Cameroun – Finances publiques : Les prestataires boudent les « cartons »

Ministere des finances du Cameroun

Après le budget d’investissement public (Bip), le budget de fonctionnement (Bf), hier prisé pour ses précieux pourcentages, est victime à son tour de
l’insolvabilité de l’Etat. De nombreux impayés plombent le fonctionnement des services publics.

Ces derniers jours, l’information dans les établissements scolaires tourne autour des difficultés de fonctionnement consécutif au non-déblocage des
fonds issus du paiement digital des contributions exigibles. A bonne source cependant, la situation actuelle a quelque peu surpris les responsables du
ministère en charge des Enseignements secondaires, qui misaient par ailleurs sur les « crédits délégués », encore appelés « cartons », pour faire fonctionner les lycées et collèges, en attendant les dispositions réglementaires à prendre par le Ministère des Finances. Les autorisations de crédit pour le deuxième semestre 2018 ont en effet été libérées, pour ce qui est des écoles, après la rentrée scolaire. « C’est une grosse méprise car le Trésor ne paie pas depuis de nombreux mois », regrette un prestataire de services. D’un, le montant est minable : 720 000F de fournitures de bureau et 400 000F d’équipements informatiques pour un lycée d’enseignement général, indépendamment des effectifs et des difficultés particulières. D’autre part, cet argent est virtuel : au terme des opérations de liquidation, le gestionnaire de crédit se retrouve difficilement avec la moitié du montant nominal.

Trente pour cent

Selon les explications reçues des services du Budget, 20% de ces montants sont automatiquement retenus comme impôts. Mais surtout les « fournisseurs » retiennent entre 30 et 35% du montant non-taxable. En réalité, ils ne sont fournisseurs que de nom : « dans la plupart des cas, ils se débarrassent de l’argent et vous laisse aller vous débrouiller pendant qu’ils se battent pour rentrer dans leurs frais auprès des recettes de finances. J’ai demandé au mien d’acheter les appareils indiqués sur les factures et de me les livrer et à ma grande surprise, il a refusé. Il dit que ces achats vont augmenter son chiffre d’affaires et partant, le volume de ses impôts », témoigne un délégué départemental récemment nommé.
Cependant les fonctionnaires précisent que c’est cette possibilité pour les fournisseurs de payer pour des prestations non faites qui rendait la gestion à la camerounaise intéressante. « Tu pouvais prendre l’argent et te débrouiller autrement pour faire fonctionner le service », explique-t-on. Maintenant, la situation est devenue compliquée.
« De nombreux postes comptables ne paient pas. Quand bien même ils le font, c’est à tête chercheuse et à prix d’or », regrette l’un d’eux. Du coup, les
gestionnaires de crédit et les prestataires sont aux abois. « Depuis le mois de septembre que j’ai retiré mes cartons au contrôle des finances, personne ne veut les prendre. Tous ceux que j’ai sollicités me disent qu’ils ont de nombreux impayés auprès du Trésor », affirme un proviseur. « Au départ, les plus prudents nous ont laissé penser qu’il fallait que l’élection présidentielle passe. Maintenant il est clair qu’on ne va rien en faire », conclut-il.

Il apparaît plus clairement qu’ils ne sont plus capables de les prendre, les banques n’étant plus disposées à les supporter. Pour ne pas décevoir complètement leurs clients, certains prestataires demandent aux gestionnaires de signer les factures, d’autoriser les engagements et d’attendre. « Quand on va payer, je vais vous donner votre part », suggèrent-ils. Des propos considérés comme de la malice dans un milieu quasi mafieux, puisque les dates de paiement ne sont pas rendues publiques. « Il risque de toucher et continuer à dire qu’on n’a pas encore payé. Tu n’auras aucun moyen de contrôler ». Si la tendance continue, au moins la moitié des crédits de fonctionnement délégués pour le deuxième semestre 2018 vont tomber dans la forclusion. Ce sera le 31 décembre.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *