Cameroun – Elvis Kemayo : On m’avait chassé de Télé podium

29 ans après son dernier concert au Cameroun, l’artiste musicien a offert un show impressionnant au public le 10 novembre dernier à Douala.

Mutations est allé à la rencontre de l’ancien présentateur vedette de « Télé podium », une émission de variétés diffusée sur les antennes de la Crtv, au milieu des années 80. Entre blagues et anecdotes, retour sur le parcours de cet artiste au répertoire riche de près de 300 chansons.

Pourquoi Elvis Kemayo a accepté de participer au projet « Les Virtuoses » ?

En fait, je n’ai vraiment pas accepté de participer à cette aventure. J’ai été contraint parce que Sylvain Kom a eu tous les ingrédients pour m’obliger à remonter sur les planches. Pour moi, c’en était fini de venir faire des concerts au Cameroun depuis qu’on m’avait chassé de Télé Podium. Je suis parti très déçu, avec des mauvais souvenirs. Pourtant, j’ai donné le meilleur de moi-même. Un sacrifice pour satisfaire les Camerounais de tous les bords. Alors, il m’a rencontré au mois d’août dernier. Il me dit, je te cherche, il faut que je te fasse un spectacle. J’ai dit non ! Moi j’ai des crampes, j’ai de l’arthrose, la vieillesse. Je ne peux plus le faire ! Il me dit, ne t’inquiète pas, tu n’as pas besoin de bouger, il faut chanter seulement. Je mets à ta disposition 17 musiciens les plus performants. J’ai dit ok, dans ces conditions, je peux venir.

Qui vous a chassé de Télé Podium ?

On ne m’a pas chassé en vérité de Télé Podium. J’ai jeté l’éponge. En réalité, quand on a enlevé le défunt Dg Florent Etoga Eily, lui qui me supportait et qui me protégeait, il ne manquait plus que moi à évincer. On m’a arraché l’émission, on a donné à quelqu’un d’autre. Je ne pouvais pas rester dans les couloirs comme les fonctionnaires quand on les enlève d’un poste. Ils viennent tous les matins pointer dans le couloir. Je suis un artiste ! Je suis parti.

D’où est venue l’idée de Télé Podium ?

C’est une grosse aventure. Je vais vous raconter. En 1982 ou 1983, le ministère de la Culture et de l’Information m’envoie une invitation comme le faisait le président Ahidjo tous les ans pour venir chanter pour le 20 mai. Je suis parti du Gabon où je travaillais pour remonter en France, préparer mes danseuses, louer la salle, faire les costumes. Un mois après, ils ont annulé. Sauf que j’avais une ardoise. Ça faisait 1,5 million Fcfa. J’ai envoyé la lettre recommandée au ministère et un an plus tard, toujours rien. Alors, j’étais de passage ici en 1986, je suis allé au ministère voir le ministre Georges Ngango. Je lui ai expliqué que je suis venu réclamer ma petite facture qui date d’un an, d’1,5 million de Fcfa. Il me dit : « mon fils, sois le bienvenu ». Il prend une plume et un papier, il écrit. Il me dit : « tu es là, tu es en bonne santé ? Va donner au Secrétaire d’Etat ». Je descends voir le Secrétaire d’Etat, M. Onambele : « mon fils, sois le bienvenu, comment tu vas ? Va donner ça à Etoga Eily. » Je dis Ok ! Je me rends à la Crtv, je donne le papier au Dg : « Ah, mon fils tu es là ? Oh c’est très bien ! Va voir le Dga ». Je suis convaincu que j’allais porter un sac de billets de Fcfa, un pactole ! Je me dis, ça y est ! Mon Dieu, ils ont pitié de moi, je suis riche ! Je vais voir le Dga, je lui remets le papier, il se met à rire. Je lui demande pourquoi, car je viens chercher mon argent. Il me répond : « non, on te dit de rester au pays. Tu as assez servi au Gabon. Maintenant, notre télévision est vierge. Il nous faut des émissions de variétés, on a les yeux sur toi ! Va concocter une émission et demain matin, tu viens nous la proposer. Je suis allé à la maison, j’ai tourné en rond. Et comme j’ai fait plusieurs émissions de variétés en France, aux Etats-Unis, c’était plus facile pour moi de créer Télé Podium.

