Cameroun : Les journalistes boudent le Conseil national de la communication

Conseil national de la communication

Les professionnels estiment que la création d’un organe d’autorégulation est indispensable pour mettre fin aux incohérences observées dans la gestion de l’organe officiel.

Le programme Club d’élites diffusé tous les dimanches sur la chaîne privée Vision 4 a été présenté ce dimanche 7 août par Bruno Bidjang. Cet employé a été suspendu depuis dix jours par le Conseil national de la Communication (Cnc) pour atteinte à l’éthique et à la déontologie du journalisme. Trois autres journalistes de cette chaîne, considérés comme co-présentateurs de l’émission Tour d’Horizon, ont vaqué sereinement à leurs occupations pendant toute la semaine qui vient de s’écouler alors qu’ils ont été suspendus pour des périodes d’un à deux mois par l’organe régulateur. Plusieurs autres présentateurs à l’instar de Sismondi Barlev Bitjoka, promoteur d’une radio privée, émettant dans la capitale politique, ont décidé d’ignorer les suspensions qui leur ont été infligées le 29 juillet dernier par le Cnc. Ce n’est pas la première fois que les journalistes de Vision 4 et ceux des autres médias ignorent ses sanctions. Une actualité qui relance le débat dans la corporation des journalistes sur le rôle de cet organisme en matière de régulation des médias au Cameroun.

Edmond Kamguia, journaliste et consultant au groupe Equinoxe Tv, estime pour sa part que ce refus de certains journalistes de respecter les décisions du Cnc témoigne que la régulation des médias au Cameroun se porte très mal. Le journaliste précise qu’il est temps que les autorités étatiques comprennent que l’Etat n’a aucun rôle à jouer pour réguler la presse au Cameroun. Le Cnc doit être remplacé par un organe indépendant géré par les journalistes. « Il faut que les journalistes puissent s’entendre pour mettre en place une juridiction des pairs qui doit faire l’auto régulation », souligne Edmond Kamguia.

Xavier Messe, journaliste, estime que le non-respect des décisions prises par le Cnc est justifié par le fait qu’il n’existe aucun décret qui donne le pouvoir de police à cet organe de régulation : « Le chef de l’Etat doit donner un pouvoir de police au Cnc. Ce pouvoir doit être contenu dans un décret. Tel qu’on voit les choses se passer, on n’a l’impression que l’Etat fait exprès de ne donner le pouvoir à personne en diminuant l’autorité du Cnc. Un journaliste sanctionné devrait se soumettre aux décisions prises par cet organe ou bien saisir les tribunaux pour un recours ».
Xavier Messe estime qu’en plus d’un organe de régulation disposant d’un plein pouvoir, l’Etat doit également œuvrer pour la création d’un organe indépendant géré par les journalistes pour faire l’autorégulation. Cet organe d’auto–régulation qu’il propose devra s’occuper d’attribuer les cartes professionnelles aux journalistes.

Respecter le droit à l’information

Maximilienne Ngo Mbe, militante des droits de l’homme, pense pour sa part que le non-respect des décisions du Cnc par certains organes de presse prouve que cet organe a un agenda caché autre que de réguler la profession. Elle justifie son argument par le fait que, généralement, les responsables de cet organe sollicitent parfois l’intervention des autorités administratives pour l’application des décisions prises. C’était le cas récemment avec la suspension du pdg d’Equinoxe et le rédacteur en chef de cette chaîne de télé. Maximilienne Ngo Mbe estime que les autorités étaient prêtes à fermer Equinoxe si les suspensions prises n’avaient pas été respectées. Mais elle dit être surprise du silence des autorités concernant ces journalistes qui refusent d’appliquer les sanctions du Cnc. La militante des droits de l’homme estime que le Cnc aujourd’hui constitue un obstacle pour le droit à l’information. La création du Cnc viole le principe 17 de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples qui dispose : « L’autorité publique chargée d’exercer des pouvoirs dans les infrastructures de radiodiffusion, des télécommunications ou de l’internet, est indépendant et suffisamment protégé contre les ingérences de nature politique commerciale ou autres ».
Alain Denis Mbezele, responsable de la communication du Cnc ne souhaite pas réagir sur cette actualité liée au non-respect des décisions de l’organe régulateur par certains journalistes.

Le plaidoyer pour la création d’un organe indépendant d’autorégulation préoccupe les Ong comme Journalistes en Afrique pour le développement (Jade) qui a regroupé il y a deux mois à Douala plusieurs journalistes. Au cours de ce regroupement une association chargée d’émettre son avis sur les questions d’éthique et de déontologie a été mise en place. A été lancé le Réseau des médias pour la promotion de la liberté de la presse (Rmplp) pour une durée de 99 ans. Le tout premier comité de coordination a été installé au cours de l’Assemblée générale constitutive qui s’est tenue à Douala le 24 juin 2022. L’équipe dirigeante est composée des représentants de plusieurs organes de presse. Le comité de coordination est assisté d’un secrétariat technique assuré par l’agence Jade (Journalistes en Afrique pour le développement). Le syndicat des journalistes du Cameroun (Snjc) plaide également en faveur de la création d’un organe d’autorégulation.

Prince Nguimbous (Jade) / 237online.com

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