Cameroun – Opération epervier: Interview exclusive de Dieudonné Ambassa Zang, Ancien ministre des travaux publics exilé





A quelques heures de l’ouverture de son procès au tribunal criminel spécial (TCS) pour détournement de deniers publics, l’ancien ministre nous a accordé un entretien exclusif.[pagebreak]« Je vais vous dire ce qui est la vérité même si beaucoup refusent de me croire. Sincèrement je ne sais pas. Je n’ai fait aucune courbette ni démarche. Et je ne sais pas ce que veut dire avoir un parrain. Le jour où ma nomination comme Ministre des travaux Publics est intervenue, le samedi 24 août 2002, je me trouvais à Mfou-Village pour la cérémonie d’intronisation comme Chef Traditionnel de 3ème degré d’un frère et ami. Alors que j’étais en train danser les balafons après avoir bu du bon « matango », une cousine, Officier de Police, est venue me souffler à l’oreille qu’il y a remaniement. Je lui ai dit d’aller suivre et de venir me dire si le Ministre d’État BELLO BOUBA (mon patron au MINDIC) avait été maintenu. Quelques 05 minutes après, elle est revenue en courant, me disant qu’il parait que je suis entré au Gouvernement…C’était comme un rêve et j’ai commencé à pleurer sans trop savoir pourquoi. »
« Enfin, on est venu cambrioler mon Cabinet juste un mois après l’élection présidentielle d’octobre 2004. Curiosité, le fameux cambrioleur était un personnel des forces de l’Ordre. Arrêté par un heureux concours de circonstances, il a déclaré être venu cherché de l’argent mais n’a rien trouvé. Pourtant, il a éventré toutes les armoires, fouillé tous les dossiers mais a laissé téléphones portables, montres de valeur, chemises, bref plein de choses que je recevais comme cadeaux. Ne me demandez surtout pas là où en est cette affaire…. »

Qui est Dieudonné Ambassa Zang ? il se dit que vous avez intégré le système gouvernant par la grande porte, après avoir été major de votre promotion à l’École Nationale d’Administration et de Magistrature (ENAM), brossez-nous brièvement votre parcours…
Il est toujours difficile de parler de soi-même. Au plan professionnel, je dois dire que j’ai eu une brillante carrière qui a commencé à l’Ex-IGERA et s’est poursuivie à la Présidence de la République (Attaché puis chargé de Mission), au MINDIC (Secrétaire Général), au MINTP Ministre) et à l’Assemblée Nationale (Député de la Mefou-Afamba). J’ai parallèlement assumé des fonctions dans le secteur privé, ce n’est pas superfétatoire d’en parler.

Citez-nous quelques-uns de vos promotionnaires à l’ENAM …
Ma promotion à l’ENAM a donné de brillants éléments et pour en citer quelques-uns : Tanyi Mbianyor Clarkson (Ex-Ministre des Forêts) ; Titti Pierre (Ministre Délégué auprès du MINFI) ; Mekoulou Mvondo Alain (DG/CNPS) ; Djomnack Elie Désiré (Magistrat à la Cour des comptes) ; Elanga Obam (Conseiller Technique au PM), Sani Mohaman (DG/ELECAM) ; Tonye Paul Emmanuel ‘SG/CONSUPE) et bien d’autres.

Quelle enfance avez-vous eue, vos parents étaient-ils aisés ?
Mon père, décédé en août 1989, était un Commis de Greffe. À Mfou, à l’époque, il faisait partie de l’élite. Je n’ai été ni aisé ni nécessiteux. Le plus grand héritage que mon père m’a légué c’est l’école (il disait que ce serait ma cacaoyère) et les valeurs qui font que l’on soit un HOMME : honnêteté, sérieux, la crainte de Dieu ; le respect et l’amour des autres ; le sens du devoir et de la responsabilité, le respect de l’Autorité et des biens publics etc.

Comment devient-on Ministre au Cameroun, M. Dieudonné Ambassa Zang a-t’il été parrainé ? la rumeur dit qu’il faut faire des sacrifices humains…
Je vais vous dire ce qui est la vérité même si beaucoup refusent de me croire. Sincèrement je ne sais pas. Je n’ai fait aucune courbette ni démarche. Et je ne sais pas ce que veut dire avoir un parrain. Le jour où ma nomination comme Ministre des travaux Publics est intervenue, le samedi 24 août 2002, je me trouvais à Mfou-Village pour la cérémonie d’intronisation comme Chef Traditionnel de 3ème degré d’un frère et ami. Alors que j’étais en train danser les balafons après avoir bu du bon « matango », une cousine, Officier de Police, est venue me souffler à l’oreille qu’il y a remaniement. Je lui ai dit d’aller suivre et de venir me dire si le Ministre d’État BELLO BOUBA (mon patron au MINDIC) avait été maintenu. Quelques 05 minutes après, elle est revenue en courant, me disant qu’il parait que je suis entré au Gouvernement…C’était comme un rêve et j’ai commencé à pleurer sans trop savoir pourquoi.

Parlez-nous de votre séjour au Ministère des Travaux Publics, à quels types de difficultés avez-vous fait face ?
Un séjour particulièrement difficile.
Déjà, je remplaçais à ce poste le Ministre Jérôme OBI ETA, un ami personnel et un frère du Sud-ouest du Premier Ministre Peter Mafany Musonge. Je dois dire que la côte d’amour était nulle. Et comme si cela ne suffisait pas, il y a eu l’affaire « Pokossy », l’ancien Directeur des Affaires Générales du MINTP. Pour la petite histoire, encore peu connu physiquement de tous les collaborateurs du MINTP, je suis allé au travail un samedi après mon sport. Je conduisais ma camionnette et, arrivé à l’entrée du Ministère en compagnie de l’Officier de Sécurité, j’ai trouvé 03 véhicules taxi surchargé de matériels de bureau. Quand je suis allé vers eux pour savoir ce qui se passait, l’un d’eux a crié « c’est le nouveau Ministre » et deux ont pu s’enfuir. L’officier a arrêté l’autre puis l’a conduit à la Gendarmerie …Il avait pour complice le Comptable matières de la DAG. J’ai déposé une plainte pour être conforme à la législation. C’est vers 20h, à mon cabinet ce samedi-là que Mr POKOSSY est venu me dire que c’est lui qui avait décidé d’aider le Comptable-matières pour son départ en retraite…Je lui ai demandé pourquoi n’est-il pas venu me voir plutôt, avant que la plainte formelle ne soit déposée ? N’ayant plus confiance en lui, j’ai pris des mesures conservatoires pour pourvoir à son remplacement. La hiérarchie, du PM à la Présidence est tombée sur moi « à bras raccourci », comme si j’étais allé chercher des problèmes à un des « leurs »…J’ai eu chaud mais j’ai refusé de revenir sur ma décision. Les gens se dépassant, la procédure n’est allée nulle part et j’en ai payé le prix.

Ensuite, mon drame aura été de prétendre lutter contre la corruption et de veiller à un minimum de transparence. J’ai pris des mesures courageuses et, à titre d’exemple j’avais affecté dans les services extérieurs en un seul jour 60 ingénieurs convaincus de manipulation des procédures de passation de marchés. Un de vos collègues journalistes a d’ailleurs affirmé que c’est là où j’ai « signé mon arrêt de mort ». Déjà, le jour de la passation de service au Ministre OKOUDA, ces 60 Ingénieurs sont venus « m’acclamer ». Deux mois après mon départ, un Président de Commission de Passation des Marchés que j’avais fait démettre de ses fonctions a été à nouveau nommé Président de la même Commission de Passation des Marchés. Bref, à lutter contre la corruption et les manœuvres d’un lobby de personnes et des Ingénieurs du MINTP, j’ai vu la mort passer et dans des lettres anonymes qui m’étaient destinées, les rédacteurs m’ont prévenu qu’ils m’enverraient en prison. Nous y sommes presque !

Enfin, on est venu cambrioler mon Cabinet juste un mois après l’élection présidentielle d’octobre 2004. Curiosité, le fameux cambrioleur était un personnel des forces de l’Ordre. Arrêté par un heureux concours de circonstances, il a déclaré être venu cherché de l’argent mais n’a rien trouvé. Pourtant, il a éventré toutes les armoires, fouillé tous les dossiers mais a laissé téléphones portables, montres de valeur, chemises, bref plein de choses que je recevais comme cadeaux. Ne me demandez surtout pas là où en est cette affaire….

Certains vous accusent d’avoir été à l’origine de l’embastillement de Michel Thierry Atangana, on dit que vous l’avez injustement accablé, tout en sachant que le poste de président du COPISUR vous reviendrait de droit, c’est selon vos contempteurs, la raison pour laquelle vous avez été promu ministre des travaux publics…
C’est un mauvais procès. Il était clairement visé dans le texte que la présidence du Comité serait assurée par le représentant des entreprises impliquées dans la réalisation de ce projet. Et s’agissant de ma nomination comme Ministre, je pense avoir suivi le cheminement classique conduisant généralement au poste de Ministre : Ex-IGERA, Présidence, Secrétariat de Ministère.

Dites-nous M. le Ministre, pourquoi faites-vous l’objet de poursuites judiciaires alors que plusieurs autres prévaricateurs notoires, restent libres de leurs gestes et faits, avez-vous été lâché par vos réseaux ?
Je voudrais répondre à votre question en rappelant les propos de l’Honorable Jean Michel Nintcheu (Opposition-SDF). En réponse à une question de votre confrère journaliste Monsieur Hugues Seumo (17-09-2000) souhaitant connaître sa réaction par rapport à mon exil, il a affirmé : « Je voudrais dire au sujet de mon collègue que l’accélération qu’a connue la procédure ayant conduit à la levée de son immunité est extrêmement suspecte parce que nous connaissons les lenteurs judiciaires au Cameroun. En moins de quatre mois, son immunité a été levée. Ceci a même provoqué la colère chez certains de nos Députés. Le Député Dieudonné Ambassa Zang, Député de la Mefou et Afamba était l’un des rares à l’Hémicycle qui prenait son travail au sérieux, il animait les débats à l’Assemblée Nationale surtout face aux Ministres que les Députés du RDPC ne se levaient que pour les féliciter. Idem pour Monsieur Ayah Paul Abine, Député RDPC de la Manyu qui est de ceux qui posent les véritables problèmes aux Ministres lors des débats. Je pense que ce qui s’est passé avec Dieudonné Ambassa Zang est une espèce de règlements de comptes. Certaines mauvaises langues affirment même qu’il appartiendrait au fameux G11. Est-ce que c’est cela qui explique cet acharnement contre sa personne alors que je sais qu’il existe beaucoup d’autres Députés du RDPC que je ne veux pas citer qui se sont livrés dans les malversations diverses à l’instar des marchés publics non-livrés, des malversations diverses et dont la presse en fait l’écho tous les jours. L’opération épervier s’est transformée en une espèce d’opération escargot à tête chercheuse ». Cela se passe de commentaires.

Dans quelles circonstances, M. Dieudonné Ambassa Zang est-il parti du Gouvernement ?
Si déjà je ne sais pas comment j’y suis rentré, il m’est encore plus difficile de savoir dans quelles circonstances j’en suis sorti.

Enumérez-nous quelques-unes de vos réalisations, en tant que ministre des travaux publics…
Beaucoup de réalisations et parmi les plus significatives pour moi :
-amélioration du cadre de travail par la construction des bâtiments modernes tant au niveau de l’Administration centrale que des services extérieurs, notamment Délégation Régionale du Littoral
-la conduite heureuse des projets d’infrastructures routières presque compromis : Yaoundé/Soa ; Melong/Dschang ; Ayos-Bonis ; réhabilitation du pont sur le Wouri ; Ngaoundéré/Touboro-Moundou : pont sur le Ntem ; pont sur le Mungo (c’est moi qui ai trouvé le financement de 03 milliards de FCFA) ; pont de Makabaye etc.
-Conduite de la réforme pour la mise en place d’un fonds routier de 2ème génération
-Restructuration de l’École supérieure des travaux Publics pour la mise en place du système LMD
-Lancement de la rencontre des Ministres des Travaux Publics des États de la CEMAC pour l’élaboration d’un plan Directeur Routier en Afrique Centrale ;

Je ne peux tout citer mais beaucoup de choses ont été faites en à peine deux ans, d’où la surprise de bon nombre de compatriotes et de partenaires du développement du Cameroun lorsque l’on m’a sorti du Gouvernement.

Après votre départ du Gouvernement, avez-vous été reçu par le Président Biya ?
Je n’ai pas pu avoir cette opportunité, même pas pendant mon séjour de 2ans et 04 mois au Gouvernement.

Pourquoi le COPISUR a-t-il fait long feu ?
Les projets portés par cette structure (Yaoundé/Kribi et Ayos/Bertoua) étaient très attendus par les populations. Ils sont presque tous réalisés aujourd’hui. Le COPISUR a été asphyxié parce que le mécanisme de financement qui était préconisé n’avait pas pu être finalement mis en place, feu Ministre Justin Ndioro (MINFI) ayant mis en avant les engagements avec les institutions de Bretton Woods dans le cadre du pas. Tenant compte de cette contrainte majeure qui l’a conduite à une lente agonie, je ne sais pas si on peut vraiment émettre un jugement. Comme on le dit souvent, « en cas de doute, s’abstenir ».
Au moment où s’ouvre votre procès au Tribunal Criminel Spécial pour détournement des deniers publics, pouvez-vous nous dire très exactement ce qui vous est reproché ? (donnez-nous les tenants et les aboutissants de votre affaire)…

De l’exploitation de l’Ordonnance de Renvoi du Magistrat Instructeur Jérôme KOUABOU, il ressort que je suis renvoyé devant le TCS pour un détournement deniers publics présumé de 5.820.645.438 FCFA. Avant d’en venir aux chefs d’accusation, qu’il me soit permis de rappeler que aux termes de la loi portant Code Pénal, le détournement est défini comme le fait pour « Quiconque par quelque moyen que ce soit obtient ou retient frauduleusement quelque bien que ce soit, mobilier ou immobilier appartenant, destiné ou confié à l’Etat unifié, à une coopérative, collectivité ou établissement, ou publics ou soumis à la tutelle administrative de l’Etat ou dont l’Etat détient directement ou indirectement la majorité du capital ». Je souligne cela car les faits retenus à ma charge, même si je ne suis pas professionnel du droit et des prétoires, ne semblent pas réunir les éléments constitutifs de cette infraction. Il y a manifestement confusion et amalgame entre faute de gestion (loi 74/18 et ses modificatifs) et le détournement (Code Pénal).Cela pose la question de compétence ratione materiae du TCS au regard des chefs d’accusation pour lesquels je suis renvoyé devant cette juridiction d’exception.

Concernant les chefs d’accusation, je vais les passer en revue, en donnant à chaque fois les sommes en cause ainsi que l’analyse que j’en fais, étant entendu bien sûr que je suis libre de me tromper mais rassurez-vous, je resterai sincère :

1-Pénalités de retard irrégulièrement annulées (10.340.287 FCFA).On me reproche de n’avoir pas requis l’avis préalable de la Commission de Passation des Marchés des Travaux Neufs avant d’annuler les pénalités notifiées aux Établissements FRALIDA. Tout d’abord le montant n’est pas exact car la pénalité de retard notifiée par le Chef de Subdivision des Travaux Publics de la Sanaga Maritime (Maître d’œuvre) est de 6,5 millions de frs. Ensuite, j’ai tenu une séance de travail à mon Cabinet regroupant tous les acteurs, y compris ceux de la Commission de Passation des Marchés car il y avait urgence, s’agissant de l’aménagement de la voie d’accès à l’Evêché d’Edéa à réaliser sur les hautes instructions de Monsieur le Président de la République. Et le Magistrat Instructeur reconnait d’ailleurs dans son ordonnance de renvoi et après audition de la Gérante de cette PME de l’entretien routier, la pertinence des arguments avancés.

2-Préjudice au détriment du Trésor Public pour la passation du marché de réhabilitation du pont sur le Wouri à une entreprise en déconfiture et ne présentant pas les garanties techniques et financières (4.891.407.226 FCFA).
-Concernant les responsabilités en matière d’évaluation des capacités de l’entreprise et sa situation juridique, Je renvoie les uns et les autres à la lecture de la Réglementation des Marchés Publics applicable (Décret N°95/101 du 09 juin 1995 et ses modificatifs et le Décret N°2002/030 du 28 janvier 2002). En application des dispositions de ces textes, la recevabilité, le dépouillement et l’évaluation des offres sont des attributions relevant de la Commission de Passation des Marchés, laquelle met en place une Sous-commission d’Analyse des offres. Et s’agissant particulièrement du pont sur le Wouri, le Cameroun s’est attaché dès l’année 2000 les services du Groupement des Bureaux d’Études SCETAUROUTE International /SCET Cameroun et ECTA-BTP à la suite d’un appel d’offres international, objet du marché portant maîtrise d’œuvre, lequel a été signé par le Premier Ministre le 28 juillet 2000 (Marché n°1753/AO/SPM/CNM/2000-200). Les rapports d’analyse technique et financière sont disponibles. L’appel d’offres ayant été déclaré infructueux et le Premier Ministre et Autorité des Marchés a prescrit au MINTP d’engager des négociations directes avec UDECTO. Dans cette phase de négociation, comme la convention de financement m’en donnait la possibilité, j’ai activé la clause d’assistance et le Ministère Français de l’Équipement a dépêché au Cameroun un Ingénieur Divisionnaire de son Bureau d’Études, le SETRA. Les avis de cet Ingénieur spécialisé sont disponibles. Ensuite, le marché est passé entre les mains d’une part du bailleur de fonds (AFD) qui a donné sa non-objection et d’autre part la Commission Spécialisée de Contrôle des Marchés de Routes et Autres Infrastructures placée auprès de l’Autorité des Marchés Publics (le Premier Ministre), laquelle a aussi donné son avis assorti de réserves mineures sur la forme. Il est bon d’aller lire le Décret 2002/030 pour prendre connaissance des attributions de cette Commission. Enfin, à toutes les étapes, siège un Observateur Indépendant qui rédige un rapport. En quoi suis-je mis en cause moi alors que je ne suis membre de rien et que les textes m’obligeaient à m’en remettre aux avis de ces différentes instances. Suis-je passé outre ces avis ? Et de tous ces acteurs que je viens de citer (Commission de Passation des Marchés, Groupement d’Études ayant assuré la fonction de maîtrise d’œuvre etc.), je suis la seule personne à avoir été renvoyée devant le TCS. En fait, une camisole taillée sur mesure !

-Concernant le préjudice subi par l’Etat du fait de la décision d’UDECTO, de manière unilatérale les travaux, ledit préjudice est réel sauf que Ambassa Zang n’est pas le co-contractant de l’Etat/MINTP pour le lui imputer. Le marché est un « contrat synallagmatique » et aux termes de l’article 1134 du code civil, « les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi ». Il revient au cocontractant défaillant de supporter le préjudice subi par l’autre partie par et de son fait. On est donc là en matière de responsabilité contractuelle et cela ne relève point du juge pénal.

