Cameroun: Les cybercafés ne font plus recette

L’arrivée, en janvier dernier de la 3G, a porté un coup sérieux à cette activité. L’heure est aux nouvelles stratégies dans le secteur.
Dans un coin de l’immense salle d’une quarantaine de postes inoccupés de son cybercafé, situé au lieudit Bonas à Yaoundé, Bertrand s’emploie à réviser des cours de mathématique avec sa nièce qui se prépare à présenter un concours d’entrée dans une grande école. Il a pour lui le malheur de s’être installé à l’ombre d’un ex-géant dénommé Worldvoice. En 2014, cette entreprise a dû augmenter sa capacité d’accueil et rénover ses installations. A 200 FCfa de l’heure, il pouvait vendre plus de 200 tickets par jour. Une belle aventure, dans une zone devenue, entre 2000 et 2014, une véritable terre fertile aux cybercafés.
Cette illusion sera stoppée en janvier 2015 avec l’arrivée de la 3G. Chez Worldvoice agence de Bonas, si 11 des 46 postes disponibles ont déjà été supprimés, plusieurs autres sont en voie de l’être faute de maintenance. Et on se méfie des rares clients qui y chargent leur ordinateur portable, compte tenu du coût des factures d’électricité par ces temps difficiles. Pourtant, à l’instar d’Infogénie, longtemps leader de ce secteur, Bonas a servi de zone test à nombre de cybercafés qui se sont ensuite étendus dans les principales villes du Cameroun. «Avant l’arrivée de la 3G, on n’avait jamais connu un tel revers. Quand je vois mon chiffre d’affaire baisser de 40%, c’est important», souffle Martial Djiomo, manager des exploitations chez Infogénie. Pour lui, comme pour l’ensemble des tenanciers des cybercafés rencontrés, la connectivité mobile a frappé le business de plein fouet. En témoigne la fermeture, parmi bien d’autres, d’Express informatique il y a environ 3 mois au carrefour Ellig-Esono. Cet espace s’était pourtant établi une notoriété dans la capitale pour la fluidité de sa connexion.
Ainsi, cette nouvelle offre des opérateurs de téléphonie mobile (MTN, Nextel, Camtel et Orange) a incontestablement précipité la chute du cybercafé traditionnel. «Nos clients sont pour la plupart des jeunes. Or, beaucoup disposent de nos jours de téléphones androïdes et peuvent surfer toute une journée avec moins de 200 FCfa», explique Louis Benn, manager de Cyberlink, l’un des leaders au Cameroun. Ici, par exemple, le ticket jadis vendu à 500 FCfa est passé 300 FCfa depuis 8 mois. Cela ne suffit cependant pas à endiguer un phénomène qui va croissant. C’est ainsi que la suppression de dizaines d’emplois devient inéluctable.

Adaptation
Si les mieux établis peuvent ainsi jouer sur certains indices pour tenir ou espérer inverser la courbe, d’autres, parmi les moins connus, à défaut de muter en call box ou en points de vente de friandises, ont tout bonnement dû fermer boutique dès l’avènement de la 3G. Du côté d’Infogénie, où le manager remarque que les voyants étaient encore au rouge dans plusieurs points de connexion de Yaoundé, le mois dernier, on préfère continuer d’y croire et de former aux techniques d’adaptation à un marché de plus en plus capricieux. Pas question d’y supprimer un seul emploi, politique sociale oblige. «S’il s’agissait de fermer les portes en se disant que le marché est mort, on l’aurait déjà fait. Mais on essaye de s’adapter en bon businessman.»
La principale pichenette consistera alors, pour la plupart des anciens espaces publics de navigation, à basculer vers le service réseau tout en comptant sur des partenaires que constituent, en priorité, ces mêmes opérateurs de téléphonie mobile qui leur font pourtant ombrage. On parle désormais en termes de réseau, c’est-à-dire des nouveaux produits et services desdits opérateurs. Il en est de même avec Canal+ et bien d’autres. «D’ici la fin du mois en cours, nous aurons obtenu notre septième partenariat», lance fièrement Martial Djiomo qui rêve d’un autre type de développement de ses affaires. A quoi serviront dès lors les nombreuses machines jadis destinées à la navigation grand public ? Pour M. Djiomo, «le cybercafé à encore de beaux jours devant lui en zone rurale». Restera à démontrer que cette autre franche non moins importante des Camerounais n’est pas encore inondée par la 3G.

Paulin Kengne

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