Cameroun – Finances publiques : les réformes à l’épreuve du terrain

Le FMI et le Ministre Motaze

Le ministère des Finances a mis sur pied plusieurs réformes visant globalement à sécuriser les recettes de l’Etat et asseoir une gestion efficiente des finances publiques.

Si certains résultats de ces changements structurels sont déjà visibles sur le terrain, force est de constater que plusieurs de ces reformes se heurtent encore aux reflexes routiniers répréhensibles, aux lourdeurs administratives mais aussi à un manque d’imprégnation et d’information. Le Quotidien Le Jour se propose de produire une série de 07 articles sur les réformes en cours dans le but de toucher du doigt l’impact de ces réformes, les points engrangés et les manquements constatés.
H.N.IV

Impôts : Recouvrement : à l’ère du télépaiement

Depuis janvier 2021, c’est désormais l’ensemble des contribuables camerounais qui sont tenus d’utiliser les moyens de paiement électroniques et digitaux pour s’acquitter de leurs impôts et taxes. Si la mesure est saluée par l’immense majorité des usagers elle connait aussi quelques problèmes à l’allumage. Explications.
Dans le cadre de l’exécution de la loi de finances 2021, l’une des nouvelles mesures phares contenues dans la circulaire y afférente, signée le 30 décembre dernier par le ministre des Finances, Louis Paul Motaze, concerne la sécurisation des recettes de l’État. A cet effet, le membre du gouvernement prescrit « l’interdiction du paiement des impôts et taxes en espèces auprès du réseau fiscal et la généralisation aux centres divisionnaires des impôts informatisés des modalités de paiement en vigueur dans les unités de gestion spécialisées, à savoir le paiement par virement bancaire ou par voie électronique ». Aussi, le Minfi consacre le télépaiement comme mode règlement obligatoire des impôts et taxes pour les grandes entreprises relevant du portefeuille de la direction des grandes entreprises et élargit même la mesure à tous les autres contribuables de la cagnotte de l’Etat.

Le texte autorise exceptionnellement le paiement des impôts et taxes en espèces uniquement auprès des guichets de banques. Mais pas auprès des employés du fisc qui ont souvent alimenté l’actualité dans des affaires de détournement des recettes publiques. Par ailleurs, la circulaire consacre la délivrance et la notification des quittances par voie électronique, avec conséquence la suppression des quittances manuelles qui sont sources « de fraudes diverses ». Ainsi, les quittances manuelles jadis délivrées sont purement et simplement remplacées par les quittances électroniques. « Les modalités de mise en œuvre de cette réforme seront définies par un texte spécifique du ministre des Finances », indique la circulaire.

C’est la dèche chez les agents véreux

Il s’agit en soi d’une petite révolution car déjà en 2017, le ministre des Finances avait dû sanctionner 137 agents de son administration. Les faits reprochés à ces employés tournaient essentiellement autour de la production de fausses quittances et des détournements de recettes. « C’est actuellement la dèche chez les agents véreux des impôts, les vannes ont été fermées et beaucoup envisagent même de quitter le navire », constate un comptable qui suit les dossiers fiscaux de plusieurs PME dans la ville de Yaoundé. « Il y a une nette amélioration dans le traitement des usagers. Avant c’était l’agent des impôts qui vous donnait le montant à payer, on vous demandait même d’aller gonfler votre chiffre d’affaires comme s’il s’agissait d’une marchandise. Aujourd’hui c’est vous-même qui déclarez vos impôts », ajoute notre source. De bons points qu’acquiescent d’autres usagers rencontrés à Douala et qui se disent particulièrement sensibles à la limitation des contacts avec les agents du fisc. « C’est une excellente nouvelle, ces agents trouvaient toujours un moyen pour nous extorquer de l’argent, aujourd’hui c’est terminé », jubile Claude Djeufack qui tient un commerce de vente de produits cosmétiques au quartier Bonamoussadi.

Les banques indexées

S’ils semblent globalement satisfaits des reformes ministérielles, les usagers doivent en revanche faire face à un autre type de problèmes. Des voix s’élèvent depuis quelques semaines pour dénoncer le montant forfaitaire imposé aux contribuables par des banques. L’alerte a été donnée par l’association camerounaise de défense des droits des contribuables (Acdc). Dans une vidéo publiée sur la page Facebook de cette association, son président, proteste contre cette pratique bancaire. Selon lui, il s’agit d’une arnaque des établissements bancaires. « Ces banques ont décidé d’imposer un montant forfaitaire comme commission. Lorsque vous allez payer vos impôts auprès d’une banque, vous devez payer des frais supplémentaires. Ce qu’on appelle commission. Lorsque nous faisons des calculs. Nous avons vu certains contribuables que nous suivons qui ont supporté près de 20% du montant d’impôts payé comme frais de commission. Nous appelons ça une escroquerie », fait savoir ce responsable. Par ailleurs, le président de l’Acdc, indique que l’article 7 de la loi des finances 2021 ne prévoit pas le paiement d’une somme supplémentaire aux banques, représentant les commissions. « Vous ne pouvez pas être en train de payer les impôts à l’Etat et payer plus de 20% encore comme frais. Alors qu’auparavant, les paiements auprès des receveurs des impôts étaient sans frais. Nous pensons que c’est une arnaque.

Mise au point

Dans une note circulaire datée du 15 mars 2021, le Minfi rappelle pourtant clairement les règles du jeu : « en application des dispositions de l’article L8 bis (3) du Code général des Impôts, les frais bancaires sont fixés à 10 du montant à payer. Toutefois, lorsque l’application du taux de 10 conduit selon les termes de la loi, à des frais bancaires de moins de FCfa 500, c’est le tarif plancher de FCfa 500 qui est retenu. De même, lorsque l’application du taux de 10 induit des frais bancaires supérieurs à Fcfa 10 000, c’est le tarif plafond de Fcfa 10 000 qui est retenu », écrit Louis Paul Motaze. Dans la pratique ces règles restent peu suivies par les banques et un usager nous explique que « certaines banques appliquent un taux fixe de 10.000 Fcfa » pour toutes les déclarations. Au mépris de la circulaire ministérielle suscitée qui invite « les établissements bancaires et de microfinances à s’en tenir strictement à ces conditions tarifaires, sous peine des sanctions prévues par les dispositions de l’article L 8 bis (4) du Code général des Impôts, à savoir une amende correspondant au montant des sommes excédentaires ».
Hiondi Nkam IV

L’accompagnement du MInfi

Dématérialisation. De la formation à la sensibilisation des usagers en passant par la prorogation des délais, le Ministère des Finances s’emploie à faire assimiler ses réformes.
Pour cette année 2021, la réforme de dématérialisation des obligations déclarative et de paiement autrefois réservée aux grandes entreprises (DGE) s’est généralisée aux petits contribuables relevant des Centres divisionnaires des impôts (CDI).
La mise en œuvre des téléprocédures (télédéclaration et paiements électroniques) est donc effective dans les CDI des villes de Yaoundé, Douala, Bamenda et Limbé depuis le 15 janvier 2021. Pour accompagner les contribuables durant la phase d’initiation aux téléprocédures des impôts et taxes, le ministère des Finances et la Direction générale des Impôts (DGI) ont reporté les dates limites de déclarations et paiements des impôts et taxes au titre du premier trimestre 2021 légalement fixées au 15 de chaque mois pour ces contribuables, respectivement à la fin de chaque mois comme suit : 31 janvier 2021 ; 28 février 2021 et 31 mars 2021. « Cette mesure exceptionnelle vise à accompagner les intéressés durant la phase d’initiation aux téléprocédures des impôts et taxes. La réforme des téléprocédures ainsi enclenchée sera étendue aux CDI des chefs-lieux des régions à compter du 01er avril 2021 et à tous les autres CDI dès le 1 er juillet 2021. Le Ministre des Finances compte sur le civisme fiscal de tous », a indiqué le ministre des Finances, Louis-Paul Motaze, dans communiqué de presse publié le 11 janvier 2021.
En plus, pour ne pas pénaliser les contribuables camerounais et pour leur permettre de s’adapter à la nouvelle donne, le directeur général des Impôts, Modeste Mopa Fatoing, dans une note circulaire signée le 26 février 2021, a demandé à ses collaborateurs, principalement les Directeurs et assimilés ainsi que les Chefs des Centres régionaux des Impôts, de ne pas appliquer des sanctions et amendes aux contribuables accusant un retard dans le paiement de leurs impôts et taxes.

On line Tax Payment (OTP)

En rappel, la plateforme de télépaiement, On line Tax Payment (OTP), est accessible à l’adresse www.impots.cm et le DG des Impôts a instruit les services de la Direction des Grandes Entreprises d’apporter toute l’assistance nécessaire aux contribuables intéressés pour une meilleure mise en œuvre de cette procédure de paiement. En rappel, la direction générale des impôts (DGI) vait du 24 au 27 novembre 2020 à Douala, organisé une session de formation des contribuables relevant de la division des grandes entreprises. A travers cette formation, l’administration fiscale camerounaise voulait amener les contribuables les plus pourvoyeurs de recettes à s’approprier les différentes réformes visant à numériser les services fiscaux au Cameroun et qui sont implémentées depuis une dizaine d’années.

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