les plus connues de la ville de Foumban et du département du Noun. Excroissance d’une rivalité qui a opposé Adamou Ndam Njoya et Ibrahim Mbombo Njoya, anciens ministres sous Ahidjo puis Biya. Amalgame d’une conception biaisée que les deux entretiennent du pouvoir traditionnel et politique. Histoire de deux cousins qui lèguent en héritage la haine à un peuple obligé de vivre ensemble.

Joseph OLINGA N.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *