Visite guidée dans les prisons camerounaises

Prison de Bafoussam

Dans les principales prisons camerounaises, moins de 25% des détenus sont jugés chaque année.
Exiguïté, vétusté, surpopulation, promiscuité, caractérisent les lieux de détention.
Seules les personnalités VIP de la « cellule 18 » s’en tirent à bon compte grâce au monnayage de leur confort en argent sonnant et trébuchant. Les antigangs constituent des unités spéciales de la police ou de la gendarmerie chargées de démanteler les organisations de malfrats.
A la prison centrale de Douala, le terme « Antigangs » désigne les détenus collaborant avec l’administration afin de maintenir l’ordre, de distribuer la « ration carcérale » et de percevoir pour le compte de leur « hiérarchie » des sommes d’argent de diverses sources, extorquées aux autres détenus.
Ils décident de la bastonnade, de l’enchaînement, de l’enfermement dans la cellule disciplinaire. Enchaînements et cellule disciplinaire L’enchaînement horaire est décidé par les Antigangs de connivence avec les gardiens de prison dans le bureau intérieur.
Le supplicié est debout la main droite tendue vers le haut et enchaîné contre le mur puis le pied gauche soulevé à mi hauteur et enchaîné. La victime tient sur la pointe du pied droit et après trois minutes environ se met à hurler de douleurs, transpirant à grosses gouttes. Le calvaire dure une à deux heures.
L’enchaînement durable est décidé par les Antigangs et exécuté par un soudeur qui réside à proximité de la prison, sous la supervision du responsable de la discipline. Ces mesures sont prises sans aucune justification objective ni raison valable.
Par exemple, un détenu qui a reçu de la visite doit verser 100 Fcfa aux Antigangs. S’il ne le fait pas, son compte est réglé. Le soudeur coupe un morceau de fer qu’il tord autour de chaque cheville du dit détenu et à fleur de peau et puis soude à l’arc. Entre les deux fers, il soude un, deux ou trois anneaux. Conséquence, la victime ne peut plus porter ni sous vêtement ni culotte.
Pour se déplacer il doit sautiller comme une grenouille. Les chaînes le blessent, du sang coule et les infections se développent. La cellule disciplinaire est un réduit à l’intérieur de la prison, sans fenêtre. Il y a une porte en dessous de laquelle il y a un trou où le chef de cellule ( le plus fort) met le nez pour respirer un peu d’air venant de l’extérieur. Les autres n’y ont pas accès. Le séjour dure entre deux jours et un mois. Il n’y a ni eau, ni électricité ni même une latrine. Les besoins physiologiques se font dans un vieux seau qui est vidé tous les deux jours par le dernier arrivant.
En 2003, le British Council et la coopération Européenne ont mis sur pied un organisme dénommé Programme d’Amélioration des conditions de détention et des droits de l’Homme (PACDET) chargé de désengorger les prisons centrales de Douala et de Yaoundé en essayant autant que faire se peut de juger le plus grand nombre possible de détenus.
A la prison centrale de Douala, cet organisme a fait construire quatre parloirs pour les avocats et leurs clients, et a remis des ordinateurs et des machines à écrire. Sous son influence, la bastonnade aveugle avait régressé.
Malheureusement, ce programme s’est arrêté. Les efforts des partenaires étrangers du Cameroun comme la France ont permis d’améliorer l’ordinaire. Ainsi, l’appui financier de la France a permis l’assainissement de la prison centrale de Douala.
Mais, dans un pays où la durée moyenne des détentions préventives est de un à deux ans, voire parfois dix ans, le surpeuplement des prisons reste un gros problème. Les interventions d’une cinquantaine d’avocats rémunérés ont permis d’arriver à quelques résultats. C’est ainsi que fin 2004, sur les quelques 2500 dossiers défendus devant les tribunaux militaires ou de grande instance et les cours d’appel, près de 70% ont été bouclés, avec une majorité de libération de prisonniers.
Les autorités camerounaises envisagent d’accroître les effectifs des gardiens de prison et évoquent l’agrandissement des maisons d’arrêt, comme celle de New-bell à Douala et Kondengui à Yaoundé.
Le Cameroun est présenté comme le pays où le système carcéral est le plus meurtrier d’Afrique pour traitements dégradants, inhumains, tortures, malnutritions, absence d’hygiène.
On peut citer la prison centrale de Douala, véritable mouroir, véritable camp de concentration, 7000 détenus pour 1500 places ; la prison de Bamenda, 4855 détenus pour 330 places ; la prison de Bafoussam, 5225 détenus pour 850 places ; la prison de Yaoundé, 9530 détenus pour 2500 places ; la prison d’Edéa, 4255 détenus pour 750 places ; la prison de Dschang, 6845 détenus pour 715 places ; la prison de Garoua, 4636 détenus pour 280 places ; la prison de Nkongsamba, 8753 détenus pour 620 places. Etc…
La prison centrale de Douala rassemble aujourd’hui toutes les conditions de promiscuité et de surpopulation favorables à la diffusion rapide d’épidémies. L’arrivée des délinquants à col blanc comme Siyam Siewé, ex-ministre, le colonel Etondé Ekotto, ex-délégué du gouvernement auprès de la communauté urbaine de Douala et bien de couteaux arrimés aux dossiers Epervier a permis à l’Etat d’envisager enfin l’aménagement des locaux VIP et sans doute pour bientôt la construction d’un nouveau centre de détention.
Construite en 1930 en plein centre-ville de Douala, la prison de Douala était prévue pour 700 détenus. Elle accueille bon an mal an environ 3100 détenus. Les infrastructures sont donc sous dimensionnées : sur 27 cellules, 14 hébergent chacune 150 à 200 prisonniers, ce qui correspond à 0,20m2 par détenu (pour une norme internationale à 4m2) ; on dénombre 34 points d’eau fonctionnels, 12 douches, 25 toilettes.
Selon un fonctionnaire du ministère de la justice, « en moyenne le nombre d’admissions hebdomadaires est de 75 détenus et leur durée de séjour est de 11,9 mois, y compris les détentions provisoires ». Les documents que nous avons consultés indiquent que chaque jour la prison enregistre près de 400 mouvements dans les deux sens : 10 à 15 admissions (nouveaux détenus) et un peu moins de libérations.
Avec le nombre d’enquêtes sans cesse croissantes dans le cadre de l’opération Epervier, nul doute que le surpeuplement dans la cellule 18 qui héberge les prisonniers VIP va connaître une croissance exponentielle.

La Nation : E.K

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