Cameroun: Vague de mécontentements au port de Kribi

Les employés de l’unité opérationnelle du complexe industrialo-portuaire sont sans salaire depuis 4 mois. Et sans certitude sur leur avenir.
Les employés de l’unité opérationnelle du comité de pilotage du complexe industrialo-portuaire de Kribi (UO/CIPK) se demandent s’ils sont punis pour avoir œuvré, avec les félicitations du gouvernement, à la construction réussie de la seconde plateforme portuaire du Cameroun. Depuis le mois de septembre 2016, ils ne reçoivent plus de salaires. « C’était encore plus difficile pendant les fêtes de fin d’année. 237online.com D’habitude nous organisions l’arbre de Noël pour les enfants des employés, mais cette fois, il n’y avait ni arbre de Noël ni salaire », se souvient avec amertume un cadre de la maison. Depuis le début de cette année 2017, c’est une ambiance de veillée qui continue au siège de cette structure sis à Djeuga Apparts à Yaoundé et sur les quais vides du port à Kribi. Il n’y a pas que de la mauvaise humeur dans les couloirs, il y a de l’angoisse pour les chefs de famille qui, depuis six ans, ont énormément donné pour que voit le jour l’une des plus belles réussites du septennat des « grandes réalisations ». L’unité opérationnelle est le bras séculier du comité de pilotage du complexe industrialo-portuaire de Kribi. Créé par un arrêté du Premier ministre signé le 11 juillet 2008, le comité de pilotage, présidé par Louis Paul Motaze, comprend les représentants de toutes les administrations appelées à jouer un rôle à un niveau ou à un autre, dans ce projet. A preuve, le vice-président n’est autre que Bello Bouba Maïgari, alors ministre d’Etat en charge des Transports. C’est ce comité qui va mener l’ensemble des opérations préalables au démarrage des travaux, notamment le financement. L’unité opérationnelle est la cheville ouvrière du processus. Placée sous la responsabilité d’un coordonnateur nommé par le Premier Ministre, elle est composée des experts techniques et administratifs, qui ont été pour la plupart sélectionnés après un appel à candidature. L’équipe conduite par Patrice Melom, un ancien de la primature, a pour mission de veiller à la bonne exécution des travaux de construction du port en eau profonde de Kribi. Même si c’est l’entreprise chinoise China Harbour Engineering Company (Chec) qui réalise les travaux, l’unité opérationnelle est l’œil et l’oreille du gouvernement grâce à une expertise qui forcera l’admiration. A preuve, au bout de 36 mois comme convenu, c’est-à-dire à juin 2014, le chantier est livré. Coût total : 244 milliards. Au sein du comité de pilotage, c’est la satisfaction du devoir accompli, mais aussi le début des incertitudes. Malgré cette performance, les employés n’ont aucune assurance sur leur avenir professionnel dans ce projet. En effet, il est prévu que la création de la société de projet mette un terme à leurs activités, à leur contrat de travail. Le 29 juin 2016, un décret portant réorganisation du port autonome de Kribi, en abrégé PAK est signé par Paul Biya. Le conseil d’administration est constitué dans la foulée et, le 23 août, Patrice Melom est nommé directeur général. C’est une clameur de joie et une onde de soulagement qui se répand alors au sein du personnel, heureux de voir que l’un des leurs a été récompensé pour le travail accompli. Pourtant, cette réorganisation, tout en donnant vie à la société de gestion du port de Kribi, deux ans après la fin des travaux, inaugure une mauvaise phase pour les employés. Car, le comité de pilotage qui encadrait leurs activités a juridiquement cessé d’exister le jour de la renaissance du port autonome de Kribi (PAK). Fonctionnant sur les ressources publiques mises à disposition par le ministère de l’Economie, l’unité opérationnelle se retrouve donc sans budget, mais avec un passif en termes de prestations non payées et de salaires non versés. Une analyse de cette ardoise fixe à près de 5 milliards les fonds nécessaires pour solde de tout compte. Cet argent, d’après des sources proches du ministère des Finances, est disponible mais ne peut être viré au comité de pilotage que sur autorisation du Premier ministre. Cette autorisation ne vient pas depuis quatre mois, ce qui explique que les salaires des employés soient devenus un vrai serpent de mer. Pis encore, beaucoup ne savent même plus s’ils ont encore un emploi. Une réalité qui a du mal à ne pas apparaître comme un dénouement kafkaïen pour des hommes et femmes qui ont travaillé à donner vie à un projet des « grandes réalisations ». Surtout que le directeur général du PAK, Patrice Melom, n’est pas disposé à recruter tous ses anciens collaborateurs dans la nouvelle société.

Célestin T. Mbakop

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