Ils sont cités à la pelle. Mauvais état des routes, égoïsme des uns, lenteurs administratives des autres, climat des affaires tatillon, électricité instable, etc.
Plusieurs Camerounais auraient de la peine à donner avec précision le nombre d’annonces de création d’entreprise qu’ils ont entendues sur le perron du palais présidentiel d’Etoudi. Ces annonces donnent du tournis. Tout comme certaines font bondir de joie et après, la déception s’empare littéralement dans tous les esprits. Yaoundé, 29 octobre 2009. Le gouvernement camerounais signe en grande pompe une convention avec le groupe Ruwaad LLC. Il est question que ce partenaire émirati construise un complexe économique et touristique à Yoyo-Mouanko, dans la Sanaga maritime. Des salves d’applaudissement fusent. Coût du projet, 100 milliards de FCFA. Nombres d’emplois en vue, 400 000. Espace exigé par le partenaire : 10 000 hectares. Le gouvernement camerounais définit son cahier de charges: sécuriser le site, l’approvisionner en eau et électricité, aménager la route Edéa-Mouanko-Yoyo. Et le partenaire, le reste. Six ans plus tard, cet investissement n’a pas véritablement pris corps. Le partenaire émirati, invisible. « Le projet n’a pas toujours démarré à cause de l’égoïsme de certaines élites. Les investisseurs avaient choisi un site situé à côté de Souellaba, là où la mer est propre, certaines élites veulent qu’il soit à un endroit où la mer est sale. Ce qui décourage l’investisseur qui voudrait en faire un site touristique », explique Bertrand Pamsy, originaire du coin.
Dans la mémoire collective, un autre investissement qui végète. Le projet sucrier de Batouri, à l’Est Cameroun. D’une superficie de 15 000 hectares, l’entreprise Justin sugar Mills pourrait produire 60 000 tonnes de sucre par an, fruit des efforts de 17 000 emplois qui sont dans le viseur. Cet investissement demande 60 milliards à M. Don Try Don et à ses partenaires indiens et d’ailleurs, le 13 avril 2012, un protocole d’accord a été signé entre l’Etat du Cameroun et l’investisseur principal. A ce jour, tout est à l’arrêt. L’égoïsme de certaines élites du coin est sur la sellette. La pratique est devenue courante.
Raisons des goulots
Pour certains hommes d’affaires, le pays de Paul Biya est responsable de ses propres difficultés en matière d’investissement. « Trop de documents à fournir pour démarrer une entreprise, climat des affaires pas du tout conséquent, corruption rampante, électricité instable, infrastructures routières faibles », constate Christian Djomgoué, patron d’entreprise.
Vite rejoint par Edouard Fochivé, directeur général de Marine Magistrale (2M), une entreprise de la place portuaire. « Si certaines entreprises ont été déclarées non partantes, ça veut dire que là, ce n’est pas le financement, il faut faire très attention à ce niveau.
Contrairement à nous qui sommes des chefs d’entreprises locaux, nos problèmes sont différents de ceux qui viennent de l’extérieur. Ceux qui viennent de l’extérieur ont d’abord le package financier donc, on se dit, ils ont des intervenants sur le terrain. Maintenant, ce sont des ingrédients d’accompagnement internes qui peuvent être des facteurs de dysfonctionnement. Je prends l’exemple de la stabilité politique, je prends l’exemple de l’énergie, je prends l’exemple des infrastructures, dans leur ensemble : (routière etc.) Et surtout de la segmentation dans le cadre de l’urbanisation des politiques sectorielle de transport, des zones d’industrialisation. » Et pour sortir de l’ornière, « il faut que les investisseurs travaillent avec nos ministères », propose Edouard Fochivé.