Cameroun – Rebondissement: Les otages de Lagdo libérés par des Centrafricains

Le maire Mama Abakai, une des victimes de l’enlèvement du 19 mars 2015, a été entendu hier au Tribunal militaire de Garoua.
C’est une séance haletante et un Mama Abakai chaud bouillant qui ont tenu l’assistance du Tribunal militaire de Garoua en chaleur. Le maire de Lagdo s’est exprimé pour la première fois depuis sa libération. « C’est bien le 7 juillet vers 4h du matin que des hommes lourdement armés ont attaqué le campement où nous étions détenus. Ils nous ont libéré vers7h30 », a-t-il déclaré. Il a levé un autre pan de doute sur les conditions de leur libération. « Le commandant de nos libérateurs ont déclaré après deux heures d’échange de coups de feu, vous êtes libres, M. le maire vous êtes libres. Il a poursuivi en Sango. Nous ne comprenions pas. Il s’est étonné. Vous n’êtes donc pas centrafricains? » Mama Abakai avec une ad- mirable verve, a déroulé le « film de ce feuilleton qui a duré 15 mois et19 jours ». En compagnie de 14 notables de Lagdo il a pris le 19 mars 2015 à Bertoua un car pour Lagdo. « J’étais venu par bus et train. Je m’apprêtais à prendre un bus quand une amie m’a dit que quatre places avaient été libérées dans un car que les gens de Lagdo avaient loué. J’ai décidé de me joindre à eux par convivialité. J’ai payé le transport à cinq personnes. Cinquante mille francs CFA ». Ils partent de Bertoua dans un véhicule brinquebalant. « On a dû acheter le thé vert Tole tea pour nettoyer le réservoir ». Passé 23h, une fusillade nourrie déclenche. « Plus de quarante personnes avec des armes lourdes et des turbans. Ils parlaient l’arabe. Je comprends bien cette langue. J’ai regardé le cadran lumineux de ma montre 23h42. Ils nous ont poussés, nous faisant marcher jusqu’à 11h pour une première halte.  237online.com J’étais pieds nus et des ampoules partout et un orteil arraché ». C’était le début d une succession de brimades. Les ravisseurs dans la foulée enlèvent deux chasseurs à qui ils confisquent du gibier et récupèrent un planteur d’ignames enlevé la veille. Souaibou, l’un des quinze otages du car tombe et suffoque, le maire veut lui porter secours et réconfort, un ravisseur s’interpose. Il piétine le malade et le laisse pour mort. Les otages arrivent après 48 h de marche forcée au premier campement. Ils vont en connaitre 12. Ils sont enchaînés deux par deux, se partagent une étroite natte par paires, se partagent aussi un litre d’eau à deux pour24 h. Les heures pour se soulager sont arrêtées. 10 h et 17h , parfois un peu la nuit en cas d’urgence. Ils sont autorisés à se laver tous les cinq ou sept jours selon l’humeur des ravisseurs.

Le maire en veut au sous-préfet
Les ravisseurs se sont déclarés « appartenant à la branche Boko haram de Aboubakar Sidiki, en détention dans une prison camerounaise». Ils exigeaient la libération de celui-ci ainsi que celle de 11 autres membres du groupe qui sont aussi en prison. Ils voulaient aussi cinq milliards de Fcfa de dommages. Ils ont adressé leur requête dans un premier temps au sous-préfet de Lagdo. Ce dernier va ensuite leur dire « je vous emmerde ». Furieux ils ont pensé exécuter leurs otages. Mais, mystérieusement un des négociateurs a dissimulé à leur chef « colonel », les paroles irrévérencieuses du fonctionnaire. D’autres tentatives ont également échoué. Elles étaient toutes conduites par des autorités administratives camerounaises dont les ravisseurs s’étonnaient du comportement. Ce n’était pas des amateurs. « Ils ont dit que nous étions leur huitième groupe d’otages, quatre avaient payé des rançons et ils avaient égorgé ceux des trois autres groupes. Ils avaient menacé de nous exécuter et d’enlever 50 autres camerounais de plus grande importance ». Le maire de Lagdo « en veut particulièrement au sous-préfet pour ce qu’il a dit aux ravisseurs ». Mais aussi pour son attitude. Il aurait déclaré qu’il n’avait invité personne à l’assister aux obsèques de la mère de sa femme. C’est pourtant pour cette raison que Mama Abakai à peine rentré du Mali s’est rendu à Bertoua. C’est lors du voyage retour qu’il s’est fait enlever. « Mais, le sous-préfet dont la maison est en face de la mienne n’a jamais daigné traverser la route pour réconforter ma famille qu’il connaît bien ». Pour son ennemi politique qui se serait vanté de son enlèvement et qui est en détention à la prison centrale de Garoua pour complicité d’actes de terrorisme, il ne cache pas sa rancœur. « Mohamadou Danlami a juré devant de nombreuses personnes à Lagdo que, si on me libérait un jour, il accepterait qu’on lui coupe les bras ». « Danlami a toujours été contre moi. Il avait écrit que j’appartiens à Boko haram. J’avais averti chez moi à la maison avant de voyager que si quelque chose m’arrive dans la vie c’est Danlami. Il a tout fait. Il a lancé le Consupe à mes trousses, il a écrit à tout le monde pour me faire arrêter. C’est pourtant moi qui ai fait de lui un conseiller municipal », s’est indigné Mama Abakai.

Aziz Salatou

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