Il est 15h56 lorsque les portes de la prison centrale de Kondengui se referment derrière Dieudonné Enoh Meyomesse.[pagebreak] Il est pratiquement poussé de force à l’extérieur du pénitencier. Plus tard, il indiquera qu’il voulait dire au revoir à ses compagnons de prison. Une occasion qui ne lui a pas été donnée.
C’est un homme visiblement amaigri qui admire à nouveau les reflets du soleil. D’un pas lent mais assuré, l’homme se dirige vers son petit frère, Oscar Françis Eyezo’o, qui s’empresse de lui serrer la main. Les tempes creuses, le cou allongé et les yeux hors de l’orbite, Enoh Meyomesse s’empresse de plaisanter devant les journalistes venus nombreux pour sa sortie «c’est la première fois que je suis devant la prison et que le véhicule pour le transport des prisonniers n’est pas garé», lance-t-il en levant les yeux au ciel. Vêtu d’une chemise ample, retroussée jusqu’aux avant-bras. Ceci assorti à un pantalon de couleur bleue dont la taille, assez grande, ne permet pas de deviner la silhouette de l’écrivain et homme politique. Des détails qui témoignent de plus de 40 mois passés dans un milieu carcéral.
Après les réjouissances, Enoh Meyomesse ne va pas résister à l’appel du débit de boisson qui se trouve en face de la prison. Avec son frère, son ami, par ailleurs son coaccusé-qui a été acquitté-, Benoît Ndi, ils vont se diriger vers ce lieu de plaisance. Une petite pause avant de prendre le chemin de la maison au quartier Biyem-Assi où la famille l’attend pour festoyer.
Le bulletin de levée d’écrou d’Enoh Meyomesse a été signé une heure avant sa sortie de prison. Un document sur lequel on peut lire « jugé par la Cour d’appel de la direction de la justice militaire à une peine de : non coupable de vente illégale d’or, acquitté au bénéfice du doute. Par contre coupable de recel aggravé ; quarante mois d’emprisonnement ferme, est dispensé de la contrainte par corps en raison de son âge. Est libéré ce jour 27/ 04/ 2015 après avoir purgé sa peine». Un «parchemin» qu’il met sur le compte de la large diffusion de sa lettre ouverte adressée au président de la République du Cameroun, Paul Biya. Une note dans laquelle il demandait sa libération telle que le conférait le verdict donné le 16 avril dernier par la Cour suprême. Un verdict qui le condamnait à 40 mois de prison ferme pour «recel aggravé.»
Une peine qu’il avait déjà purgée car incarcérée depuis 2012. «Le combat continue. Moi je suis pour la démocratie entière et pleine, la justice. Il y a beaucoup de batailles que je vais engager maintenant parce qu’il y a des choses que je percevais différemment avant la prison et maintenant j’ai une autre vision. Donc je sors renforcer dans ma conviction qu’il faut faire bouger les choses. Et c’est une chose que je reproche beaucoup aux Camerounais. Ils ne savent pas revendiquer leurs droits. Vous voyez ? Si je n’avais pas protesté avec votre aide ce matin, je ne serais pas sorti. C’est vous la presse qui avez fait écho de mon cri et voilà», a martelé l’auteur de «Poème carcéral… Poésie du pénitencier de Kondengui». Avant d’indiquer qu’un recours en justice du jugement rendu à son encontre n’est pas à exclure.
Nadine Guepi