Cameroun – Extradition: Après Ayuk Tabe et compagnies, à qui le tour ?

L’arrestation, le rapatriement et la mise à la disposition de la justice camerounaise d’une quarantaine de sécessionnistes sont venus remettre au goût du jour les cas Essimi Menyé et Dieudonné Ambassa Zang.
La crise anglophone qui, depuis plus d’un an, secoue le Cameroun, offre chaque jour aux experts de la matière à débat. Grâce à l’annonce officielle de l’extradition, le 26 janvier dernier, de quarante-sept «Ambazoniens » du Nigéria vers le Cameroun, certains vieux sujets ont signé leur retour au sein de la classe intellectuelle. «Sous l’aiguillon de la traque engagée contre Ayuk Tabe et consorts, les remugles des extraditions de Dieudonné Ambassa Zang et de Essimi Menye permettent de s’interroger sur les modalités de la pétaudière du droit international en matière d’extradition», observe le Dr Reynaud Binyé du Cercle de géostratégie du Cameroun (CGC).
En clair, le pathétique de ce regard fait entendre une interrogation aux allures de plainte: «Pourquoi ne peut-on pas activer les mêmes mécanismes pour que ces anciens ministres, accusés de détournements de deniers publics, soient eux-aussi extradés et mis à la disposition de la justice de leur pays ?», ajoute le président du CGC. A la base de son raisonnement, la diligence avec laquelle l’extradition des sécessionnistes a été bouclée. Arrêtés à dans un hôtel d’Abuja (Nigéria) le 05 janvier 2018, les «Ambazoniens» sont conduits dans la capitale camerounaise le 26 du même mois, grâce au travail d’une discrète (mais pas sécrète) équipée diplomatique. Et du coup, une évidence : à la traditionnelle réserve à laquelle s’astreignent les parties au moins sur ce type de dossiers, Yaoundé a certainement mené ses actions diplomatiques en coulisses pour mettre à exécution le mandat d’arrêt contre Sisiku Ayuk Tabe et autres.
«Cette affaire montre à suffisance deux choses : la première, les logiques de réseaux sont utiles pour comprendre les opportunités et le sens des stratégies en diplomatie ; la seconde, l’extradition des sécessionnistes anglophones s’est avérée nécessaire pour mieux prendre en compte l’interdépendance croissante entre les États, entre les acteurs, entre les problèmes», tente d’éclaircir le Pr Malah Zourmba de l’université de Maroua. Devant l’impossibilité de retracer l’action précise du Cameroun, c’est tout bonnement qu’on y voit poindre un procès intenté aux dispositions juridiques ou diplomatiques entre le Cameroun et d’autres pays. « Les mécanismes d’extradition sont complexes ; ils le sont davantage parce que c’est la toute première fois qu’un ou plusieurs présumés délinquants sont formellement rapatriés au Cameroun afin d’y être jugés», analyse Maître Clotaire Mbialeu. Selon cet avocat au barreau du Cameroun, peu importent les procédures. Car, «les affaires d’extradition, généralement, vont bien au-delà de l’existence ou non de mandats d’arrêt internationaux ou d’accords. Ce sont des affaires d’Etats !», avise le juriste.

Affaires d’Etats
C’est donc dans cette «rubrique» qu’il faut classer les affaires Essimi Menyé et Dieudonné Ambassa Zang, respectivement ancien des Finances et de l’Agriculture et du Développement Rural, et ancien ministre des Travaux publics. Sous le coup d’un mandat d’arrêt international émis par le Tribunal criminel spécial (TCS) depuis mars 2017, le premier, séjourne actuellement aux Etats-Unis. En fuite depuis juillet 2009, le second réside légalement en France, depuis avril 2010. Il a aussi contre lui, un mandat d’arrêt international délivré par le TCS.
«Pour comprendre ces cas, il faut partir de ce qu’est le système politico- diplomatique international, dont les zones d’opacité fournissent les prétextes autour desquels se structurent les très souvent discussions et prises de position», décrypte l’internationaliste Daniel Nkomba. Sur le sujet, des sources affirment que la hardiesse du gouvernement à arrêter l’ancien Minfi pourrait, à posteriori, envenimer l’atmosphère bilatérale entre les institutions de Bretton Woods et Yaoundé. Les mêmes sources indiquent que Dieudonné Ambassa Zang «ne doit son salut qu’à son profil de réfugié statutaire».

Jean-René Meva’a Amougou

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