Ensuite, il a été mis dans le contrat ce que l’on appelle « clause compromissoire » et cela veut dire que, d’avance, le Cameroun et le groupement d’entreprises adjudicataire (UDECTO/ETIC) du Marché des travaux de réhabilitation du pont sur le Wouri ont convenu qu’en cas de litige et s’ils n’arrivent pas à le régler à l’amiable, le différend serait porté devant la Cour Arbitrale de la chambre de Commerce Internationale de Paris. Et cette Cour a statué sur cette affaire et a prononcé une condamnation contre UDECTO pour indemniser le Cameroun à hauteur de de FCFA 3.041.860.168 et USD 368.500 sur des prétentions formulées par l’État du Cameroun pour 14 milliards FCFA (Sentence Arbitrale CCI N°14422/EC du 13 juillet 2010). Un communiqué de presse-radio paru dans le quotidien gouvernemental Cameroon-Tribune du 28 septembre 2010 a été fait par le Ministre MESSNEGUE AVOM pour célébrer cette grande victoire.

Enfin, sur les sûretés données par UDECTO (caution à 100/% des avances de démarrage, garanties et cautionnements etc.), à fin juin 2009, ces sûretés d’un montant total de 2,8 milliards FCFA avaient été appelées et libérées par la banque CBC à première demande du Ministère des Travaux Publics à hauteur de FCFA 1.788.830.716 FCFA. Tout doit avoir été payé aujourd’hui et ce que les Camerounais veulent savoir c’est plutôt où est parti cet argent et à quoi a-t-il servi. Le Magistrat Instructeur, professionnel du droit, aurait-il oublié qu’il y a le principe de droit d’application universel « non bis in idem » ? Combien de fois va-t-on demander réparation pour le même préjudice. Le Ministre des Travaux Publics qui sera assurément appelé pour se joindre au Ministère Public aura au moins, je l’espère, le courage de dire la vérité et même de faire une note à la hiérarchie pour appeler son attention sur cette affaire. Et surtout, qu’il n’oublie pas qu’il ne faut pas se moquer du voisin dont la maison brûle…Il en sortira très grandi.

Au-delà, cette affaire concerne grandement la France au moins pour trois raisons :
-Le représentant de l’AFD (Mr Christian Audibert) a pris part à tous les travaux de la Commission de Passation des Marchés des travaux Neufs, de la Sous-commission d’analyse des offres techniques et financières des soumissionnaires et de la Comité de Négociation avec UDECTO et ETIC :
-Le SETRA, Bureau d’Études du Ministère Français de l’Équipement, à travers l’Ingénieur Divisionnaire Gilbert, a apporté son expertise dans la phase de négociations avec UDECTO et ETIC ;
-L’AFD a procédé à des contrôles ex-ante à toutes les étapes du processus (pré-qualification, évaluation technique, évaluation financière, rapport de clôture des négociations, projet de marché etc.). Elle a donné sa non-objection formelle à toutes ces étapes.
C’est le lieu pour moi de rappeler aux autorités Diplomatiques et consulaires de la France au Cameroun les engagements pris leur pays dans le cadre de la Déclaration de Paris sur l’Efficacité de l’Aide Publique au Développement.

-Dépenses injustifiées des Régies d’Avances (422.500.000 FCFA). Je suis accusé, en complicité avec Mr MEKOGO ABEGA, de n’avoir pas présenté les pièces justificatives de dépenses et les livres journaux à la mission de contrôle conduite par l’Inspecteur d’État NOLLA BATTA. D’abord c’est un gros mensonge car cette mission ne m’a pas posé ce problème. Ensuite, aux termes des dispositions de l’article 1er du Décret n° 86/055 du 14 janvier 1986, les Régies de Recettes et d’Avances relèvent du Ministre Chargé des Finances (Direction du Budget) qui les créé par Arrêté et en désigne les responsables par Décision. Les dispositions relatives à l’ouverture et à la gestion des Régies de Recettes et d’Avances sont visées au début de chaque exercice budgétaire, dans les circulaires relatives à l’exécution et au contrôle de l’exécution du Budget de l’État. Et s’agissant de la comptabilité des Régies d’Avances (pièces de dépenses, Livres journaux etc.), il ne m’est pas possible de les produire en raison des dispositions règlementaires. Nous exposons les dispositions utiles de la Circulaire N° 04/001/MINFIB du 08 janvier 2004 –Voir chapitre cinquième : Procédures Diverses d’Exécution –Engagement des Dépenses –S/section4 : Procédure des Régies d’Avances, page 26 à 29 –Paragraphe G) portant Instructions relatives à l’Exécution et au Contrôle de l’Exécution du Budget de l’État et des Organismes Subventionnés pour l’Exercice 2004:
« Au moment de l’arrêté des écritures, la comptabilité de clôture détenue par le régisseur doit être récupérée par le vérificateur et déposée dans le contrôle financier compétent pour les services extérieurs, et à la Direction du Budget pour les services centraux. La comptabilité de la clôture de la caisse d’avances est transmise au poste comptable de rattachement par la Direction du Budget, le Contrôleur Financier Spécialisé, le Contrôleur Provincial ou Départemental des Finances ».

Comment puis-je faire pour produire des documents emportés par les Contrôleurs Budgétaires ? Toutes les Régies d’Avances ont fait l’objet d’un contrôle par la Direction du Budget et les Procès-verbaux y afférents ont été remis à l’Inspecteur d’État Emmanuel Tchock désigné Rapporteur du CDBF. Le MINFI mériterait d’être interpellé pour un « dire d’expert ».

-Indemnités octroyées aux membres des Commissions de Passation des Marchés (CPM ER et TN) dans lesquels se trouvaient des personnels temporaires (117.375.000 FCFA). Les CPM ont un rôle très délicat et important à jouer dans la passation des marchés publics. Au MINTP, il y en avait trois avec une activité débordante. J’ai trouvé plein de problème notamment pas de coordination, pas de personnels propres, pas de locaux pour abriter la tenue des sessions, les bureaux des Présidents et Secrétaires des CPM et pas de locaux adéquat pour archiver les documents etc. Entre autres dispositions, j’ai signé une convention de bail avec l’ARMP pour la mise à disposition d’un cadre de travail décent et sécurisant pour les 03 CPM pour un loyer annuel de 33.600.000 FCFA. Ensuite, j’ai procédé au recrutement de 23 personnels temporaires pour l’appui au fonctionnement et activités des 03 CPM du MINTP à savoir des Secrétaires (09), des Chauffeurs (06), des Archivistes (03), des huissiers Administratifs et Agents d’Entretien (05). Ces personnels ont été placés dans une Unité de coordination des Marchés Publics créée par note de Service sur le haut accord du Premier Ministre. Leurs attributions portaient sur (i) des tâches manuelles et d’appui administratif; (ii) des tâches d’exécution, de rédaction, de comptabilité et autres tâches techniques équivalentes et (iii) des tâches de bureau et de secrétariat, de gestion de bureau et autres tâches équivalentes.

Soulignons que pour les appels d’offres enregistrant un nombre élevé de candidatures, cela nécessite un travail impressionnant et inimaginable portant sur d’enregistrement et de manutention pour le transport des offres afin de les mettre à disposition des membres de CPM pour les séances de dépouillement et des Sous-commissions d’Analyse, ouverture des plis etc. Un travail matériel titanesque ne pouvant être fait à satisfaction que par des personnels « surmotivés ». Toujours à titre d’exemple, certaines séances de dépouillement duraient plus de 15 heures de temps et prenaient fin après minuit. Il fallait donc, pendant les séances de dépouillement servir du café et des repas légers. Il fallait tout aussi faire accompagner à leurs domiciles respectifs ceux des acteurs n’ayant pas de moyens personnels de locomotion, pour des raisons de sécurité afin d’éviter des contentieux liés à la mise en jeu de la responsabilité de l’Administration….Comment reprocher au Maître d’ouvrage que j’étais d’avoir récompensé les efforts de ces personnels sans lesquels rien n’aurait pu être fait.
Si on me le reproche, quelle serait alors la marge de manœuvre laissée à un chef de Département Ministériel. ? Et au-delà, les temporaires, le temps de leur engagement, sont réputés faire partie des effectifs du personnel du MINTP.

Pour terminer et faire comprendre que ce que j’ai fait n’a rien de répréhensible, je voudrais faire savoir à l’accusation l’existence de l’Arrêté Conjoint N° 00000226/MINMAP/MINFI signé en date du 06 aout 2013 par le Ministre des Finances et le Ministre Délégué à la Présidence de la République Chargé des Marchés Publics, notamment les dispositions de l’article 5 allouant aux responsables et personnels du MINMAP une indemnité forfaitaire dans le cadre de leurs activités de passation, de suivi et de contrôle des marchés publics. La dotation globale nécessaire à la couverture de cette indemnité est évaluée en fonction du nombre de session à raison de 600.000 FCFA par session pour les Commissions Centrales et Ministérielles et 150.000 FCFA par session pour les Commissions Locales.

Sur un autre plan, la somme de 117 millions retenue comme détournement présumé laisse interrogateur lorsque, à l’analyse, on constate que c’est le montant total des primes allouées pour les trois décisions mises en cause à la fois aux membres des CPM et Sous-commissions ainsi que ces personnels temporaires. Pour avoir le montant du détournement présumé il suffit de faire la sommation des primes dont ont bénéficié ces personnels de sous-catégorie. En faisant cet exercice, je trouve un montant d’environ 12 millions de FCFA.

-Dépenses injustifiées des Comités Interministériels (73.785.000 FCFA). Les Comités Interministériels concernés sont au nombre de deux, à savoir : (1) le Comité Interministériel de Coordination et de Suivi des Études de Faisabilité relative à une Voie de Contournement de la Ville de Douala avec Franchissement du Wouri, crée par Arrêté du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, N°048/CAB/PM du 16 avril 2003 et (2) le Comité Interministériel de Pilotage pour les Travaux de Réhabilitation du Pont sur le Wouri, crée par Arrêté du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, N°054/CAB/PM du 06 juin 2003. Contrairement à ce qu’affirme le Magistrat Instructeur (Dépenses de fonctionnement injustifiées), il s’agit de primes allouées dans le cadre de ces Comités qui étaient placés sous la présidence du ministre EMMANUEL BONDE, Secrétaire d’État au MINTP à l’époque des faits. Selon les Vérificateurs, j’ai servi des indemnités indues à ceux qu’ils appellent les « membres non-statutaires ».

La relecture des Arrêtés du Premier Ministre montre que ces Personnels Techniques du CONSUPE se sont lourdement trompés sur le nombre de personnes composant lesdits Comités. Ce qui n’est quand même pas de nature à rassurer sur les compétences et les capacités de ces Personnels. Ensuite se pose à nouveau le problème de paiement des gratifications aux personnels d’appui. En soulignant que d’une part toutes les réunions des Comités Interministériels se tenaient à Douala alors que tous les Représentants des Départements Ministériels résidaient au siège des Institutions à Yaoundé et d’autre part que ces instances de concertation et d’appui au Maître d’ouvrage ne disposaient pas de personnels propres, la première des facilités a consisté à mettre à disposition, pour chaque session, du personnel d’appui, notamment pour l’accomplissement des tâches matérielles. En outre, et prenant le cas du Comité Interministériel de Pilotage pour les Travaux de Réhabilitation du Pont sur le Wouri, aux termes de l’article 10 de l’Arrêté N°054/CAB/PM du 06 juin 2003
· Alinéa 1 : « Les fonctions de Président, de membre du Comité, de la Cellule Technique et du Secrétariat sont gratuites »
· Alinéa 2 : « Toutefois, le Comité bénéficie des facilités de travail nécessaires à l’accomplissement de ses missions, selon les modalités prescrites par le Ministre des Travaux Publics ».
Ma décision de payer les « per diem » à tous les participants est fondée sur les dispositions de l’article 10 susvisé. Et, a contrario et en vertu du principe de la légalité des peines, le Magistrat Instructeur ne saurait se contenter de parler d’indemnités indues sans dire sur quel texte ils se fondent pour asseoir l’infraction.

Et, enfin, comme pour les primes de session aux CPM, Il est paradoxal que le montant détournement présumé soit égal au montant représentant la somme totale des Décisions concernées. Il me semble qui s’agisse là d’une question de bon sens. Pour être en parfaite cohérence avec eux-mêmes, les Vérificateurs et le Magistrat Instructeur auraient dû alors, pour chacune des Décisions concernées, faire ressortir la quote-part des indemnités perçue par chaque catégorie de membres, afin de savoir le montant total des indemnités indument versées. Cela n’a pas été fait et toutes les conséquences devraient en être tirées la somme de FCFA 73.785.000n’est nullement le montant des « indemnités indues » servies aux « membres non-statutaires » des Comités interministériels.

-Dépenses injustifiées des comptes bancaires (133.433.925 FCA). On me reproche de n’avoir pas présenté les pièces justificatives de dépenses à la mission de contrôle conduite par l’Inspecteur NOLLA BATTA. J’ai lu et relu la demande de renseignements qui m’a été servie, mais rien ne porte sur la gestion des comptes bancaires. Cette accusation n’est donc contenue dans aucun Rapport de Mission des vérificateurs du CONSUPE. Et, si par extraordinaire une telle accusation s’y retrouvait comme par « effraction », je me dois de faire savoir que je n’ai jamais eu l’occasion d’avoir à me justifier, comme le prescrivent les propres textes du CONSUPE en matière de conduite des missions de contrôle et de vérification..

Le compte N° 31 12 510 5 315 100a été ouvert pour recueillir les frais d’acquisition des Dossiers d’Appel d’Offres des marchés relevant de la compétence de la Commission de Passation des Marchés Publics. Ce compte dans lequel je suis accusé d’avoir prélevé la somme de 101.769.795 FCFA sans justification de l’utilisation desdits fonds n’est que l’un des comptes parmi les trois qui ont été ouverts par mes soins, pour la bonne administration. De toute évidence, rien n’explique objectivement que seul ce compte ait retenu l’attention. Cela est un indicateur des manœuvres orchestrées, juste pour enfoncer.

Le compte N° 31 12 501 05 315 100 « MINTP/Soutien Logistique » a été ouvert pour loger la « Provision pour l’Administration » du Marché N° 002/C/MINTP/CPM-TN/2001-2002 avec le Groupement SCETAUROUTE/SCET-CAMEROUN. Ce compte n’a enregistré qu’un seul virement de 22.500.000 FCFA pour des raisons liées à sa clôture. Le temps a passé mais, ayant encore en tête mes dossiers, il est surprenant que le Magistrat Instructeur parle de chèques tirés pour un montant de 31.664.130 FCFA.

Ces 02 comptes ouverts fin 2002 auprès de l’Agence Centrale du Crédit Lyonnais-Cameroun ont tous été clôturés, immédiatement dès la signature et la publication de l’Arrêté N° 124/CAB/PM du 20 décembre 2003, en application des dispositions de l’article 4 (alinéa 2) dudit Arrêté suspendant toutes opérations sur lesdits comptes.

Dans le cadre de l’exécution des dispositions de l’Arrêté, le Ministre des Finances a dépêché des Vérificateurs auprès de toutes les Départements Ministériels disposant de comptes dans les établissements bancaires. Leur mission était de : (i) procéder sur pièces au contrôle de la gestion de chaque compte bancaire ouvert afin de relever des irrégularités de gestion et établir le solde sur la base d’un état de rapprochement bancaire et (ii) récupérer les chéquiers utilisés et non-utilisés ainsi que les pièces comptables, donc les pièces en appui des dépenses faites sur ces comptes. Les comptes présentant un solde créditeur devenait de plein droit des comptes du Trésor.

Dans sa demande de renseignements partielle qu’il m’a adressée en date du 04 novembre 2013, l’Inspecteur d’État Tchock Emmanuel (Rapporteur du CDBF) a dressé 02 tableaux faisant ressortir les références des chèques concernés, les montants et dates de chacun desdits chèques. On dirait qu’il a demandé et obtenu les listings et s’est mis à recopier les chèques qui, à ses yeux, étaient suspects. Au total, ce sont 46 chèques pour lesquels on me demande d’avoir à produire des pièces justificatives de dépenses comme si, en quittant le MINTP le 08 décembre 2004, j’ai emporté avec moi les archives du Ministère. Et, depuis la clôture desdits comptes, il s’est passé un peu plus de 10 ans et je ne sais pas si en matière d’archivage même les banques doivent conserver les documents comptables après un tel délai. Tout cela fait peur, et même très peur de voir que les gens sont capables d’aller jusqu’à ce point et pour faire du mal gratuitement et/ou du moins pour des raisons inavouées.

-Paiement des indemnités pour travaux spéciaux sans pièces justificatives (59.250.000 FCA).En lisant le corps de l’Ordonnance de renvoi on comprend mieux cette accusation puisqu’il est dit que ces indemnités ont été payées à certains personnels du MINTP avec des « pièces justificatives douteuses ». La législation camerounaise en matière des Finances Publiques (Régime Financier de l’État et Régime Général de la Comptabilité Publique) consacre le principe de « la séparation des ordonnateurs et des comptables ». Il convient à cet égard de relever que :
· En matière de dépenses, l’ordonnateur juge de leur opportunité conformément aux objectifs visés par la loi de finances et aux budgets votés, les engage, les liquide et les ordonnance dans la limite des crédits disponibles, et au regard des objectifs des programmes de l’Etat ou des autres organismes publics ;
· Il n’existe pas de lien hiérarchique entre l’ordonnateur et le comptable public.
Je dois pouvoir souligner que des crédits ont été inscrits en 2003 et 2004 au Budget du MINTP pour permettre de servir des primes spécifiques et indemnités pour travaux spéciaux aux personnels non-techniques du Ministère. La presque totalité des « articles » comportaient les « paragraphes » 6268- Primes pour travaux spéciaux et 6269 –Primes spécifiques. En tout état de cause, ce qui est lié au paiement en tant qu’opération comptable et matérielle relève du billeteur ad hoc, comptable public.

-Indemnités de session octroyées aux membres de la Commission de Passation des Marchés Autres que les Travaux Neufs sans justificatifs (16.325.000 FCFA).Il m’est reproché l’absence de « justificatifs consistant en des feuilles de présence aux différentes sessions ». Aux termes de la Réglementation des Marchés Publics (Articles 9 et 10 du Décret 2002/030), d’une part le Président de la CPM est l’ordonnateur du budget de la CPM et d’autre part le Secrétaire de la CPM tient un fichier des marchés examinés par la CPM. En conséquence, les projets de Décisions octroyant les indemnités et primes de session sont élaborés par le Secrétaire, sous l’autorité du Président de la CPM et soumis au Maître d’ouvrage pour signature. Les CPM sont des organes indépendants d’appui placés auprès du Maître d’ouvrage et, les CPM se réunissent sur convocation de leurs Présidents par ailleurs chargés de veiller à leur bon fonctionnement. Le Maître d’ouvrage ne contrôle donc pas ce processus de convocation et de tenue des sessions, se limitant à apporter aux CPM un soutien logistique (locaux, matériels, personnel d’appui etc.).

