Cameroun – Covid-19: Une rentrée des classes risquée et hantée

Des élèves en classe

Dans l’insécurité, l’inconfort, l’inconscience et l’irresponsabilité, l’État du Cameroun, amnésique, impose à la population scolaire la reprise des classes, malgré la progression foudroyante de la pandémie.

L’école du gouvernement. C’est sous cette appellation que la communauté éducative voit la rentrée des classes risquée, envisagée dès ce jour, après
trois mois d’interruption. La peur d’aller embrasser la mort au ventre, l’estomac au talon face à la crainte d’une intensification de la contamination à grande échelle, la communauté éducative est dans le désarroi. Le gouvernement a fermé les écoles, désorganisé le tissus économique, dès que les premiers cas du Covid 19 ont apparu au Cameroun. Avec près de six mille patients positifs, il est difficile d’expliquer les motivations qui conduisent à une réouverture des salles de classes et les campus. Le retour même partiel des enfants en classe, effraie; les moyens conséquents ne sont pas mis à la disposition de tous les établissements scolaires et les universités.

L’État n’a pas les moyens de sa politique qui devrait être en ce temps de pandémie, de sauver des vies ou les préserver. « Nous avons parcouru en moyenne 80% du programme ce qui est suffisant pour organiser les différents examens officiels en tenant compte de l’interruption brusque des cours. Autrement dit en allégeant les épreuves». Enseignant dans un lycée en banlieue de la ville de Yaoundé, Essomba, auteur de ces propos, pense qu’au lieu de décider de reprendre les cours, on aurait dû créer des conditions permettant aux élèves de prendre le chemin des centres d’examen. Une telle mesure limite le temps de propagation et de contamination; les examens officiels prennent moins de temps que les classes ordinaires. « Nous savons également qu’il s’agit de jeunes enfants qui ne savent pas respecter les mesures barrières (si les adultes ont de la peine, il ne faut pas attendre mieux des enfants). Dans le cas où, les mesures barrières sont respectées pendant les cours sous le contrôle de l’enseignant présent, qu’en sera-t-il des pauses et du retour des élèves à la maison ? Qui les contrôlera? », Interroge André Balamba.

Lorsqu’on interroge la population Scolaire, des enseignants en particulier, Il y a davantage de peur et des craintes pour ce qui est du partage du matériel didactique entre le personnel enseignants. « Prenons juste l’exemple du cahier de texte que nous devrons tous remplir; il ne se désinfecte pas un cahier ! Nous occuperons à tour de rôle un même bureau lors de nos passages dans les différentes classes. Qui désinfectera ces bureaux après le passage de chaque enseignant ? », se plaint un enseignant. Comme lui, ils sont nombreux à émettre les craintes, les inquiétudes des élèves, les parents d’élèves, les syndicats des enseignants pour tout le moins compréhensibles. La décision de reprise des cours sur fond de Psychose est dérangeante. Elle stresse et angoisse au regard de la montée fulgurante de la pandémie. Les chefs d’établissement sont alarmés. Les états des besoins et des doléances ont été acheminés en haut lieu. Mais la très forte centralisation de l’administration est telle que rien ne semble bouger.

Aveuglé par des artifices, des mesures barrières inadaptées, des décisions cosmétiques, et politico-administrative, le gouvernement, comme à ses
habitudes est inaudible aux multiples cris de détresse des parents et autres mises en garde des syndicats des enseignants ,qui jugent insuffisants les gages des pouvoirs publics,visant à faire observer les mesures barrières, pour faire volte-face à la pandémie.

La mort dans l’âme

« Les enfants sont des porteurs sains, certes. Mais cette pandémie défie toute rationalité et évidences scientifiques. Il faut craindre que les
enfants portent le virus pour venir le transmettre aux parents, de plus en plus vulnérables », s’indigne un parent d’élèves. « Renvoyer les enfants à l’école dans un contexte marqué par la montée vertigineuse des cas de contaminations,est une très mauvaise décision. Il ne sert à rien de s’entêter pour une reprise des classes, si au vu du caractère imprévisible et insaisissable de la Covid-19, il y a le risque de faire le décompte macabre », se plaint un enseignant.L’État du Cameroun, au lieu de suivre la France par mimétisme, de façon stupide aurait dû s’adapter au contexte socio-économique culturel et politique…Mais il se dégage une forte impression d’un État fantôme. Il appert que les élèves et les syndicats d’enseignants ont raison d’être inquiets quant à la reprise des cours si tant est que, tel qu’énoncé dans ses recommandations, les moyens pour accompagner la reprise des classes post confinement sont invisibles. Sur le dos de qui devrat-on désinfecter les établissements scolaires? Le tâtonnement dans la prise en charge des contaminés reste quelque peu approximatif. Dans le cas où plusieurs élèves se retrouveraient infectés, il faut douter de l’existence d’un dispositif efficient capable de réguler la situation.

Au sujet des mesures d’assouplissement, ce qui est fait par le gouvernement traduit un aveu d’échec. L’échec de n’avoir pas pu élaborer une stratégie
capable de faire marcher le pays en cas de crise. « Si cela n’est pas l’apanage du seul Cameroun, il convient quand même de s’interroger sur l’opportunité des mesures édictées. Était-ce un souci véritable de protection de la population ou un mimétisme béat de s’arrimer à la norme anti Covid de l’Occident? Le rétro pédalage observé montre à suffisance l’impréparation et la précipitation du gouvernement. Sinon comment comprendre que le taux de contamination après le confinement ait baissé ailleurs et augmenté chez nous. On a donc fait un effet de mode, mais pas une méthode efficace », lance un parent d’élèves.

L’apologie du bricolage

L’indignation frôle le refus de l’intolérable tant est que, le gouvernement Joseph Dion Ngute se comporte comme si, le Cameroun se résume pas seulement aux villes de Yaoundé, Douala et quelques chefs-lieux de départements. Si à Yaoundé et Douala les populations manquent d’eau coulante et d’électricité ce n’est pas l’arrière-pays qui en bénéficiera. À Yaoundé et à Douala, il existe des établissements scolaires, fortement enclavés où il manque de tout. Il faut chasser les fantômes, exercer les mauvais esprits.Le raisonnement par prudence et tolérance. Il faut mettre l’accent sur les examens officiels. La fin des contaminations massives ne sera pas effective mais elle sera moindre car les examens durent en moyenne trois jours. À contrario, la reprise des cours s’étale sur un mois et demi. On y ajoute des périodes de différents examens, cela fait environ plus de deux mois de risque supplémentaire inutile. Si l’on s’en tient à la triste expérience en date, les mesures d’assouplissement sont un leurre, de la poudre aux yeux. Au prétexte de la précarité, la pauvreté, la rareté des ressources financières et matérielles, les camerounais qui sont logés dans les conditions humaines de survie, sont réfractaires, chantres de la désobéissance et l’indiscipline.

Souley ONOHIOLO

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *