Cameroun – Appel aux parlementaires: Consacrez 20% du budget 2017 à l’éducation !

Afin que, les ressources publiques aillent davantage vers les plus démunis plutôt que les plus nantis et que moins d’enfants renoncent à l’école faute d’argent.
Ainsi le budget Education rattrapera le cadrage budgétaire du DSCE, le Cameroun honorant par la même occasion ses engagements internationaux (Odd, agenda 2063 de l’Union Africaine).
Honorables Députés et Sénateurs, dans quelques jours vous convergerez tous à Yaoundé dans le cadre  de la session parlementaire. Session au cours de laquelle vous aurez la lourde mission de voter la loi de finances.
Dans la circulaire du 28 juillet 2016 relative à la préparation du Budget de l’Etat pour l’année 2017, le Président de la République prescrit que le budget :
«devra, de manière générale, tout en tenant compte de la conjoncture économique nationale et internationale, s’appuyer sur des mesures propres à consolider la croissance économique et à favoriser la création des emplois décents ainsi qu’à améliorer le bien-être des populations, en cohérence avec les stratégies sectorielles élaborées. »
De nombreux rapports et études aussi bien au niveau national (conférence investir au Cameroun, Avril 2016) qu’au niveau international (rapport mondial de suivi de sur l’éducation, septembre 2016) démontrent que l’éducation favorise la croissance économique, réduit la pauvreté et les inégalités économiques, augmente les revenus individuels et contribue à préserver l’environnement.
Pour 2016, vous avez alloué 12.46% du budget à l’Education (MINEDUB, MINESEC, MINESUP, MINEFOP, MINJEC) ce qui est largement inférieure à la moyenne des pays africains (18%). Ce sous financement du secteur éducatif a des conséquences énormes voire dramatiques comme nous avons pu l’observer au cours de la rentrée scolaire 2016-2017.
Les camerounais imprégnés des idéaux de l’Ecole Pour Tous, encouragés par le discours du Président Paul Biya à l’Onu en Septembre 2016 vous sollicitent pour apporter une réponse idoine au financement de ce secteur hautement névralgique.
Rentrée scolaire 2016, l’une des plus difficiles depuis des décennies.
En entrant dans l’hémicycle, vous aurez la tête encore pleine des images de la rentrée scolaire 2016-2017, probablement la plus difficile pour des millions de camerounais depuis des décennies. Images parfois pittoresques, parfois pathétiques, souvent choquantes et révoltantes.
Vous arriverez au palais de Ngoa Ekellé, sensibilisés par les nombreux reportages  des chaînes de télévisions, découvrant écoliers et collégiens assis à même le sol  ou sur quelques briques dans un taudis ou une cuisine abandonnée dans la broussaille, à la merci des intempéries et des serpents.
Sans aucun doute, vous êtes informés que des milliers de directeurs d’école publique n’ont reçu de leur hiérarchie, qu’une boîte de craie blanche, une boîte de craie de couleur, un bic bleu, un bic rouge et un cahier pour les uns, une boîte de craie blanche et cahier pour les autres. Un package à répartir entre tous les enseignants de leur école !
Démotivés, de nombreux enseignants ont repris la craie, las d’attendre les prises en charges et les recrutements promis depuis des lustres. Des professeurs de lycée intégrés à la fonction publique, parfois depuis 2011, attendent toujours leur premier salaire.
18% des enseignants du primaire (maîtres des parents) et 38% du secondaire (vacataires) sont pris en charge par les parents. Ils reçoivent des rémunérations variant de 5000 fcfa à 40 000 fcfa par mois. Un poids financier énorme qui pèse sur les familles dont le pouvoir d’achat s’est encore dégradé en 2016.
Avoir tous les livres relève du luxe pour la majorité des écoliers et lycéens camerounais. Le faible taux de possession du manuel scolaire (un manuel pour treize élèves) a contribué à la baisse régulière du niveau des acquis d’apprentissage dans le primaire. Sauriez-vous, demeurer insensibles à la question du manuel scolaire en apprenant que les lycéens tunisiens acquièrent tous leurs livres  à 10 800 Fcfa tandis que les camerounais doivent débourser une somme allant de 70 000 à 100 000 fcfa ?
En 2013, le Gouvernement s’est engagé à fournir trois livres gratuits (Mathématiques, sciences naturelles et français) à tous les écoliers du public. Sans suite …
Au mois de Juin 2016,  le Premier Ministre, moins ambitieux, annonçait devant vous «  la distribution gratuite des livres de mathématiques aux élèves du primaire. L’opération pour l’année scolaire prochaine va coûter au Cameroun, deux milliards 260 millions de FCFA».  Avez-vous des nouvelles de cette opération ?
Honorables députés et Sénateurs, vous conviendrez que si vous aviez suivi notre « boussole » (le cadrage budgétaire du DSCE prescrit un budget de l’Education à 17%) beaucoup plus enfants auraient eu toutes leurs fournitures scolaires Si vous aviez honoré les ODD, particulièrement l’ODD4, beaucoup moins d’enfants auraient abandonnés les études faute d’argent.
En d’autres termes, si vous aviez voté différemment la loi de finance 2016 on n’en serait pas là !
Le Cameroun mal noté pour sa politique budgétaire.
Lors de la session parlementaire de Novembre 2016, vous avez octroyé 527 ,871 milliards de fcfa au secteur de l’Education, soit :
Minesec 246,068 milliards;
Minedub 206,160 milliards;
Minesup 47,644 milliards;
Minefop 18,724 milliards;
Minjec 9,275 milliards.
Ces  crédits publics représentent 12.48% du budget total.
De 16% en 2006 à 12,5% en 2016, le budget de l’éducation a connu une baisse régulière, en dépit du cadrage budgétaire du DSCE qui prescrit une évolution de 16% en 2010 à 18% en 2020. Et pourtant depuis une quinzaine d’années le Gouvernement reconnait que :
l’Education est sous financée,
Les charges financières de l’Education pèsent énormément sur les familles et de surcroit, les ressources publiques vont davantage vers les enfants dont les parents appartiennent au quintile le plus riche.
A cette iniquité entre nantis et démunis, s’ajoutent des disparités territoriales inexpliquées dans les allocations des budgets d’investissement public 2016 (BIP) MINEDUB-MINESEC.
Aucun franc dans certaines communes, de trois millions à plus de cent millions de francs cfa dans d’autres. Une répartition bien loin de l’esprit et de la lettre du décret du Premier Ministre n°2010/0247/PM du 26 février 2010 portant modalités de certaines compétences transférées par l’Etat  aux communes en matière d’éducation de base.
Sur l’ensemble du territoire une quarantaine de communes n’ont rien obtenu de ces deux ministères. Le Centre est la région qui compte le plus de communes (onze communes au total) ainsi discriminées par  les BIP MINEDUC et MINESEC : Nkoteng, Ebebda, Elig Mfomo, Kon Yambetta, Ndikinimeki, Ombessa, Olanguina, Edzendouan, Biyouha, Messondo, Ngog Mapubi.
Les élus de ces contrées ont-ils fait preuve d’indolence ou d’un déficit d’entregent ?
Le Minedub et dans une moindre mesure le Minesec, devraient s’inspirer du ministère des travaux publics, qui fidèle au décret n°2010/0240/PM du 26 février 2010 fixant les modalités d’exercice de certaines compétences transférées par l’Etat aux communes en matière de création et d’entretien de routes rurales non classées, a alloué 27 millions de fcfa à TOUTES les communes du pays avant d’octroyer un supplément à quelques unes.
Au regard de ce qui précède faut il s’étonner que notre pays soit mal noté en matière de politiques publics et particulièrement en ce qui concerne la politique budgétaire ? La dernière évaluation de la qualité des politiques et des institutions nationales réalisée par la Banque mondiale (Classement CPIA) montre qu’en 2015, la moitié des pays africains affichent des performances relativement faibles dans leur environnement politique en faveur du développement et de la réduction de la pauvreté. Malheureusement, le Cameroun en fait partie. Il est classé au 22ieme rang sur 38 pays notés.
Le Cap Vert, en tête du classement africain sur les politiques publiques, a de manière significative amélioré ses indicateurs en portant son budget éducation de 9% en 2000  à 20% en 2005. A titre d’exemple, le taux d’achèvement du primaire y est de 90% contre 70% au Cameroun.
Que faut-il ? Que manque-t-il aux parlementaires camerounais pour emboîter le pas à leurs homologues du Sénégal, du Rwanda, du Burundi, de la Côte d’Ivoire, de Sao Tomé et bien d’autres qui consacrent plus de 20% de leur budget au secteur éducatif, bien au-delà des recommandations de l’ODD 4 (Assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie) ?
Pour le budget 2016, si vous aviez porté les crédits à l’éducation ne serait-ce qu’au niveau de la moyenne des pays africains (c’est-à-dire 18%) vous auriez dégagé 235 milliards de Fcfa supplémentaires pour ce secteur. Largement suffisant pour alléger considérablement la charge financière qui pèse sur les parents :
– Par la réduction maximale des 70 à 80 milliards que paient les parents en terme  d’APE et  frais exigibles dans les établissements public (maternel, primaire et secondaire) ;
– en subventionnant de moitié ou du tiers la facture des manuels scolaires – En garantissant qu’aucun étudiant ne paie de frais en sus des 50 000 Fcfa ;
– en garantissant Aux 30 000 maîtres des parents et  vacataires un salaire minimum de  50000 fcfa par mois ;
– En consacrant 2% du budget de l’éducation à l’enseignement privé non lucratif ;
– En octroyant des bourses de formation professionnelle à 10 000 jeunes sans qualification.
Budget éducation et coup de pouce au pouvoir d’achat.
Le 31 Décembre 2015 le Chef de l’Etat déclarait « Le souci qui m’anime demeure la promotion de la qualité de la vie dans notre société. Je sais que cela doit passer par une amélioration du pouvoir d’achat de nos populations.
Malgré la conjoncture difficile actuelle, j’ai prescrit au Gouvernement deux mesures significatives :
– revoir à la baisse les prix du carburant à la pompe ;
et
– revoir à la hausse le montant des allocations familiales versées aux travailleurs ».
Malheureusement, la majorité des travailleurs n’a bénéficié d’aucun coup de pouce  pour leur pouvoir d’achat. Bien au contraire.
Un agriculteur qui produit huit sacs de cacao (environ 800 000 fcfa, soit 80% de ses revenus annuels) avec trois enfants dans un lycée public de zone rurale (50 000 fcfa d’APE et frais exigibles par enfant) leur consacre 15% de ses revenus annuels et ce, sans compter les cahiers. Et s’il décidait de leur acheter  tous les livres il devrait y mettre près de 40% de ses revenus annuels. Il en est de ce cacaoculteur comme des millions de travailleurs du secteur informel dont les revenus sont inférieurs aux smic.
Le 24 octobre 2016, Najat Rochdi représentante-résidente du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), s’est inquiétée de la hausse du nombre de pauvres passé de 7 millions à 8 millions dans notre pays. Malgré une croissance économique significative depuis 2011 le taux de pauvreté semble figé à 37% de la population.
« Nous n’avons pas respecté tous nos engagements, surtout financiers. Nous n’avons pas répondu entièrement aux espoirs et attentes de nos peuples.
Organisons-nous aujourd’hui pour que les ODD connaissent un sort meilleur. » (Paul Biya, discours aux Nations Unies le 22 Septembre 2016)
Honorables députés et sénateurs,  l’une de vos missions dans cette dynamique nouvelle, est d’octroyer 20% du budget 2017 à l’Education ? Because Education cannot wait !

Towa Koh Michel
Réseau Ecole Pour Tous. Rentrée scolaire pour tous.

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