Ce qui laisse interrogateur c’est lorsque je constate que, pour la même Décision, les faits pour lesquels je dois répondre devant le CDBF, pour la même Décision, sont totalement différents de l’accusation retenue contre moi par le Magistrat Instructeur. Ainsi, pour ce qui le concerne, Mr Tchock Emmanuel (Rapporteur CDBF)et pour cette Décision du 28 août 2003 de montant 16.325.000 FCFA, dans sa Demande de Renseignements partielle datée du 04 novembre 2013 (Page 4 tableau 2), fait ressortir le montant payé d’une part aux « membres statutaires » soit 8.450.000 FCFA et de l’autre côté le montant dont ont bénéficié les « membres non-statutaires » soit 7.875.000 FCFA.

En tout cas, il y a problème et, s’agissant de la question des feuilles de présence, c’est au Secrétaire de la Commission de Passation des Marchés concernée qu’il fallait demander de les présenter en même temps que le fichier des marchés examinés.

– Octroi des indemnités pour travaux spéciaux aux personnels temporaires (4.860.000 FCFA). Les personnels temporaires dans les Administrations Publiques sont un peu comme un balai : on ne le cherche que quand le sol demande à être nettoyé et après on le jette là où personne ne doit l’apercevoir. Leurs rémunérations, payées sur état, varient de 35 à 60.000 FCFA et ce dernier montant qui est au haut de l’échelle est réservé à ceux qui ont Licence et plus. Dans les Commissions de Passation des Marchés du MINTP, quand les « membres statutaires » -pour reprendre l’expression des Personnels Techniques du CONSUPE- ont une indemnité de 3.000.000 FCFA -personne ne conteste et on trouve normal-, les personnels les mieux lotis touchent en moyenne 200.000 FCFA. Et lorsque Ambassa Zang décide, au moins pour l’équité de servir 360.000 FCFA à chacun des personnels temporaires, cela suscite le renvoi devant le TCS.

Ni les Vérificateurs ni le Magistrat Instructeur ne me disent le texte que j’ai violé. Pourtant, en application de la législation camerounaise en matière des Finances Publiques (Régime Financier de l’État et Régime Général de la Comptabilité Publique), en matière de dépenses, l’ordonnateur juge de leur opportunité conformément aux objectifs visés par la loi de finances et aux budgets votés, les engage, les liquide et les ordonnance dans la limite des crédits disponibles, et au regard des objectifs des programmes de l’Etat ou des autres organismes publics. Et lorsque l’on dit qu’ils n’ont pas de compétence requise, je rétorque qu’ils n’ont été recrutés que pour appuyer les CPM (tâches administratives, de bureau, de comptabilité, conduite de véhicules, archivage des documents de marchés, tâches matérielles). La compétence est une notion polysémique mais, en management, la compétence ne peut être appréciée que par rapport aux tâches à accomplir. J’avais par exemple besoin des Archivistes et j’ai recruté deux personnes Diplômés de l’ESSTIC, option « Archivage et Documentation ». J’avais aussi besoin de Secrétaires de Bureau performantes et j’ai recruté 09 personnes ayant soit le Probatoire soit le Bacc G1. Peut-on véritablement affirmer que ces personnels temporaires n’avaient aucune compétence et étaient « sans cursus scolaire » ?

Pour terminer sur les accusations, je voudrais pouvoir faire un dernier commentaire portant sur les indemnités servies aux Membres et personnels d’appui des Commissions de Passation des Marchés. Ces indemnités ne représentent absolument rien par rapport au volume de travail abattu par chaque catégorie d’intervenants ou acteurs dans le processus de passation, de suivi et de contrôle des Marchés Publics. Elles étaient largement méritées et, en termes de bilan l’état des marchés publics passés au MINTP en 2003 et 2004 (sous ma gestion) fait ressortir les statistiques suivantes disponibles à l’ARMP :
· 255 marchés publics ont été en 2003 pour un volume financier de 77 milliards de FCFA
· et, en 2004, 454 marchés ont été passés pour un volume financier de 120 milliards de FCFA
La preuve des performances réalisées est données par le fait que, après mon départ du gestionnaire mis en cause, le Premier ministre, Chef du Gouvernement et Autorité des Marchés Publics s’est vu obligé de prendre deux actes règlementaires pour créer d’autres CPM auprès du MINTP et celles-ci sont ainsi passées de 03 à 05 (Arrêté 136/CAB/PM du 09 septembre 2008 et Arrêté N°10/CAB/PM du 26 juin 2008). Aujourd’hui, il existe en plus des Commissions Ministérielles, régionales et Départementales tout un Ministère délégué à la Présidence Chargé des Marchés Publics. Et le coût de cette réforme, si évalué, ferait tomber à la renverse.

Pourquoi avez-vous choisi de vous soustraire à la Justice en quittant le Cameroun en 2009, alors même que vous auriez bien pu vous défendre comme vos autres collègues…
Oui, mes « autres collègues », comme vous les appelez se sont défendus mais pour quel résultat ? Tous, par le truchement des écrits (ouvrages, chroniques, tribunes etc.) dénoncent des procès non équitables au cours desquels les droits de la défense et les lois applicables en matière par exemple de procédure pénale ont été violés. Pensez-vous, humainement, que leurs cris de détresse, leur désarroi ainsi que les pleurs de leurs familles soient de nature à m’encourager à rentrer affronter la justice de mon pays ? Dans sa requête de saisine de la Cour Africaine des Droits de l’Homme, le Ministre d’État ATANGANA MEBARA soulignait par exemple des « poursuites non-assises sur des charges précises » ; Je suis en train de le vivre présentement.

En fait, on est dans une situation d’insécurité juridique et judiciaire aujourd’hui qui fait que pour un « oui » ou un « non » vous pouvez vous retrouver en prison. Pour parler clairement, l’impression nette qui se dégage est que l’on passe progressivement d’un État de Droit à un État de Non-Droit. Permettez-moi d’illustrer mon propos par mon cas. L’ex-ministre du CONSUPE, piqué par un excès de zèle, s’est empressé de demander courant avril 2009 mon interpellation au Ministre de la Justice. Ce faisant, il a violé les textes de la République consacrant la compétence « rationematerae » du Conseil de Discipline Budgétaire et Financière (CDBF). A la suite de plusieurs requêtes dénonçant cette démarche, le Président a donné des directives au Ministre Henri Eyebe Ayissi de me traduire devant le CDBF. Le Ministre Henri Eyebe A. a signé une Décision datée du 15 octobre 2012 me traduisant devant le CDBF. Le dossier est en phase d’instruction puisque j’ai reçu du Rapporteur de l’affaire (Mr Tchock Emmanuel) 02 Demandes de Renseignements Partielles datées des 20 août et 04 novembre 2013 et des réponses lui ont été adressées par les bons soins de mon Conseil, Maître EBA’A MANGA. Alors que j’attends d’être fixé sur le jour de la tenue de la session du CDBF devant statuer sur mon affaire, j’apprends par journaux interposés mon renvoi devant le TCS sur la base d’accusations de Mr ETAME MASSOMA.