Vous étiez le King ! C’était quoi la formule magique ?

L’expérience et le professionnalisme. C’est le sérieux. Je prends tout au sérieux. Je ne mets pas toujours l’argent devant. Je mets le métier, le travail. Et pourquoi j’étais tellement motivé ? Parce qu’à l’époque, il y avait des coopérants blancs à la télévision qui réalisaient de grandes émissions. Quand on leur a dit qu’il y avait une grande émission de variétés comme celle de Michel Drucker, etc. ils ont été enthousiasmés et ont dit : « voilà, on y va avec Elvis ! » Avec eux, on a énormément travaillé. J’ai exigé un orchestre de la Crtv en place qui m’accompagnerait pendant qu’on tournait l’émission. Ça a été validé et c’est là qu’est né véritablement Télé Podium. Une émission pour le peuple.

Vous rappelez-vous le premier numéro ?

La première émission avait lieu au mois de novembre 1986 au Palais des Congrès. Le Secrétaire d’Etat Onambélé était présent. La salle était pleine. C’était la première fois que les Camerounais voyaient une émission d’une telle envergure avec leurs artistes qui interprétaient des chansons qu’ils avaient dans leur discothèque à la maison. On a fait 90 minutes et c’était le feu à la diffusion. Je n’avais pas le trac. Parce que je suis un homme de scène. Je ne faisais pas Télé Podium comme un journaliste, plutôt comme un chanteur. J’étais devant un public, je m’amusais. Je parlais très mal français et c’est après qu’on m’a corrigé. J’avais droit à un rédacteur qui écrivait mes textes, etc. on évoluait comme ça, je n’étais pas du tout complexé. Je n’avais pas le trac, je chantais au cours de l’émission. J’aime affronter le public. Mais quand l’émission a pris de la gomme vraiment, j’ai commencé à avoir le trac avant d’entrer sur scène parce qu’il y a des moments où la salle était pleine. L’émission devait commencer à 21h. Le réalisateur fait le décompte. Arrivé à 1, il y a un câble qui lâche quelque part, il y a quelqu’un qui a coupé un câble. Tout le monde est dans le noir et le public commence à crier « Kemayo, remboursez ! » C’est là où j’ai même attrapé l’hypertension. Mon coeur battait dans la loge. Je me suis dit, dès que je vais entrer, je vais recevoir des chaussures, des tomates, des canettes. J’avais vraiment peur. Mais dès qu’ils voient ma tête, tout le monde est debout et se met à applaudir.

Était-ce plus facile d’approcher les artistes puisque vous en étiez un vous-même ?

Oui, c’était plus facile. Mais j’avais affaire aux totos qui dormaient. Quand je venais à Douala chercher Ndedi Eyango, il fallait déjà aller dans son quartier. Il habitait un coin où il pleuvait tout le temps. Il fallait traverser, sauter, je suis tombé dans un caniveau un jour. Une autre fois, c’est un chien qui m’a mordu. J’allais moi-même, alors qu’à l’époque, j’étais l’homme le plus populaire. Je suis allé chercher Medjo Me Nsom Jacob au fin fond de son village. Ça il fallait le faire. Je suis allé à Edéa (ou Eséka) chercher Jean Bikoko Aladin. On a dormi chez lui et en bas il y avait de l’eau. Et quelqu’un nous dit : « en bas, il y a le serpent qui passe de temps en temps. » Avec les techniciens, on n’a pas fermé l’oeil de la nuit. C’était un moment très vivant de ma carrière. C’était très touchant.

Comment êtes-vous arrivé à l’animation ?

