Affaire Amnesty International: Le DP de l’œil du sahel Guibai Gatama écrit à l’opposant Hilaire Kamga

Torture by Amnesty

A mon ami Hilaire Kamga
Mon cher Hilaire Kamga, la question des droits de l’homme dans le cadre de la lutte contre Boko Haram m’est un peu familière.
Il arrive même assez régulièrement à Amnesty de déclencher des enquêtes sur la base des articles publiés dans L’Oeil du Sahel. Nous sommes donc l’une de leurs nombreuses sources. L’affaire des suspects de Doublé et de Magdemé qui ont trouvé la mort dans un magasin de la légion de gendarmerie de Maroua, c’est bien nous qui avions été les premiers à en parler; les élèves de l’école coranique; le commissaire spécial de Dabanga tué par des militaires pour des raisons obscures…Je te fais grâce des épreuves personnelles, des frères ou amis interpellés ici et là.
Il reste qu’il y a des spécificités particulières à la lutte contre Boko Haram, un environnement qu’il faut questionner, que dans une armée en opération il se trouvera toujours des brebis galeuses pour violer inutilement des droits humains. Il faut les punir, ces soldats qui agissent par sadisme ou par vengeance. Et je peux dire qu’il existe des exemples de militaires camerounais punis pour avoir été reconnus coupables de violations des droits humains dans le cadre de leur travail. Nous sommes tous d’avis qu’il faut persévérer dans cette voie, et en cela, dans les rapports d’Amnesty et autres Ongs, il y a pistes qui offrent à nos forces de sécurité des opportunités d’ajustement.   
Mais que faire Hilaire, quand sur trois kamikazes infiltrés dans un secteur, vous en attrapez un ? Ou alors si vous mettez la main sur leur guide ? Le confier à un officier de police judiciaire pour qu’il soit auditionné ? Dans ce cas, soit vous êtes accompagnés dans vos opérations par un OPJ, soit vous le transférez à une cinquantaine de kilomètres de là. Parce que les balles qui sifflent au front ne sont pas des balles de tennis, parce qu’un engin explosif improvisé ou une bombe qui explose cause d’énormes dégâts, le reflexe des soldats sera de le cuisiner durement pour espérer sauver d’autres vies, la lutte contre le terrorisme exigeant une célérité dans le traitement du renseignement. Trop de sang a déjà coulé. Chez les militaires camerounais et encore plus chez les civils. Dans la comptabilité macabre que je tiens au quotidien, nous tournons autour de 2.000 victimes…
C’est pour tout cela que j’ai posé ce matin cette question : peux-t-on mener une « guerre propre contre le terrorisme » ? C’est une question de débat, ce n’est pas une prise de position personnelle en faveur des violations de droits humains. C’est juste demander si les «bornes d’aujourd’hui» doivent être déplacées ou pas ? Après, le débat est fonction des convictions de tout un chacun, de son vécu, d’un ensemble de perceptions, du lieu où il se trouve et de son rapport au conflit. Celui qui est à Kolofata n’aura jamais le même regard que toi, mon cher Hilaire Kamga, sur un «interrogatoire poussé» sur un suspect kamikaze, ou sur un guide-kamikaze… Voilà, la réalité du terrain structure parfois nos pensées. C’est peut-être pourquoi je suis moins dogmatique, bien que des amis et des frères aient déjà été durement interrogés par les forces de défense et de sécurité. Et aussi après que des connaissances, de nombreuses connaissances, aient été égorgées par Boko Haram. Voilà pourquoi j’ai osé cette question ce matin.

(e) Guibai Gatama

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *