L’intensité de la discorde dans le mariage peut atteindre les degrés divers et les conséquences qu’elle entraine dans les rapports entre époux ou à l’égard de leurs enfants varient d’une situation à l’autre.
La crise du mariage peut ainsi aboutir soit à la dissolution du lien matrimonial, soit seulement à son relâchement. D’après l’article 77 alinéa 1 de l’ordonnance de 1981 « le mariage est dissout avec le décès d’un conjoint ou le divorce judiciairement prononcé ». Décès et divorce sont donc deux causes de dissolution du mariage reconnus en droit camerounais. Seulement à la différence du divorce qui est un effet de la crise du mariage, le décès de l’un des conjoints constitue une cause naturelle de dissolution du lien conjugal. Mais le divorce qui nous intéresse ici au premier chef est la dissolution du mariage du vivant des deux époux à la suite d’une décision judiciaire rendue à la requête de l’un d’eux, ou de l’un ou de l’autre dans l’un des cas prévu par la loi. Le divorce dissout le mariage mais seulement pour l’venir. Il en laisse subsister les effets dans le passé sans que la régularité de ceux-ci soit affectée. C’est la différence fondamentale avec la nullité du mariage. Un mariage nul étant en principe anéantit rétroactivement.
Deux conceptions du divorce sont connues. On admet le divorce que si l’un des deux époux a commis une faute assez grave : c’est celle du divorce-sanction, la sanction frappant l’époux coupable. A cette conception s’oppose le divorce remède ou divorce faillite qui est admis dans les cas où la vie commune est impossible. Le droit camerounais repose principalement sur la première conception, c’est ce qui transparait clairement de l’examen des causes du divorce qui diffèrent selon que l’on les envisage en droit écrit ou coutumier. Quelles sont ces causes ? Et quel en est le contenu ?
Les causes du divorce en droit écrit
Traditionnellement, une distinction est faite entre les causes péremptoires et les causes facultatives du divorce.
Les causes péremptoires du divorce
Elles sont celles dont la réalisation oblige le juge à prononcer le divorce. Il s’agit de l’adultère d’un des époux et de la condamnation à une peine afflictive et infamante.
L’adultère
L’adultère comme cause du divorce est prévue pour l’homme à l’article 230 du Code civil camerounais. Quelques soit l’époux coupable, l’adultère ne sera constituée que si les éléments matériels et psychologiques sont réunis. L’élément matériel réside dans l’effectivité des rapports s*e*xuels avec un autre que son conjoint. Il peut se produire au procès-verbal de flagrant délit dressé par l’officier de police judiciaire ou un huissier (entre 6h-18h du soir). Au-delà de ces heures, il peut être instrumenté quand l’application d’une ordonnance du Président du Tribunal de Première Instance prise à cette fin. Besoin d’aide juridique ? Contactez nous à [email protected] L’adultère peut parfois encore résulter de présomption ou indices tels que les correspondances compromettantes. La jurisprudence exige alors que ces indices soient suffisamment significatifs. Dans tous les cas, lorsque la matérialité de l’acte s*e*xuel n’est pas incontestable, la qualification de l’adultère pourrait être toujours abandonnée au profit de celle d’injures graves. Elle est constituée ici de toute sorte de relations équivoques disgracieuses ou immorales avec un tiers. Des relations homos*e*xuelles sont également considérées comme injurieuses à l’égard du conjoint. Par ailleurs, il est plus plausible pour prouver l’adultère du mari, d’établir un lien de filiation avec un enfant né hors du mariage. L’élément intentionnel ou psychologique de l’adultère implique la volonté consciente de commettre l’acte prohibé. Les faits doivent donc être imputables à l’époux.
La condamnation à une peine afflictive ou infamante
Au terme de l’article 231 du Code civil camerounais « la condamnation de l’un des époux à une peine afflictive et infamante sera pour l’autre époux une cause de divorce ». Comme peine afflictive et infamante énumérée par le Code Pénal français de1810, on retient la peine de mort, les travaux forcés à perpétuité, la déportation et la réclusion. Le droit camerounais ne retient que la peine de mort, les autres peines ayant été supprimées par le Code Pénal en vigueur. La peine de mort ne peut être évoquée comme cause de divorce que lorsqu’elle n’a point été effacée (par la grâce présidentielle). Il y a donc lieu de conclure que le divorce ne sera que très rarement demandé et obtenu pour cette cause. L’exécution même de la condamnation (fusillade ou pendaison de l’article 23 du Code Pénal) aura dissout le mariage, ce qui renvoie l’action inutile. L’époux peut cependant invoquer la condamnation pénale de son conjoint comme injure, cause facultative du divorce.