Je suis plus chanteur qu’animateur. Mais aujourd’hui, je me plais énormément dans l’animation. J’aime faire rire les gens, j’aime raconter de petites histoires. C’est un hasard. Je suis venu réclamer mon argent et on m’a demandé d’apporter une émission. Je faisais un peu ça au Gabon, à la télévision gabonaise, mais c’était avec toute une équipe. Ce n’était pas Elvis Kemayo devant comme à Télé Podium, devant un public au palais des Congrès rempli par plus de deux mille personnes. J’étais conscient que tout le Cameroun me regardait. C’était difficile. Mais je me transforme. Ma personnalité artistique est très différente de ma personnalité privée. Quand Télé Podium passait, je me regardais à la télé, je me découvrais. On aurait dit que j’avais un esprit qui me permettait de me transcender. Mais même en étant vedette, je ne me sens pas du tout dans la peau d’une star. Je suis quelqu’un de très simple, de très humble. J’aime la vie, mais cette vie musicale, artistique, « vedettariale » m’empêche maintenant de sortir et de vivre comme tout le monde. Je ne vais plus en boite, je ne vais plus dans des cafés, je ne vais plus dans les lieux publics comme ça, sauf si c’est pour chanter. C’est très difficile.

Quel regard portez-vous sur les animateurs, les présentateurs aujourd’hui ?
Ce sont de jeunes loups aux dents très longues. Les jeunes animateurs que je vois aujourd’hui sont très forts, très puissants. Et il y en a qui n’ont même pas été à l’école, mais quand ils présentent, je suis en admiration. Partout où je suis passé, dans toutes les radios, j’ai dit chapeau ! Chacun se bat pour être au sommet. Je ne sais pas où ils vont chercher les documents pour retracer notre biographie. Tout cela est extraordinaire. Je les admire, je les encourage.

Pourquoi avoir choisi de vous appeler Elvis ?

Ce n’est pas moi qui ai choisi. A treize ans, on avait dans notre quartier un groupe de jeunes de mon âge qui faisaient tous les ans des booms. Chaque quartier avait un groupe qui faisait de petites soirées. Quand vous n’aviez pas d’argent, vous organisiez ça à la maison. Mais, on avait un peu de moyens. On a loué une salle qui s’appelait « Le Syndicat » à New Bell. On a loué un orchestre et moi, j’étais chorégraphe. Et comme on n’avait pas de tourne-disques, je reprenais les chansons d’Elvis Presley, dans un anglais que moi-même je ne comprenais pas. Et les gens dansaient. Et le jour de la soirée, j’ai demandé au chef d’orchestre si je pouvais interpréter une chanson et les gars vont s’accrocher dessus pour exécuter leur chorégraphie. Et c’est là où on m’a appelé Elvis. Jusqu’aujourd’hui, on m’appelle ainsi. Ma mère, elle est morte l’année dernière, ne m’a plus jamais appelé Pierre. Elle m’appelait « Elvisi ».

Quels souvenirs gardez-vous de vos expéditions hors du pays, que ce soit en France, aux États-Unis ou dans des pays voisins ?
De très grands souvenirs. La France pour nous c’est le tremplin. C’est une grande terre d’accueil qui donne beaucoup de possibilités à ceux qui veulent vraiment réussir et s’en sortir. Vous pouvez faire tous les métiers pour gagner votre vie. Vous pouvez vous perfectionner, vous pouvez aller à l’école, etc. Mes enfants sont tous nés en France, je m’y suis marié et j’ai été vedette à partir de la France. J’ai travaillé avec Claude François. C’est lui qui m’a donné la possibilité d’avoir des danseuses. J’ai fait l’Olympia, ce n’est pas donné à n’importe qui, étant jeune. J’ai fait des plateaux à Cannes…C’est des souvenirs énormes.

Quel impact le Gabon a eu sur votre carrière ?