Je rappelle que l’intéressé qui semble en avoir véritablement après moi est coutumier du fait, lui qui avait déjà écrit une lettre datée du 12 octobre 2006 au Secrétaire Général de la Présidence de la République de référence N°000067/PR/CONSUPE/DIAC lui demandant de faire savoir que j’avais payé la somme d’environ 1,04 milliard FCFA à l’entreprise UDECTO au titre de diverses avances pour les travaux de réhabilitation du pont d’Ebebda alors qu’elle était en période suspecte de faillite. Et pourtant, le marché y afférent a été passé en juin 2005, bien après ma sortie du Gouvernement intervenu le 08 décembre 2004.

Quand vous voyez des gens aller aussi loin sans être inquiété – il est Sénateur-, il ne vous reste qu’à prendre vos jambes à votre coup. Je vous ai parlé des poursuites dans le cadre de la réhabilitation du pont sur Wouri. Le Groupement de Bureaux d’Études qui a gagné le marché de la maîtrise d’œuvre pour les études techniques préalables ; le montage du dossier d’appel d’offres ; l’assistance au Cameroun (MINTP) pour l’analyse de la pré- qualification, des offres techniques et financières ; l’assistance pour les négociations et enfin le contrôle de l’exécution des travaux n’a pas été renvoyé devant la barre. Le marché de la maitrise d’œuvre a pourtant coûté au final un peu plus de 2,4 milliards FCA. S’il y a une responsabilité à engager dans cette affaire ‘est d’abord bien celle de e maître d’œuvre. La postérité nous jugera, toutes et tous.

L’opération épervier ne remet-elle pas en cause, tout le régime du renouveau ? Quelques-uns allèguent que la véritable opération épervier, ne commencera qu’après le système actuel, qu’en pensez-vous ?
Célestin Bedzigui a, dans une interview accordée le 16 juillet 2008 à un quotidien de la place, fait observer que l’Opération Épervier « est caractérisée par une forme de sélectivité dans le choix de ceux qui sont investigués, est d’essence absolument politique dans le sens où elle participe d’une logique d’épuration politique ». Pour parler en français facile, il y a deux catégories de Camerounais : les uns qui sont livrés à « l’épervier » et les autres qui en sont épargnés. Et du coup, les Camerounais, avec l’opération Épervier, sont inégaux devant la loi. Pour revenir à votre question, la véritable lutte contre la corruption ne pourra être menée qu’à partir du moment où l’égalité entre les citoyens sera une réalité devant la loi, sans qu’il y ait un « Juge de l’opportunité des poursuites ».

Etes-vous prêt à remettre les pieds au Cameroun, l’un de ses jours…
Je ne suis pas un apatride; Je suis et demeure Camerounais.

Comment entrevoyez-vous l’avenir du Cameroun après Biya ? Beaucoup estiment que notre pays est une bombe à retardement, qu’en pensez-vous ?
J’ai lu un papier il y a quelques jours du DR Mathias Eric Owona Nguini. Je pense que ce papier est une interpellation à toutes et à tous afin que l’on conjure une telle perspective. Et si nous regardons le présent, les ingrédients d’une déflagration du Cameroun se mettent en place petit à petit et je cite quelques exemples : le regain du tribalisme ; la haine et les rancœurs induites l’opération épervier ; la trop grande pauvreté des uns face à la richesse insolente des autres et même etc.

Avez-vous conservé votre carte de membre du RDPC, le parti au pouvoir ?
Les responsables et les membres des organes de base du RDPC de chez moi ne sont jamais allés rendre visite aux miens éplorés. C’est quand on est dans la douleur, la peine et la tristesse que l’on reconnait les siens.

Qu’est-ce qui vous a le plus meurtri tout au long de votre séjour au sein de l’establishment, la rumeur publique dit que la vie y serait rythmée par les crocs-en-jambe et les dénonciations de divers ordres, qu’en dites-vous ?
Les Camerounais sont champions dans l’art du croc-en-jambe mais ce qui m’a meurtri, c’est que je me suis senti repoussé et rejeté quand j’ai été au Gouvernement. Paix à son âme, Charles Ateba Eyene a eu le mérite et le courage de poser les vrais problèmes de notre société. La question de l’influence et de la mainmise des sectes sur les cercles de pouvoir est réelle. J’ai compris que j’étais rentré par « effraction » au Gouvernement et il fallait que j’en ressorte au plus vite. J’ai reçu d’ailleurs des lettres anonymes de gens me disant vertement que j’avais « pris leur place, sans souffrir ». Et, lorsque je suis sorti du Gouvernement, un proche qui me faisait assidument la cour pour que j’’adhère à leur ordre m’a lancé sur la face : « Si tu avais été avec nous, ave ton intelligence et le travail abattu au MINTP, tu n’aurais pas été jeté dehors comme un chat pourri ».

Le Cameroun est-il sur la voie de l’émergence ? Sinon, que faut-il faire…
Vous me faîtes sourire en me posant cette question car j’avais déjà eu à exprimer mon avis, ce qui m’a d’ailleurs valu des foudres comme si je n’avais pas le droit de dire ce que je pense. Voyez-vous, j’ai fait partie des 04 Députés par le Président de l’Assemblée pour aller prendre part à « l’atelier de consultation nationale sur la formalisation de la vision de développement à long terme du Cameroun » organisé par le MINEPAT au Yaoundé- Hilton le 04 mars 2009. Dans la note rédigée à l’attention du PAN datée du 12 mars 2009 et je vous donne mon avis tel que je l’ai exprimé :
« La démarche du MINEPAT est louable, certes, mais elle semble assez difficile à être jugée pertinente et réaliste pour différentes raisons qu’il serait fastidieux d’évoquer ici ; Nous voulons simplement relever que, selon les enquêtes réalisées par

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