Le Gouvernement camerounais sollicite de la Chine cette somme au taux concessionnel pour la construction des stades de football.
Le Cameroun a jeté son dévolu sur la Chine pour se doter des stades de football pour les Coupes d’Afrique des nations 2016 et 2019. Le 30 avril 2015, la présidence de la République, à la diligence du ministre des Relations extérieures adressait une correspondance au ministre de l’Economie et de la Planification pour lui indiquer l’ordre du jour de la 8ème Grande commission mixte Cameroun/Chine. Outre l’évaluation de la coopération sino-camerounaise depuis 2009, l’examen et la signature éventuelle des accords de coopération, etc., la présidence de la République prescrivait « l’examen des requêtes du Premier ministre relatives à la dotation du Cameroun en stades de football dans les villes de Yaoundé, Douala, Bafoussam, Garoua et Limbe dans la perspective de l’organisation des Coupes d’Afrique des nations de football féminin et masculin que le Cameroun se propose d’organiser respectivement en 2016 et 2019 ».
Quelques mois plus tôt, en janvier 2015, lors de la visite officielle au Cameroun du ministre chinois des Affaires étrangères (Wang Yi), le Premier ministre, président du comité de préparation des Can 2016 et 2019 avait présenté les besoins du Cameroun. Il ressort du document signé Philemon Yang, que le Cameroun demande à la Chine un financement au taux concessionnel d’un montant de 550 milliards de francs Cfa pour la construction des stades devant abriter les Can 2016 et 2019.
« Sur la base des estimations faites par le ministre des Sports (maître d’ouvrage) et le ministre en charge des Travaux publics (ingénieur de l’Etat) et des partenaires chinois consultés, le coût prévisionnel des infrastructures sportives à construire ou à réhabiliter, suivant les normes de la Confédération africaine de football (Caf), s’élève au total à 550 milliards de FCfa », écrit le Premier ministre.
Routes, hôtels, hôpitaux, aéroport
De manière plus détaillée, l’on apprend que le Cameroun souhaite construire un stade de 60 000 places à Yaoundé pour un montant de 150 milliards, un stade de 50 000 places à Douala pour 150 milliards, a prévu une enveloppe de 10 miliards pour l’aménagement extérieur du stade de Limbé, la même somme pour l’aménagement extérieur du stade de Bafoussam dont les travaux sont achevés à 60%, 158 milliards pour la réhabilitation des stades omnisports de Yaoundé, Douala, Bafoussam et Garoua et la construction des voies d’accès et réseaux divers à 72 milliards.
La Coupe d’Afrique des nations revient au Cameroun 47 ans après celle de 1972, l’unique jamais organisée par le pays de Roger Milla. Pour le Premier ministre Philemon Yang, « il s’agit d’un événement majeur auquel le président de la République et le peuple camerounais accordent la plus grande importance ». Et puisque les délais sont courts, le Premier ministre pense que seule une « coopération intelligente » avec la Chine peut permettre de doter le Cameroun des stades dont il a besoin.
« Nous proposons, indique le PM, que la Chine soutienne le Cameroun pour la construction de ces infrastructures sportives.
Ce faisant, la Chine s’installerait durablement dans le cœur de nos populations qui sont passionnées de football. » En rappel, au-delà des stades, l’organisation d’une Coupe d’Afrique des nations exige d’autres infrastructures comme les routes, les aéroports, les hôpitaux, les hôtels, etc. Si rien que pour les stades la facture s’élève déjà à 550 milliards, il faut craindre que l’addition des Can 2016 et 2019 soit salée pour le Cameroun.
Les besoins émis par la partie camerounaise
– Construction d’un nouveau stade de 60 000 places à Yaoundé (150 milliards)
– Construction d’un nouveau stade de 50 000 places à Douala et de ses aménagements extérieurs (150 milliards)
– Aménagement extérieur du stade de Limbe (10 milliards)
– Aménagement extérieur du stade de Bafoussam (10 milliards)
– Réhabilitation des stades omnisports de Yaoundé, Douala, Bafoussam et Garoua (158 milliards)
– Construction des voies d’accès et réseaux divers (72 milliards)
Comparaison: Ce que les stades ont coûté ailleurs
Les coûts de construction des stades de football en Afrique varient selon les pays. Le débat sera inévitable dans les prochains jours sur la décision prise par le gouvernement camerounais de dépenser près de 550 milliards de francs Cfa rien que pour la construction des stades des Coupes d’Afrique des nations 2016 et 2019. S’il faut y ajouter les hôtels, les routes, les hôpitaux, etc. l’on est fondé à se demander si le Cameroun survivra à l’organisation de ces compétitions de football.
Ces dernières années, aucun pays ayant accueilli des compétitions internationales n’a évité la polémique. On se souvient que le Brésil a été paralysé pendant plusieurs mois à cause des manifestations de populations qui ne comprenaient pas que leur gouvernement dépense 2,5 milliards d’euro pour la construction des stades de la Coupe du monde 2014 alors même qu’elles peinent à joindre les deux bouts. Ce fut déjà le cas en Afrique du Sud et, plus proche de nous au Gabon qui accueille la Can deux fois en cinq ans (2012 et 2017). Beaucoup pensent également que le coût exorbitant des Jeux olympiques de 2004 organisés en Grèce a contribué à ruiner ce pays…
La polémique sera d’autant plus vive au Cameroun que le gouvernement a fait le choix de se doter de chers et gigantesques stades (60 000 places, 50 000 places, etc.) au moment où les pays africains optent de plus en plus pour des petits stades de 30 à 40 000 places moins coûteux et faciles à remplir. Il faut aussi s’interroger sur l’entretien de ces arènes après la Can et leur rentabilité, le championnat national n’ayant plus la réputation de faire recette. On court donc le risque de construire de gros éléphants blancs. S’agissant des coûts de construction des stades de football en Afrique, ils varient selon les pays. Le plus souvent, les entreprises chinoises sont à la manoeuvre.