Le Gabon a eu un impact majeur sur ma carrière. J’ai eu la maturité en tant qu’homme à partir du Gabon. C’est le Gabon qui m’a formé parce que mes premières amours, c’est au Gabon. J’ai commencé à souffrir quand je tombais amoureux. Je me souviens un jour, j’étais amoureux d’une fille qui était hôtesse de l’air. Elle était belle, une métisse. Elle me trompait tout le temps. Un jour à Libreville, un ami me dit : « allons à Port-Gentil, le patron veut nous voir pour qu’on chante ». On prend l’avion, on arrive à Port-Gentil et la femme de mon ami l’appelle pour lui dire : « Lydie était là hier, mais elle est partie avec un blanc. Elle n’est pas rentrée, sa porte est toujours fermée. Mais faut pas dire ça à Elvis, parce qu’il va craquer. » Il lui a promis et après il m’a fait asseoir. Il me dit : « je vais te dire quelque chose. Je ne veux pas que tu bouges d’un cheveu, je ne veux pas voir de larmes. » J’ai dit Ok. Il poursuit : « ta femme a découché hier soir avec un blanc. Elle n’a pas dormi à la maison. » Je n’ai jamais pleuré de ma vie comme ça, mais la gifle qu’il m’a donnée, je crois qu’il a chassé l’esprit de la fille de ma tête et c’était fini. Sa gifle m’a fait tomber par terre, j’ai vu des étoiles. Le Gabon m’a beaucoup formé. Le Gabon m’a tout donné. J’ai dirigé l’orchestre national. Notre patron était le Général Jean-Boniface Assélé, beau-frère du président Omar Bongo, frère aîné de Patience Dabany et père d’Angèle Assélé. « Associé » c’est une chanson jouée par l’orchestre national, arrangée par moi, composée par Malao Hennecy qui était le chanteur. Nous avons eu la possibilité d’aller à Paris pour enregistrer. C’était en 1983. On a enregistré « Associé » et j’ai donné en distribution dans une grande maison française qu’on appelait Sonodisc et ça a fait le tour du monde.

Quand a commencé votre carrière musicale ?

J’ai été professionnel dans une boite de nuit à Yaoundé en 1969, qui s’appelait le King’s Club. C’était en face du cinéma Le Capitole. Et comme par coïncidence, le patron s’appelait Kemayo Louis. Donc j’étais son « fils ». J’étais logé dans un petit studio derrière. C’est là où j’étais entouré de Jacob Mekunde, de grands musiciens qui jouaient dans cette boite. Et c’est à partir de cette boite que j’ai fait mon premier concert en tant qu’interprète au Cinéma Le Capitole en face. Je chantais les chansons des autres, je n’avais même pas un disque, la salle était pleine. Après cette aventure, je suis allé au Gabon. Mon premier disque est sorti en 1974. Ça n’avait pas marché. C’est en 75 donc que j’ai écrit « Te Revoir ». Ça a pris la gomme. En 76, j’ai sorti « Africa L’an 2000 » avec lequel je suis venu en tournée au Cameroun. « Cameroun Berceau de nos enfants », « Mama », « Merci Gabon » en 80 ou 82

C’était quand la dernière fois que vous êtes monté sur scène au Cameroun ?
Je suis parti de Télé Podium en 1989. Je ne suis plus jamais monté sur le podium au Cameroun. J’avais refusé. C’est vrai qu’entre-temps, pour mon ami Nkotti François qui m’invitait, je venais faire deux ou trois chansons à Fomaric. Mais ce n’était pas mon concert. Je lui donnais un petit coup de main. Mais j’ai sillonné le monde. Les États-Unis, l’Europe, en concert live. Mais pas au Cameroun.

Combien d’albums ?

Une quinzaine d’albums. Près de 300 chansons écrites. Avec toute cette expérience, est-ce qu’Elvis a pensé à une structure pérenne ? Une fondation ? Un organisme ? Où est-ce que je peux bien faire une fondation ? Si j’en fais ici, ils vont m’enterrer avec ma fondation, je connais les Camerounais (rires).

Que retenez-vous de votre expérience de producteur ?

L’exigence du métier. Les musiciens que j’ai produits soit en spectacle, soit discographiquement, me respectent. En spectacle, j’ai produit Koffi Olomide en Guinée Equatoriale, Papa Wemba, Zaiko Langa Langa. Je suis le manager des managers des chanteurs africains, des costauds. Werrason, Madilou System, Petit Pays, Grace Decca, des Américains. J’aime le perfectionnisme. Et ça a fait de moi le monsieur qui ne fait pas n’importe quoi pour n’importe quoi.

Comment vous servez-vous de votre notoriété ?

