Filière bois : Rougier ne renouvellera pas son label FSC au Cameroun

Bille de bois entrain d'être transportée

Alors que la certification FSC de Rougier au Cameroun arrivera à échéance le 19 avril prochain, le groupe a déjà annoncé dans un communiqué son intention de ne pas renouveler cette labellisation sociale et environnementale.
Le label FSC, délivré par l’ONG Forest Stewardship Council, avait été obtenu par la SFID – la filiale de Rougier qui exploite les forêts de la Doumé, au Cameroun – en mars 2013 pour trois concessions représentant 285 667 hectares de forêts camerounaises. Il certifie que les « concessions forestières dont sont issus les bois commercialisés sont gérées de manière responsable selon des critères locaux et environnementaux stricts », annonçait à l’époque l’entreprise.
Une démarche rare dans le bassin du Congo : si la certification est indispensable sur les marchés les plus « écologiquement sensibles », comme les pays scandinaves, l’Allemagne, les Pays-Bas ou la Suisse, celle-ci « n’intéresse pas forcément les marchés asiatiques » vers lesquels est expédiée la majorité de la production d’Afrique centrale, estimait le mois dernier dans nos colonnes Marc Ona, président de l’ONG Brainforest Gabon.

Chasse aux coûts
Mais l’entreprise française connaît une passe particulièrement difficile : elle s’est déclarée en cessation de paiement le 2 mars dernier avant que le tribunal de commerce de Poitiers ne fasse droit, le 12 mars, à sa demande de bénéficier d’une procédure de sauvegarde, tandis que sa filiale Rougier Afrique International était placée en redressement judiciaire.
En 2017, Rougier a vu son chiffre d’affaires chuter de 7,5 % par rapport à 2016 du fait de l’érosion des prix de vente, d’arriérés de paiement des crédits de TVA dans plusieurs pays, ou encore d’un investissement en Centrafrique que de nombreux observateurs jugent risqués. Le groupe pointe en outre l’étranglement du port de Douala : au Cameroun, « l’ensemble des employés [soit 700 personnes] est au chômage technique », précise le groupe.
C’est cette situation qui a poussé le groupe à ne pas reconduire sa labellisation dans le pays. « La certification demande de lourds investissements. Or, au regard des difficultés locales, nous devons surveiller les coûts et ne pouvons pas investir alors que l’activité n’est pas opérationnelle », indique la communication de l’entreprise, jointe par Jeune Afrique. « Ce n’est pas un renoncement, c’est un non-renouvellement qui concerne seulement le Cameroun », martèle notre interlocuteur qui tient à rappeler le maintien des certificats obtenus par les autres entités du groupe au Gabon, où l’ensemble de la production, soit 877 000 hectares, est certifiée.

Le recul de la certification « a déjà commencé »
Au Congo, l’entreprise, qui exploite certaines forêts non dégradées (un critère qui pourrait à terme exclure la labellisation FSC, selon un projet défendu notamment par l’ONG Greenpeace), jouit d’un certificat VLC (Vérification de la Conformité Légale) pour ses 586 000 hectares exploités.
Si Rougier tend à minimiser la portée de sa décision en avançant l’absence de production, Alain Karsenty, économiste du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), spécialiste de la foresterie, de l’environnement et des ressources naturelles, est plus inquiet : « Il y a une crise majeure dans la filière en Afrique centrale. Mais comme il y a un déficit de contrôle, il y a encore des marges confortables à se faire pour les entreprises qui ne respectent pas les critères légaux. Dans ce contexte de concurrence déloyale, auquel s’ajoute un recul de la demande européenne pour les bois tropicaux, les entreprises européennes sont perdantes. Le recul de la production certifiée a déjà commencé, avec la vente de concessions italiennes ou allemandes à des industriels asiatiques, dont les clients ne sont pas demandeurs de certification ».

Fermetures probables en RCA et au Cameroun
Interrogé sur sa vision de l’avenir de Rougier, Alain Karsenty n’est pas très optimiste. Il évoque une « probabilité raisonnable » de l’abandon des récentes acquisitions de l’entreprise en République centrafricaine, « qui supposeraient des investissements que l’entreprise n’est actuellement pas en capacité de réaliser », et de fermeture de « beaucoup d’usines » au Cameroun. Au Gabon, « l’activité reste rentable grâce à l’accord [signé en janvier 2017] avec Gabon Special Economic Zone (GSEZ) pour l’alimentation des industries de la zone économique de Nkok« . L’activité congolaise devrait selon lui également se maintenir.

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