Tunisie
Le stade olympique de Radès en Tunisie a été construit en 2001 et a abrité la Can 2004. C’est une enceinte couverte d’une capacité de 60 000 places avec une aire centrale et trois terrains annexes. Sa construction a coûté 170 millions de dinars, soit environ 52 milliards de francs Cfa.
Mali
Le stade du 26 mars à Bamako au Mali a été construit en 2001 pour l’organisation de la Can 2002. D’une capacité de 60 000 places, il a coûté au contribuable malien la somme de 16,5 milliards de francs Cfa.
Ghana
Pour la Coupe d’Afrique des nations 2008, le Ghana s’est doté de nouveaux stades grâce à la Chine. Le Ohene Djan Sports Stadium d’Acrra a été rénové en 2007. La capacité de cette arène a été réduite à 40 000 places. Coût des travaux : 14,5 milliards FCfa. Le Tamale Stadium, lui a été construit en 2008 pour la Can. Il peut accueillir 21 000 supporters assis. Pour la construction de ce stade, l’entreprise chinoise Shanghai Construction Group a dépensé 19,2 milliards de FCfa. Le Sekondi Sports Stadium a la même architecture que le Tamale Stadium. Il a une capacité de 20 000 places. Sa construction a également coûté 19,2 milliards de FCfa. En somme, pour la Can 2008, les Ghanéens se sont dotés de quatre stades : deux flambants neufs et deux rénovés. Et pour cela, le contribuable a déboursé un peu moins de 90 milliards FCFa.
Angola
Pour la Can 2010, l’Angola s’est doté de nouveaux stades construits par des entreprises chinoises. Le stade national de Luanda, qui a accueilli les cérémonies d’ouverture et de clôture de la compétition est une arène moderne de 50 000 places dont la construction s’est achevée en 2009. Coût des travaux : 113,5 milliards de francs Cfa. Le stade Ombaka de Benguela, d’une capacité de 35 000 places a quant à lui coûté 58 milliards FCfa. Le Stade national de Chiazi dans le Cabinda, d’une capacité de 25 000 places a coûté 42,5 milliards de FCfa alors que pour la même capacité, le stade Tundavala de Lubango a coûté 34,5 milliards de FCfa. Au total, pour ses quatre stades de la Can 2010, l’Angola a dépensé environ 249 milliards.
Gabon
En janvier 2012, le porte-parole du comité d’organisation de la Can cette année-là au Gabon, Louis Claude Moundziéou affirmait que l’organisation de cette compétition avait coûté à son pays la somme de 400 milliards FCfa. Ce montant avait permis non seulement de construire des terrains de jeux et d’entrainement, mais aussi des hôtels, des centres de santés et avait couvert les frais du personnel chargé de l’organisation de la compétition.
La main tendue: Financement
Les questions que soulève l’appel de fonds du Cameroun. Une nouvelle main tendue du Cameroun à la Chine, pour financer, à hauteur de 550 milliards FCfa, la construction et la rénovation de stades de football ainsi que les voies d’accès pour les Coupes d’Afrique des nations 2016 et 2019. Au-delà du montant faramineux de l’enveloppe demandée aux Chinois, cet appel de fonds soulève déjà des interrogations. L’on s’interroge notamment sur le sort de l’ambitieux Programme national de développement des infrastructures sportives (Pndis) lancé en grande pompe en 2008 avec pour objectifs de doter le Cameroun d’infrastructures sportives modernes pour combler un immense retard dans ce domaine.
Le projet de construction d’un nouveau stade de 60 000 places à Yaoundé (150 milliards FCfa ), d’un nouveau stade de 50 000 places à Douala et de ses aménagements extérieurs (150 milliards), l’aménagement extérieur du stade de Limbe (10 milliards), l’aménagement extérieur du stade de Bafoussam (10 milliards), la réhabilitation des stades omnisports de Yaoundé, Douala, Bafoussam et Garoua (158 milliards), et la construction des voies d’accès et réseaux divers (72 milliards) qui sont retenus dans les priorités du plan d’urgence (un autre) du gouvernement semblent mettre en veilleuse des pans entier du Pndis.
Dans un relatif cafouillage, l’appel de fonds du gouvernement s’inscrit par ailleurs dans une relative course contre la montre. Les délais sont en effet courts. L’option, comme le précise le Premier ministre est une « coopération intelligente » avec la Chine pour doter le Cameroun des stades dont il a besoin. Faut-il entendre ici quelques écarts avec les règles de concurrence dans l’attribution des contrats pour la réalisation de ces projets d’infrastructure ?
A ce propos, l’ampleur du travail à faire, considérant seulement les infrastructures sportives (construction, rénovation de stades de football et voies d’accès) laisse songeur quand aux arguments qui ont objectivement fait pencher la balance en faveur de la candidature du Cameroun par la Confédération africaine de football.
Claude Tadjon
Jean-Bruno Tagne