Cameroun – Christian Mballa Essogo : « La compétence reste le critère d’orientation le plus important pour l’élève »

Des élèves en classe

Le Conseiller d’orientation au lycée de Nyom et consultant au collège Jean Tabi revient sur la notion d’orientation dans le système éducatif camerounais.

A quel moment doit intervenir la question de l’orientation pour un élève ?

L’orientation est un processus. On construit quelque chose et on l’aménage chaque fois qu’il y a un nouvel élément qui intervient. En principe, elle devrait commencer dès l’entrée au collège. On va se dire qu’avec le cycle d’observation 6e – 5e, on est dans la période des choix fantaisistes. Après ces classes, il faut commencer à être réaliste parce qu’on entre dans les premiers pas de l’orientation. L’intervention des conseillers d’orientation doit être décisive parce que de nouvelles matières entrent dans le package des disciplines enseignées. Au sortir de la classe de 4e, on peut commencer à voir les tendances. Quelle série choisir compte tenu de mes aptitudes ? Le choix du métier doit être également être un fil conducteur. Je veux faire tel métier, voici les matières qui me permettront d’y arriver. La classe de 3e est un pallier de l’orientation. A la fin de cette année, il faut faire un choix : poursuivre dans l’enseignement général ou aller en technique. Et encore pour l’enseignement général, il faut choisir entre les séries littéraire et scientifique. S’il faut ouvrir le pallier de l’enseignement technique, il y a le commercial et l’industriel. Et là, il faut choisir la filière qui correspond aux aptitudes du candidat. Même en seconde scientifique, il faut faire un choix. On est dans la perspective du futur métier. Une fois en terminale, certains savent ce qu’ils veulent faire mais très souvent, il y a chamboulement. Des grandes écoles proposent certaines formations qu’ils ne connaissaient pas. Ils découvrent qu’il existe d’autres filières qui les attirent. L’embarras peut s’installer. L’orientation est un processus. Dès qu’on obtient l’entrée en 6e. Il faut commencer à penser à l’orientation aider en cela par les parents.

Est-ce à dire que celui qui fait le choix dès le Cm2, est dans l’erreur ?

Le cours moyen deuxième année est un pallier d’orientation. Mais, c’est une période fantaisiste. C’est pourquoi certains parents préfèrent envoyer les enfants dans l’enseignement général quitte à ce que leurs aptitudes s’affirment et qu’ils puissent choisir la bonne filière. Il peut vouloir faire un métier sans maitriser tous les contours.

Notre système éducatif concourt-il à faciliter le choix des élèves ?

Il favorise le choix dans le cadre des domaines mais pas celui d’un métier précis pour ce qui est de l’enseignement général ; là il faut aller chercher dans l’enseignement technique. Nous disons aux enfants lorsqu’on est sûr de ce qu’on veut faire, il faut s’orienter vers l’enseignement technique. Si ce n’est pas le cas, il faut mieux continuer dans l’enseignement général. Jusqu’en terminale, vous aurez le temps de vous décider.

Qui doit accompagner l’apprenant sur cette voie stressante ?

Le premier conseiller d’orientation c’est le parent. Au delà de ses désirs, de ses vœux sur l’enfant, le parent quand il veut être objectif, a eu le temps d’observer son enfant. Il sait mieux que personne ce que son enfant fait avec aisance et ce qu’il fait avec difficultés. Le parent peut être aveuglé par sa connaissance du monde du travail, ce qu’il n’a pas pu réaliser et se projette à travers son enfant. Nous organisons des rencontres avec les parents pour les édifier sur le choix des enfants. Celui qui va vivre une carrière c’est l’enfant. Il y en a qui sont devenus ingénieurs parce que les parents l’ont voulu mais, ils n’ont jamais exercé. Les parents ont certes l’autorité mais, pour un parent qui a été éclairé, il reconsidère sa position. Le parent a besoin d’être éduqué pour mieux jouer son rôle.

Les autres accompagnateurs sont les enseignants et les conseillers d’orientation. Un enseignant peut être un modèle et même avoir la connaissance d’un domaine et le proposer aux élèves. Le conseiller d’orientation est le spécialiste. Il donne le conseil mais, n’oblige pas un enfant à faire ce qu’il ne veut pas. Il l’aide à évaluer ses compétences, ses forces et ses faiblesses puis ses goûts, ses intérêts et trouver la voie qui est la meilleure pour lui. Celle dans laquelle il peut évoluer sans grande difficulté, avec aisance.

Est-ce concevable qu’un bachelier ne sache pas ce qu’il compte faire après l’obtention de son diplôme ?

Çà ne devrait pas être le cas. Si vous êtes en face d’un élève qui a obtenu son baccalauréat et ne sait pas quoi faire, il y a un problème. Il y a quelque chose qui n’a pas marché. Soit c’est lui soit c’est le conseiller d’orientation qui n’a pas fait son travail. On va assister à deux pans de cette question. Il y a une catégorie d’élèves qui, lorsqu’ils ont voulu parler d’orientation, les parents ont demandé qu’ils obtiennent d’abord le baccalauréat. Il faut une éducation des parents. Il y a un autre type d’élèves qui sait exactement ce qu’ils veulent faire mais qui ne se sont pas posé toutes les questions. Y a-t-il des ouvertures ? Le domaine absorbe t-il suffisamment ? Je viens d’où ? Il faut se poser cette question. Quelles sont mes compétences ? Quel est le niveau requis pour faire tel ou tel autre concours ?

L’orientation est-elle tributaire des moyens financiers ?

On revient à la question du bilan. Candidat à une orientation académique ou professionnelle est-ce que j’ai fait mon bilan personnel c’est-à-dire mes forces, mes faiblesses ? Je viens d’une famille nantie est-ce une force ou une faiblesse ? J’ai de bonnes notes, c’est une force certes mais qu’est ce que je dois associer à cela ? A la fin de cette auto-évaluation, on peut se projeter vers des environnements qui sont capables de nous accueillir tel qu’on est. La question des moyens financiers va naturellement intervenir. Il y a les compétences dans le sens de performances ; il y a les aptitudes. Il faut s’imprégner des réalités de l’environnement. A tout cela s’ajoute le capital social. Cet aspect n’est pas négligeable ainsi que la disponibilité des filières d’études. Il faut évaluer tous ces aspects. Je dis souvent aux enfants lorsque l’âge ne permet plus de faire de longues études, quand les moyens de la famille ne le permettent pas ; cherchez les études courtes et professionnalisantes qui vous permettent au bout de deux ans d’entrer dans le monde du travail.

L’aspect financier est très important ; mais pour moi la compétence reste le critère d’orientation le plus important. Parce que si on veut dépasser l’aspect économique, on parlera des bourses d’études à ce moment le critère de la compétence vaut son pesant d’or.

Propos recueillis par Cécile Ambatinda

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