Des universitaires et religieux ont eu des débats et des échanges lundi et mardi derniers à Yaoundé.[pagebreak]La conférence internationale organisée par l’Institut universitaire protestante de Yaoundé sous le thème « Boko Haram et la problématique de paix et sécurité au Cameroun : dialogue sociopolitique et interreligieux», a mobilisé l’expertise des autorités religieuses et des universitaires. Le représentant de l’Association culturelle islamique du Cameroun, Souley Mane a déploré la stigmatisation des musulmans du fait du groupe terroriste Boko Haram. Dans son exposé, il a expliqué comment le musulman est devenu objet «de méfiance, de distance et de suspicion». Pire, il est assimilé aujourd’hui à un «terroriste qui marche avec un couteau ou une bombe sous sa gandoura». Cette fausse lecture doit être corrigée : « l’Islam n’est pas une religion de sang et de cendre». M. Souley Mane fait savoir que «l’Islam prône plutôt la paix, la tolérance et la justice». Boko Haram veut nous prendre en otage «en instrumentalisant la religion musulmane».
Réconciliation
Le représentant de l’Association culturelle islamique du Cameroun s’est montré pédagogue. Il propose «l’enseignement des religions» pour recadrer les consciences. Il appelle les dignitaires d’autres religions au dialogue : « Il faut qu’on se parle, qu’on se rencontre.» Par ailleurs, M. Souley Mane demande à ses frères musulmans d’être solidaires contre le groupe terroriste Boko Haram. Il y a des défis à relever. « Chaque musulman doit se sentir deux fois concerné par cette guerre. Nous devons défendre notre patrie et promouvoir les vraies valeurs de l’Islam».
Les responsables chrétiens eux ont évoqué des messages bibliques pour resocialiser les Camerounais. La Bible prescrit le pardon, l’amour et la réconciliation. Alawadji Zelao, sociologue, enseignant d’université a également proposé un dialogue interreligieux. La religion doit être un «atout de réciprocité et de rencontre». Par contre, il n’est pas possible de dialoguer avec Boko Haram qui veut remettre en cause les valeurs religieuses. Il est opportun «d’éduquer et d’encadrer les jeunes» pour éviter des éventuels enrôlements par des «entrepreneurs de dieu ». Njoya Nsangou, représentant de la société civile complète que «la religion joue un rôle dans la formation et la construction d’un Etat. C’est pourquoi il est nécessaire de l’encadrer». Le vice-président honoraire de la République démocratique du Congo a également pris part à cette conférence lundi dernier. M. Azarias Ruberwa indique que « la sécurité doit être la priorité des priorités. Les pays africains doivent agir maintenant avant qu’il ne soit trop tard.»
Jean-Emmanuel Pondi lui fait savoir que certes «la réponse militaire aux attaques du groupe terroriste est incontestable et urgente, mais des réponses socio-économiques adéquates s’imposent nécessairement». L’universitaire explique que «contre toute attente, la menace Boko Haram a plutôt renforcé le nationalisme et le patriotisme des Camerounais». Joseph Ntuda Ebode lui propose une nouvelle identification de cette menace asymétrique afin de mieux la combattre. Toutefois, il s’est montré assez critique vis-à-vis de certaines autorités nigérianes qui abandonnent leur territoire et populations aux mains de Boko Haram. La mauvaise gestion postélectorale du scrutin du 28 mars prochain pourrait embraser la sous-région.
I.H