Cameroun – Danielle Eog, artiste-musicienne: « Le jazz, mon domaine de définition »

Vous pratiquez plusieurs styles :jazz, hip hop, bossa nova, etc. Dans lequel vous sentez-vous finalement le plus à l’aise ?
Je me qualifierais d’artiste jazz, parce que le jazz est un style libre qui n’obéit pas beaucoup aux conventions, en plus d’embrasser divers univers musicaux. Oui, je dirais que le jazz est mon domaine de définition.
Néanmoins, être aussi versatile artistiquement parlant me permet d’avoir des repères dans beaucoup d’univers musicaux. En même temps pour moi, c’est très difficile, parce que cela implique d’avoir l’expertise d’un directeur artistique quand je travaille sur un projet ou pour développer un album. Avec toutes ces richesses, ces rythmes, il est difficile de mener à bien toute seule des projets cohérents. J’ai toujours besoin de l’expertise d’un directeur artistique qui va me pousser à travailler sur une couleur ou une autre et avoir des projets homogènes.

Si cette diversité justifie vos nombreuses collaborations avec des artistes multidimensionnels, qu’avez-vous tiré de toutes ces expériences ?
J’ai appris qu’il faut toujours rester ouvert intérieurement et disponible aux nouvelles possibilités, aux nouvelles rencontres. On n’a pas forcément en face de nous des gens qui conçoivent la vie, la musique comme nous le faisons. Mais, il y a une très grande richesse dans la rencontre, dans le fait d’aller vers le monde des autres et de l’explorer. C’est une belle expérience que j’ai vécue. Cela rend riche de croiser des personnes qui ont une conception et des dons différents.

Vous avez parlé de jazz comme votre domaine de définition, mais comment avez-vous apprivoisé ce rythme que beaucoup jugent sélect ?
Je ne pense pas que le jazz soit une musique sélecte. Le public s’habitue au style qu’on lui propose tout le temps. Le jazz n’est pas populaire parce que ce ne sont pas les mêmes dispositions qui sont mises en jeu pour qu’il soit approprié par le public. Le jazz, c’est un style auquel on s’habitue avec le temps. Il faut rester ouvert.
Les gens sont souvent réfractaires au jazz par rapport aux stéréotypes qui vont avec. C’est une musique qui peut s’adapter à tout le monde, car Richard Bona est passé devant le public de la foire Ya-Fe il y a quelques années, avec beaucoup de succès aussi bien auprès des jeunes que des personnalités haut placées.

Vous avez travaillé avec des artistes comme Fredy Massamba, Krotal, pour ne citer que ceux-là. Pensez-vous avoir tiré quelque chose de vos aînés ou leur avez-vous donné une part de vous ?

L’échange est mutuel, l’apport aussi. J’ai travaillé par exemple avec Fredy Massamba en tant que choriste, ce n’était pas un duo, ce n’était pas un featuring. Bien sûr, on apporte quelque chose à l’autre, parce que chacun a sa couleur, sa voix, sa façon de voir, son histoire, son âme. Il y a toujours quelque chose en plus qu’on rajoute dans la musique de l’autre. J’ai beaucoup aimé travailler avec ces personnes car je me sentais comme la part d’un tout. Le fait de ne pas être «chanteuse lead » mais d’être choriste m’a fait me sentir comme la pièce d’un puzzle.

Après toutes ces collaborations, avez-vous le sentiment que l’album « Peace, Love and Light » vous révèle personnellement au public camerounais voire international ?
Je ne pense pas que cet album m’a révélée, parce que j’avais déjà un public assez présent bien que restreint depuis pas mal d’années. Cet album m’a juste permis de dire au Cameroun et à l’Afrique que j’existe. Que je suis là. Mais me révéler, non je ne pense pas. Il y a tellement de projets auxquels j’ai participé avant : « Je wanda », le concours RFI, Island Africa Talent…

Justement, le concours « Island Africa Talent » a-t-il été une expérience enrichissante ?
Pour la première fois de ma vie, je me retrouvais dans un cadre où tout le monde était professionnel dans la formation, la démarche, la vision et l’application des programmes qui étaient donnés. Avoir des directeurs artistiques, des musiciens, des directeurs de maisons de disques (Universal, Motown, Def Jam) ça booste forcément. J’ai appris à mieux gérer la scène, mes émotions, j’ai aussi appris à me considérer comme étant un produit à vendre parce qu’avant de faire cette expérience, j’étais simplement une artiste. C’était mon art, je me faisais plaisir, je me soignais et je soignais les autres. Mais là j’ai pris conscience du fait qu’il y a vraiment un business. De part ma profession d’artiste, je suis un produit à vendre, et cela implique d’avoir une démarche-marketing, un discours, une manière de s’habiller. Il faut faire attention à beaucoup plus de
détails qui avant n’étaient pas au premier plan pour moi.

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