Cameroun – Activité : Les petits commerçants envahissent les rues

Vendeur ambulant

Ils sillonnent les rues, quartiers, maisons et différents bureaux pour proposer leurs produits pour la plus part constitués de maïs, arachide, bonbons, biscuits… dans le but de mieux préparer la prochaine rentrée scolaire.

Ibrahim déguste avec fierté les boyaux de bœuf bien pimenté au quartier Elig Essono à Yaoundé. Il est 12h ce mardi 22 juillet 2021. Sous un soleil accablant, il a trouvé refuge sous une tente. Son seau de sésame entre ses jambes, l’heure est au « repas » de la mi-journée. A peine un morceau dans la bouche, ce gamin d’à peine 12 ans se fait interpeller par Rosalie N., sa voisine du quartier ; un peu plus âgée que lui. Elle se rapproche avec un plateau vide. Ses arachides bouillies sont finies plus vite que prévu. « Ibrahim tu as bien vendu. Maintenant tu manges la viande ». Le gamin s’est montré disert dans le but de dissiper toute mauvaise interprétation. « J’avais les pièces de 1000 Fcfa. J’ai changé et on m’a donné la viande. Voici mon billet dans ma poche », explique le jeune garçon. Il confie n’avoir pas encore vendu 3000 Fcfa, la recette journalière.

Ça nourrit la famille

A Bata Nlongkak, des jeunes enfants fourmillent. Ils faufilent entre les véhicules pour proposer lotus, orange, bonbon, kola… aux chauffeurs et aux usagers. Ce sont les vacances et la débrouille des enfants a repris du poil de la bête. Il faut trouver de quoi tenir et aider le reste de la maison à vivre. Ils sont de plus en plus nombreux à se frayer une place dans les rues et différents marchés de la ville. Idriss, âgé de 10 ans, porte un petit carton contenant quelques paquets de biscuits, bonbons et à peine cinq kleenex. Son enthousiasme est débordant et sa stratégie tout aussi originale. « Grand frère, il fait chaud. Essuies ton visage avec le mouchoir de l’heure », nous lance le gamin samedi dernier au quartier Omnisports. « C’est ma mère qui a acheté les bonbons et les biscuits pour que je vende. Elle ne veut pas que je passe la journée à la maison à ne rien faire. Tout se passe bien ». Il trouve du plaisir à parcourir à pied, certains coins et recoins de la ville dans l’optique d’écouler sa marchandise en compagnie de ses congénères.

De tels clichés abondent au quotidien. Les risques d’accident ou de se faire voler sont pourtant légion à en croire Narcisse Owona. « Ces enfants se battent pour vivre. Ils viennent pour la plus part des familles en difficulté. Ils contribuent à la vie de la famille. Vous les voyez au niveau de certains grands carrefours. Les risques qu’ils se fassent renverser par des véhicules sont nombreux. Des ainés malveillants peuvent récupérer leur recette sans être inquiétés. Ce n’est pas facile de voir ces enfants vendre en route », déplore le sérigraphe. Sur leurs visages, le sourire est toujours au rendez-vous. Il faut faire bonne impression pour conquérir la clientèle. « On ne fait pas le commerce en étant fâché. Il faut toujours manifester sa fierté sinon les clients vont fuir », nous confie Alphonse Nana. Dans ce jeu de « séduction », les plus jeunes bénéficient très souvent de la faveur de certains ainés. Idriss Onana fait partie de ceux-là : « Au début, j’avais du mal à faire face à l’affluence de ces enfants. Quand je dois acheter le mouchoir et les biscuits, j’appelle le plus jeune. Ces enfants doivent être dans des colonies de vacances et pas dans les rues à chercher l’argent. C’est anormal ».

Responsabiliser les enfants

A qui la faute ? C’est une question qui revient à chaque fois. Pour mieux comprendre à quoi cela retourne, nous sommes allés à la rencontre de Me Serge Emmanuel Chendjou. L’avocat au barreau du Cameroun, parle de la déresponsabilisation des parents et l’Etat qui est également à plaindre. Pour lui, l’Etat devrait prendre des mesures afin de créer des activités dans l’optique d’absorber ces enfants pendant les vacances (colonies de vacances, stage…) ; faute de ça, les enfants sont parfois livrés à eux-mêmes. Sur le plan législatif, « il n’y a pas de disposition qui punisse la négligence et la déresponsabilisation ». Pour de nombreux parents, il est question de responsabiliser l’enfant en lui offrant un cadre de business. « Ceux qui font très souvent échos des droits des enfants sont issues des familles où on roule sur de l’or. Chez moi, chacun se débrouille. On initie l’enfant à la gestion. L’école n’est pas la seule voie de réussite. Beaucoup ont de nombreux diplômes mais sont en chômage. Les concours c’est pour les autres. Chaque enfant doit se battre à son niveau sous l’encadrement des parents parce que le dehors est mauvais ».

Protéger les enfants contre les dérives

Dans cet environnement de la débrouillardise, les enfants sont parfois exposés à des traitements indécents de la part des tierces personnes. A force d’errer, ils peuvent être enrôlés pour de sales besognes. « La vie est devenue difficile au Cameroun. L’horizon n’est pas glorieux pour beaucoup. Si le trafic des ossements humains se vulgarise, il faut comprendre que la jeunesse est dans un trou noir. Les plus jeunes sont de plus en plus initiés à la cigarette et à l’alcool », s’indigne Blaise Ayissi, commerçant. Conscient de ces maux, le législateur camerounais a pris des mesures drastiques. Selon Me Serge Emmanuel Chendjou, avocat au barreau du Cameroun, la loi ne peut punir que celui qui livre volontairement son enfant à la traite. L’article 342-1 du Code pénal sur le trafic et traite des personnes, en son alinéa 2 est clair : « Le trafic et la traite des personnes sont punis d’un emprisonnement de quinze (15) à vingt (20) ans et d’une amende de cent mille (100 000) à dix millions (10 000 000) de francs lorsque : l’infraction est commise à l’égard d’une personne mineure de quinze (15) ans ». Sur le plan international, le Cameroun a ratifié plusieurs textes visant à protéger les enfants. Pour Annette Noah : « Il serait tout de même cruel pour un parent d’exposer son enfant ou de l’impliquer dans des traites ou trafics. Tout parent à l’obligation de protéger son enfant contre toute pratique anormale ».
Pour promouvoir au mieux les droits des enfants, plusieurs organisations ont d’ailleurs vu le jour. Elles ont réussi à bâtir, pour certaines, leur renommée au fil des ans parmi lesquelles Plan International, l’Unicef…

Solière Champlain Paka

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