Cameroun: Comment on recrute les commandos du BIR et de la GP

Comment sont recrutés les 2600 jeunes garçons qui doivent faire partie du contingent 2019 des deux plus prestigieux corps de l’armée camerounaise.

Depuis le 12 novembre dernier, la caravane des recruteurs des commandos du Bataillon d’intervention rapide (Bir) et de la Garde présidentielle(Gp) sillonne le pays. Ce sont plusieurs dizaines de véhicules dont un hôpital de campagne et près de deux cents militaires de tous grades qui la constituent. Ils ont commencé leur périple à travers les dix régions du Cameroun par celle du Sud à Ebolowa. Pendant cinq jours, 2044 garçons ont concouru aux rudes épreuves de la sélection. Les examinateurs ont ensuite évalué 4298 garçons de la région du Centre, puis 5032 de la région de l’Extrême-Nord. Le 24 novembre, ils ont commencé à planter leurs tentes au camp du 4ème Bir à Djoumassi, un quartier de la périphérie de Garoua. L’on a vu des hommes aux gestes bien coordonnés, huilés sans doute par l’expérience acquise dans les trois précédentes étapes. En une journée, le paysage du camp était déjà changé. En plus des chapiteaux, 3035 sacs de sables étaient déjà bourrés, cousus et rangés. Il ne restait plus qu’à attendre les candidats et le reste de l’équipe du colonel Belinga de la Gp. Dimanche, le reste de la caravane est arrivé dans une noria 4×4 et deux gros bus de 70 places chacun, frappés aux flancs du sigle Bir. Très vite, la ville de Garoua a grouillé de militaires en T-shirts noirs avec dans le dos «Recrutement Gp/Bir 2018». Et la ferveur s’est emparée des quartiers de la ville.

Lundi dès 4h, les premiers candidats ont bravé le froid des hivernages pour se présenter au portail du 4ème Bir. Ils ont été accueillis chaudement par les hommes du lieutenant-colonel Merlin Chembou. Les hommes de garde leur ont demandé d’attendre. Peu après, les premiers recruteurs sont sortis du camp. Ils ont très vite demandé aux candidats de s’asseoir dans un espace défriché en face du camp. A même le sol et en rangs serrés. Ils vont garder cette position d’attente pendant toute la durée du recrutement. Pour autant, ils n’auront pas le temps de se morfondre. Des militaires, recruteurs, viendront régulièrement leur faire la conversation ou les faire chanter. Certains ponctuant les chants grivois de danses obscènes pour la grande joie des candidats. «On se sent déjà dedans», nous confient beaucoup. Peu après 8h, un recruteur annonce le programme de cette première journée : enregistrement des candidats et visite médicale sommaire. 3032 garçons des quatre départements de la région sont présents. Des bracelets de plastique leurs sont accrochés au poignet gauche, renforçant leur sentiment «d’en être». Ils se présentent sous le premier chapiteau. Ils ont tous le reçu de la société de messagerie où ils ont fait le mandat de 5000F cfa «qui représente une contribution à la visite médicale sommaire. C’est une innovation cette année ; on ne vient plus payer au camp pour éviter les embouteillages et les retards. Ils payent en ville et apportent le reçu», explique le sergent-chef Enoh Asek de la sous-commission communication. Après les formalités administratives, les candidats vont être auscultés sous plusieurs coutures. Toise (1,66 minimum), pouls, hernie, dentition, tension artérielle doivent être optimums. Tous y passent. «Les critères sont définis par une instruction ministérielle relative à l’aptitude, les pathologies éliminatoires sont les problèmes cardiovasculaires, de la paroi abdominale, des plis de l’aine, des varices des membres inférieurs, des problèmes dentaires», nous dit le colonel médecin Epanya. La visite dure 36h. 2184 sont retenus pour les épreuves suivantes. Parmi les recalés, Mohamadou M., est inconsolable : «Ça fait trois mois que je fais au moins 15km de course chaque jour avec un sac de sable et on me recale pour la visite. Je ne suis pas malade je n’aurais pas pu faire tous ces efforts», se plaint-t-il. Mais, personne pour justier le rejet. «Si ton nom n’est pas lu, à l’année prochaine ! Les choses sérieuses commencent demain», crie un recruteur.

20 km avec 20 kg

Dès minuit le mercredi soir, les candidats vêtus de leur tenue de sport vont passer au camp s’approprier de leur sac de sable de 20kg. Ils vont ensuite
rentrer s’asseoir et attendre le lever du jour pour la «grande épreuve», selon les militaires. Une course de 20km à travers la ville. Le gouverneur Jean Abate Edii va la présider. Les curieux et des proches des candidats sont venus nombreux. A 6h, le départ est donné. Des candidats se ruent comme pour un sprint. Ces téméraires vont déchanter très vite. Beaucoup vont jeter leurs sacs et se fondre incognito dans la foule massée tout le long du parcours. L’on est sorti comme pour une course cycliste. Certains veulent accompagner les candidats qu’ils supportent. Ils en sont empêchés par le service d’ordre et les agents de la sécurité militaire à moto. Des drones survolent la course. Difficile de tricher. Un jeune homme prend la tête des concurrents. La course passe dans son quartier. «Il s’entraîne chaque jour sur le parcours, il est trop fort», entend-on. Le champion a la foulée légère. Il avale les kilomètres avec aisance. On pronostique sa victoire parmi les suiveurs. Il passe les 15km. Il a un peu ralenti sur les montées, mais conserve la tête. Soudain, il se met à zigzaguer. Il titube beaucoup et se fait dépasser par beaucoup d’autres. On ne le verra pas à l’arrivée. «Hypoglycémie», explique un recruteur. Le champion a dédaigné les points de ravitaillement. Il n’a pas pris les morceaux de sucre ni l’eau que les recruteurs proposent à profusion. Après 1h30 de course le premier arrive. Son sac est pesé . Il a tous les jetons qui lui ont été remis aux points intermédiaires. «Validé, crie un examinateur. Le candidat reçoit un T-shirt avec le numéro 1 remis par le gouverneur. Il entre dans le camp où vont le rejoindre ses 599 camarades arrivés un peu après lui. A 600 on ferme le portail ordonne un colonel.

Les 600 sélectionnés ont droit à 30 à 50 g de pain, une boîte de sardines en conserve, de l’eau à bouche que veux-tu et deux heures de repos. Ils sont
ensuite appelés pour la deuxième course de la journée. 10km sans charge. Ils la font sous un soleil qui commence à darder des flèches de feu. Retour au camp vers 11h. Ils se préparent ensuite pour «la course avec poteau». «On les mets à 15ou 16. On leur donne un poteau (en eucalyptus dont on se sert pour transporter les câbles électriques, ndlr) de 8 ou 9 mètres de long. Ils ont un bidon de 20 litres d’eau et un paquet de sucre. Ils sont suivis par un examinateur. Ils doivent parcourir 4km. On note l’endurance, l’esprit de cohésion et le leadership qui se dégage toujours», explique le chef de bataillon Felix Tolbert, le président de la sous-commission Épreuves physiques.

Test psychotechnique

Vendredi matin, les 600 candidats arrivent au camp vers 6h. Ils vont être confrontés à de nouvelles épreuves physiques et au test psychotechnique. Au menu des épreuves physiques : abdominaux, flexions de bras (pompes), flexions de jambes et grimper de corde. Une minute par candidat et par atelier pour réaliser un maximum de flexions et tractions. Ils vont aussi grimper à la corde 10 ou 20m, selon qu’ils s’aident de leurs jambes ou non. Le test psychotechnique va les conduire devant le commandant Guy Roger Zo’onna. « En une dictée de deux à cinq phrases de 20 mots simples et des questions à choix multiples, nous voulons donner l’occasion à des candidats qui ont des capacités intellectuelles à faire valoir de s’exprimer. Et l’armée détecte les hommes capables d’effectuer des tâches plus cérébrales», explique l’officier supérieur. Mais le clou du recrutement est la visite médicale approfondie. Un électrocardiogramme, une radiographie pulmonaire et un bilan sanguin qui comporte l’albumine sucrée que nous recherchons dans les urines, une glycémie à jeun et les sérologies des hépatites B et C et du Vih», nous dit le colonel Mvondo. Il précise que les échantillons sont soumis à l’examen de spectromètre Elisa, un lecteur de microplaques qui va détecter les moindres anomalies. Les données collectées dans les différentes étapes par la caravane sont envoyées à un serveur central à Yaoundé. Un logiciel va procéder à leur analyse et sélectionner les meilleurs. Cette année, les 2100 candidats les plus robustes iront au Bir et 500 doivent aller à la Gp qui sollicite 600 commandos «100 musiciens sont en cours de recrutement plus les 500, ça fera le nombre», dit le lieutenant-colonel Zanga Zambo. Il ajoute qu’en général 3000 candidats sont retenus «pour prévenir les abandons, les maladies et les décès».

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