Les causes facultatives du divorce
Ce sont celles dont la réalisation n’entraine le divorce qu’à la suite d’une appréciation souveraine du juge. Elles sont expressément prévues par l’article 232 du Code civil qui dispose que « en dehors des cas prévus aux articles 229, 230 et 231 du présent code, les juges ne peuvent prononcer le divorce à la demande de l’un des époux pour l’excès sévices ou injures à l’un envers l’autre, lorsque ces faits constituent une violation grave ou renouvelée des devoirs d’obligations résultant du mariage et rendent intolérable le maintien du lien conjugal ». Besoin d’aide juridique ? Contactez nous à [email protected] Comme on peut le déduire de ce texte, l’existence d’un des faits énumérés n’entrainera le divorce qu’à certaines conditions laissées à l’entière appréciation du juge.
Les faits constitutifs d’une cause facultative du divorce
Les excès et sévices. Les excès seraient des traitements particulièrement graves mettant en danger la vie de l’autre. Les sévices seraient alors des traitements moins importants. En pratique et à la suite de la doctrine et la jurisprudence, on ne fait plus de distinction entre les deux notions. Les excès et sévices deviennent donc des signes et correspondent tout simplement à des mauvais traitements infligés à son conjoint tels les bastonnades, les abus de relations s*e*xuelles, la privation de nourritures, la séquestration etc.
Les injures. En droit pénal (article 307 du Code Pénal), l’injure est le fait pour une personne d’user à l’encontre d’une autre, d’une expression outrageante, d’un geste, d’un terme de mépris ou d’une invective (paroles violentes) qui ne renferme l’imputation d’aucun fait. En droit civil, l’injure comme cause de divorce s’apparente à un fourre-tout. Cette qualification peut en effet être retenue pour un manquement quelconque de l’époux à ses devoirs conjugaux et moraux résultant du mariage.
Qu’il s’agisse de sévices ou d’injures, les effectivités ne conduisent pas nécessairement au divorce. Cette sanction ne pourrait être prononcée que si les faits présentent un certain caractère tel que exigé par l’article 232 du Code civil.
Les caractères des causes facultatives du divorce
Ces caractères sont au nombre de deux : les faits doivent être graves, et doivent entrainer l’impossibilité du maintien du lien conjugal.
Les causes du divorce en droit coutumier
Certaines de ces causes avaient été listées par le législateur colonial dans son arrêté du 11 janvier 1936, les autres résultent de la jurisprudence.
Causes prévues par l’arrêté du 11 janvier 1936
Ce texte distinguait deux catégories :
Celles fondées sur les torts de l’un des époux. Une distinction peut être faite selon que le divorce est demandé par le mari ou la femme. Le divorce peut être demandé par le mari pour mauvaise conformation de la femme, condamnation de la femme d’emprisonnement pour crime ou délit, inconduite habituelle de la femme, absence répétée de la femme au domicile conjugal, refus persistant et systématique de la femme d’accomplir les obligations coutumières. Le divorce peut être demandé par la femme pour maladie contagieuse grave à elle communiqué par le mari, sévices graves et mauvais traitement habituel exercé à la femme par le mari, refus habituel d’assurer l’entretien de la femme et de pourvoir à ses besoins, condamnation judiciaire du mari à une peine d’emprisonnement pour crime ou délit. Besoin d’aide juridique ? Contactez nous à [email protected] Celles fondées sur la revendication des époux ou de l’un d’eux à la polygamie. Il s’agissait ici de permettre à l’un ou aux époux ayant embrassé la religion chrétienne postérieurement à leur mariage polygamique de faire concorder leur état matrimonial avec la conviction religieuse nouvellement acquise.
L’arrêté du 11 janvier 1936 est un texte colonial qui par ailleurs ne donnait qu’une liste indicative des causes de divorce en droit coutumier. L’énumération légale étant incomplète, la jurisprudence se devait de la compléter.
Causes retenues par la jurisprudence
La jurisprudence a reconnu comme causes de divorce : l’adultère, la violation de l’engagement de monogamie invoqué par la première femme, l’abandon de domicile conjugal, le refus du mari d’espacer les naissances, l’impuissance du mari, la répudiation invoquée par la femme, la stérilité de la femme, et a sorcellerie.
Estelle Djomba Fabo
Conseiller juridique
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