J’ai foi en Dieu et je suis quelqu’un qui partage beaucoup. J’ai sacrifié la moitié de ma carrière pour aider les jeunes. A la télévision, à côté de Télé Podium, j’avais une autre émission qui s’appelait « Les jeunes talents ». C’était pour les débutants. Je faisais des auditions à la Crtv. Je découvrais de jeunes talents. C’est de là qu’est sorti Belka Tobis, tout comme d’autres. A Libreville, c’était pareil. Je produisais les jeunes. Pour la Guinée Équatoriale, n’en parlons plus. J’ai fait une vingtaine d’albums pour lancer des jeunes artistes équato-guinéens qui ne connaissaient pas du tout le métier. Même entrer dans un studio comme Mba Abessolo que j’ai amené ici. Il n’avait jamais vu une aussi grande télévision que la Crtv, etc. Je lui ai fait un clip qui a coûté 40 000 euros. Mais c’était le meilleur clip en Afrique à l’époque. Où êtes-vous basé en ce moment et que faites-vous ? Je suis basé aux États-Unis. Je fais des concerts. Il y a plus de cinquante Etats. Pour faire le tour, il faut un siècle. Ça n’en finit pas. On vous appelle tout le temps. Il y a des moments où je suis essoufflé, j’ai une maison à Paris où je vais me reposer. Je me filme à l’hôpital. Des fois, je signale que je suis malade, j’envoie comme si je suis hospitalisé.

Parlant du droit d’auteur, pourquoi ça n’a pas marché ?

Parce que les artistes sont très « sectaristes ». Ils n’ont pas compris ce que sont les droits d’auteur. Les droits d’auteur, ce n’est pas un métier. Ils veulent en faire un métier. Ce n’est pas le cas. L’artiste doit gagner sa vie sur la scène. Il doit faire des disques et faire des spectacles. C’est là qu’il acquiert sa notoriété et c’est là où ça produit des droits d’auteur. Les droits d’auteur, c’est une institution qui est là simplement pour percevoir les droits des artistes et après redistribuer. On ne va pas être tous Pca, administrateur, etc. Non ! Et depuis une quinzaine d’années, il y a des clans qui se sont formés. C’est bidon tout ça. C’est vraiment honteux ! J’ai postulé à un moment donné au poste de Pca parce que je travaillais en Guinée Equatoriale. J’ai été battu par Odile Ngaska. Finalement, elle-même a fui le Cameroun parce que ce n’est pas son métier. Moi si j’étais Pca, aujourd’hui, je pense que la société des droits d’auteur camerounaise serait à l’image de la Sacem en France. Je suis membre de la Sacem et je vois comment on dirige une société de droit d’auteur. Mais là, c’est parti en couille. Le ministre actuel de la Culture s’est vraiment battu pour que ces personnes qui perturbaient les droits d’auteur se mettent à l’écart pour qu’on choisisse de nouvelles têtes pour pouvoir diriger. Aujourd’hui, Sam Fan Thomas est Pca avec ses administrateurs. Moi je suis très content, je les encourage.

Que pensez-vous des musiques du Cameroun aujourd’hui ?

Les vieux de ma génération comme Ekambi Brillant, Sam Fan Thomas, Nkotti François, mêmes nos petits frères comme les Ben Decca, ils ont fait leur chemin, ils ont fait leur route. Ils ont produit des musiques qui aujourd’hui ont toujours un sens. Parce que quand on nous écoute, on voit qu’il y a eu du travail derrière. Ne devenait pas musicien du jour au lendemain à notre époque, il fallait d’abord passer par les cabarets, chanter pendant longtemps, même 10 ans, avant de prétendre aller entrer dans un studio pour enregistrer. Aujourd’hui, c’est le contraire. Les jeunes ont dans leur chambre des appareils pour faire des programmations et tout de suite, le CD est fait. Ils envoient sur Youtube. Si ça marche, tant mieux ! Si ça ne marche pas, ils recommencent. C’est devenu trop facile. Le problème c’est que leur succès aujourd’hui, moi je ne critique pas parce que c’est un fléau, c’est leur temps, ils ont des fans pour ça, mais ça ne dure que six mois de temps en temps. C’est ça qui est lamentable.

Il y aurait un nouvel album en vue ?

Oui. Il est prévu pour le début de l’année prochaine. Il s’appelle « Confession ». Je confesse mes péchés et Dieu seul sait que je suis un pécheur. J’avais sorti en 81 une chanson qui s’appelait « Paradis noir » dans laquelle je demandais à Dieu, je suis un chrétien, mais je suis un pécheur. Je vois souvent les films de Jésus-Christ de Nazareth et ça me fait pleurer. J’ai envie d’être un de ses disciples qui peut le suivre. Et moi je dis dans cette chanson, Seigneur, je ne peux pas te suivre sur cette terre, parce que mes yeux convoitent beaucoup de choses. Je serai toujours pécheur. Mais si je dois te suivre, c’est au paradis des noirs s’il y en a un là-haut. Parce que je sais qu’il n’y aura pas de femme qui va tourner les fesses quand je vais passer ou autre. Donc là-haut, je serai saint pour te servir. Donc prends-moi et je te servirai ! Mais il ne m’a jamais pris ! Dans le prochain album donc, il y aura des reprises. Les chansons des autres. J’aime bien chanter les morceaux des autres. J’ai chanté « Faire l’amour avec toi » de Michel Polnareff. C’est bien de reprendre les autres. Et puis, il y aura des featurings peut-être avec Lady Ponce, une chanteuse ivoirienne, etc. il y aura des chansons inédites. La particularité, c’est que ce sera un double album. Il y aura un album spécialement conçu pour la religion, pour remercier Dieu. Des chansons religieuses. Et là, les gens vont découvrir ma sensibilité spirituelle. Dernier album date de 2001, « Associé »

C’est quoi l’histoire de la chanson « Mama » ?

C’est une chanson triste qui me fait pleurer tout le temps. C’est l’histoire d’un Africain, d’un Camerounais, d’un immigré qui va à l’étranger. De là, il se rend compte que la vie n’est pas facile. Il ne peut pas joindre les deux bouts. Il n’a pas de carte de séjour. Mais les parents sont heureux de voir que leur fils est à Mbeng. Alors, pour joindre l’utile à l’agréable il dit : je viens d’ouvrir une société où je suis directeur, je suis trop pris, je dépense beaucoup d’argent, etc. On le croit jusqu’au jour où sa maman dit : mais, ça fait 15 ans que je t’attends, tu ne viens pas. Et là, je suis sur un lit d’hôpital, je suis en train de rendre mon dernier souffle, je t’envoie ce télégramme pour te dire que je m’en vais. Alors il se met à pleurer avec les paroles de cette chanson, disant : Maman, pour te dire la vérité, je n’ai pas de papiers. Je ne pouvais pas te voir. Je n’ai pas de travail. J’ai emprunté de l’argent pour prendre un billet, personne ne pouvait avoir confiance en moi. J’ai même voulu marcher à pied pour traverser l’océan Atlantique, mais les requins vont me bouffer. Aie pitié de moi et que ton âme repose en paix. Je suis allé chez un ami parce qu’il avait perdu sa mère. Donc nous étions nous là. Il était debout et il pleurait. Chez nous, on pleure en parlant. Et il pleurait en parlant comme ce que je viens de raconter. J’avais mon petit appareil, j’enregistrais tout ce qu’il disait. Quand je suis rentré chez moi, j’ai écrit une chanson.

On entame un nouveau septennat, est-ce qu’Elvis a des attentes en matière de politique culturelle pour son pays ?

Je souhaiterais que le ministre de la Culture se batte pour nous. C’est vrai que le ministre actuel a beaucoup de problèmes avec nous, les artistes. Parce qu’il y en a certains qui confondent le ministère de la Culture au CHU. Quand ils sont malades, ils envoient une lettre au ministère : « il me faut 30.000Fcfa, 40.000 Fcfa pour me soigner ». Franchement, c’est mélanger les pommes de terre et les carottes. Le ministre a trop de problèmes pour nous encadrer et je souhaite que le ministère ait des moyens conséquents. Il faut aussi que le ministère soit doté d’un budget pour pouvoir nous aider à nous produire, à nous représenter hors du Cameroun, etc.

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