Cameroun: Après Camtel, la Banque mondiale charge Bolloré

« Pour l’institution de Bretton Woods, le contrôle par cette multinationale du fret ferroviaire et des opérations portuaires pourrait contrarier les ambitions d’émergence du Cameroun.
Favoriser la compétitivité en encourageant le concurrence au niveau local, régional et global». Selon la Banque mondiale, c’est l’une des clefs pour faire du Cameroun, comme ambitionne Paul Biya, un pays émergent à l’horizon 2035. Dans la semaine du 03 au 09 avril dernier, Souleymane Coulibaly l’a répété tour à tour aux autorités, à la presse et au secteur privé. L’économiste en chef sortant de la Banque mondiale pour l’Afrique centrale leur présentait le Cameroon Economic Memorandum (CEM) dont il a dirigé la rédaction. L’augmentation de la compétitivité est d’ailleurs l’une des recommandations de ce rapport qui analyse les obstacles à l’émergence du pays et propose des solutions pour y remédier. A la Banque mondiale, on est en effet convaincu que «des marchés plus concurrentiels favoriseraient des gains de productivité notamment en baissant les coûts des facteurs de production». Le Cameroun en a besoin pour parvenir au stade de pays à revenu intermédiaire de la tranche haute. Car pour réaliser cette ambition, estime la banque, le taux de productivité actuellement proche de 0 doit atteindre 2%. Il y a donc du travail, à voir le classement du pays dans les différents classements internationaux qui évaluent la concurrence des marchés. Le Cameroun est 109 ème sur 144 en matière d’intensité de la concurrence au niveau national, à la 65 ème place en ce qui concerne l’ampleur de la dominance du marché, et au 78 ème rang s’agissant de l’efficacité de la politique de concurrence. A titre de comparaison, 31 % des entreprises manufacturières opèrent en situation d’oligopole, de duopole ou de monopole dans ce pays contre 25 % et 22 % respectivement au Kenya et au Ghana. «Les services de transport ferroviaire, les services portuaires, les services de réseaux de télécommunications fixes et le coton égrené font l’objet de monopoles purs et simples», pointe le CEM. La Banque mondiale considère que le monopole dans les secteurs tels que les transports, télécommunications et l’électricité est davantage dommageable pour l’économie du fait que ces sous-secteurs représentent «des intrants essentiels pour d’autres activités».

Bolloré à surveiller
Le Cameroun a pourtant pris le risque de confier la gestion des terminaux à conteneur de ses deux terminaux à conteneur de ses deux ports (Douala et Kribi) au groupe Bolloré laissant ainsi passer la possibilité de faire jouer la concurrence entre les deux ports. Le pays en a pourtant besoin. Il est en effet pour l’instant peu compétitif. Le rapport rappelle fort à propos qu’une étude commandée par la Banque mondiale a trouvé qu’en 2013, le délai de passage moyen des produits importés à Douala était de 20 jours pour les conteneurs. Ce délai de passage «soutient mal la comparaison avec celui d’autres ports africains comme Mombasa (11 jours), Dar es Salam (12 jours) et Durban (4 jours)», indique la même étude. Au niveau du transport ferroviaire également contrôlé par Bolloré, l’institution de Bretton Woods indexe par exemple le fait que «les services d’infrastructure et les services de transport ne sont pas séparés, et il n’existe pas de politique d’accès qui pourrait permettre à d’autres entreprises d’utiliser leur propre matériel roulant pour fournir des services de transport». Le Cameroun a essayé d’y remédier. En mars 2015, le ministère de l’Economie, de la Planification et de l’Aménagement du territoire avait lancé un avis à manifestation d’intérêt pour la présélection des cabinets d’études, en vue de l’audit de la convention de concession de l’exploitation de l’activité ferroviaire. «Cet audit permettra d’alimenter les travaux en vue de la création d’une société de patrimoine de chemin de fer au Cameroun», soulignait l’avis d’appel d’offre. Et depuis, plus rien. En plus de contrôler les ports et le transport ferroviaire, le groupe comprend également des entreprises de logistique qui expédient des marchandises via le port et la voie ferrée. Pour la Banque mondiale, ces «trois situations requièrent une surveillance étroite et une régulation rigoureuse pour éviter des restrictions à la concurrence». «Une chaîne logistique entièrement intégrée améliore l’efficacité de la gestion du fret, mais elle peut aussi freiner la concurrence et désavantager d’autres entreprises», soutient le rapport. D’où cette recommandation : «l’État devrait dans ce cas réguler les tarifs et le transport de marchandises pour s’assurer que les entreprises n’abusent pas de leur pouvoir de marché lorsqu’elles fixent les tarifs».

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