Mercredi dernier, le gouvernement camerounais et ses partenaires ont signé deux conventions de 36 milliards de Fcfa pour l’approvisionnement en eau potable à Yaoundé. Les deux accords de prêt ont été signés avec la Société générale de France, d’une part, et avec la Société import-export des Etats-Unis de l’autre, en présence notamment du secrétaire général du ministère de l’Eau et de l’Energie (Minee), représentant «personnel» du ministre Basile Atangana Kouna. Ce financement, apprend-on, devrait donc permettre d’améliorer la desserte en eau potable à Yaoundé, afin d’en porter l’offre à 205.000m3 par jour.
Une ville qui reçoit à peine 150.000m3 d’eau quotidiens, pour un déficit actuellement estimé à 300.000, voire 400.000m3/jour. D’un côté comme de l’autre, on se satisfait du lancement de ce projet d’urgence qui va, clame-t-on, accroître la capacité de production pour couvrir la demande dans une ville en proie aux pénuries récurrentes. Alléluia ! Soyez dans l’allégresse, populations de Yaoundé, car votre calvaire tire à sa fin !
Mais le disque semble rayé à force de rabâcher les mêmes choses. En début 2014, Basile Atangana Kouna, porté à la tête du Minee à la faveur du remaniement ministériel du 9 décembre 2011, annonçait en grandes pompes que Yaoundé allait «à très court terme» recevoir quotidiennement 25.000m3 d’eau supplémentaire au quotidien. L’ancien directeur général de la Cameroon Water Utilities Corporation (Camwater), poste qu’il occupa de mars 2006 à mars 2012, s’exprimait à cet effet lors de la mise en route, le 23 janvier 2014, de la station de traitement d’eau de la Mefou, dont la réhabilitation et l’extension ont coûté 58,5 milliards de Fcfa financés par l’Agence française de développement (Afd).
Mais les propos de «Don Basilio» sont restés sur des effets d’annonce. Aujourd’hui, les pénuries semblent même s’être aggravées, s’étendant désormais aux quartiers jusque-là régulièrement approvisionnés en eau potable. Pour un pays résolument engagé vers «l’émergence à l’horizon 2035», selon un slogan cher au gouvernement camerounais, on distribue encore de l’eau aux populations dans des camions citernes. Quelle image ! On a même vu des sapeurs-pompiers et des agents de la police sillonner quotidiennement certaines zones de la capitale aux fins de fournir, gratuitement, de l’eau aux populations. Lesquelles doivent se partager les quelque 100.000m3 que produit actuellement la station de traitement d’eau d’Akomnyada, sise à une quarantaine de bornes de Yaoundé. En attendant l’extension de cet ouvrage, qui devrait porter sa capacité de production de 50.000m3, la faisant désormais passer à 150.000m3 si l’on en croit les proclamations du gouvernement.
Crise
Et dire que le Cameroun dispose du deuxième potentiel en hydro-électricité en Afrique, derrière la République démocratique du Congo (Rdc) ! La période d’essai de mise en eau de la station de la Mefou, qui devait durer deux mois avant le plein régime, est forclose depuis des lustres. Plus d’un an après, Basile Atangana Kouna ne semble pas disposé à fournir la moindre explication sur le fonctionnement de cet ouvrage et ce au moment où la communauté internationale célèbre, ce dimanche, la Journée mondiale de l’eau. Célébrée tous les 22 mars, cette occasion est souvent mise à profit pour sensibiliser le public aux questions liées à cette denrée. Le Cameroun semble avoir décidé de bouder l’édition 2015. Contrairement aux années antérieures en effet, cette fois-ci aucun matraquage médiatique – notamment sur les médias à capitaux publics – sur une Semaine de l’eau, initiée par le Minee.
Une semaine généralement ponctuée par une série d’activités, qui souvent tiennent plus du folklore que d’une réflexion approfondie sur la problématique de l’accès à l’eau au Cameroun. «Nous n’avons pas prévu un programme de manifestations cette année, car on veut revoir la façon de célébrer cette Journée», souffle une source au Minee. «Jusqu’à ce matin (hier, ndlr), on attendait toujours que la hiérarchie nous dise s’il y aura célébration ou pas», confie une autre source dudit département. Autrement dit, tout reste entre les mains d’«Atango», de retour au Cameroun depuis le début de cette semaine après une mission hors du pays. On a d’ailleurs aperçu ce non moins membre du comité central du Rdpc (parti au pouvoir) mercredi dernier, à l’occasion de la mise en bière de sa «camarade» Françoise Foning, décédée le 23 janvier dernier. Loin des préoccupations de populations sevrées d’eau et désormais réduites au système D (puits, sources, forages, etc.).
Ce à quoi il faut ajouter le grand retour des délestages sauvages à Yaoundé et Douala notamment. C’est dans ce contexte que Basile Atangana Kouna s’est fendu, le 27 février dernier dans Cameroon Tribune, d’un communiqué annonçant la tenue, le lundi 2 mars 2015 à Yaoundé, de la 4ème session du conseil des ministres de l’Agence intergouvernementale panafricaine eau et assainissement pour l’Afrique (Eaa). Un conseil parfaitement «illégal» : le lundi d’avant à Ouagadougou, au Burkina Faso, l’instance continentale avait tenu une session extraordinaire de «crise» au cours de laquelle Basile Atangana Kouna fut déchu de son poste de président et remplacé par le Burkinabè François Lompo.
L’Eea lui reprochait notamment ses absences répétées lors de ses différentes assises, après avoir par ailleurs constaté la «crise financière» dans laquelle se trouve l’institution depuis l’avènement de Basile Atangana Kouna à sa tête. «Quand vous héritez d’un champ aussi fertile, il faut savoir en être digne pour pouvoir le fructifier. Nous tacherons d’ajouter de la terre à la terre», avait-il pourtant déclaré le 22 novembre 2013 à Abidjan, lors de sa prise de fonction pour un mandat de 3 ans. La dignité, ça eût payé. Un vrai «ministre des Grandes réalisations» quoi, tel qu’on présente, sur le site Internet du Minee, ce fils de la Mefou et Akono, né un 23 décembre 1956 à Mbalelon, un petit village de l’arrondissement de Ngoumou (Centre).