Cameroun – Mis à mort par Ahidjo pour sa bonne foi: Ernest Ouandié, de maquisard à Héros National

Beaucoup de camerounais ne connaissent pas ce nationaliste de leur pays qui a payé de sa vie pour l’ « indépendance immédiate et totale » de son pays.[pagebreak] Et pour cause, son histoire n’est pas enseignée dans les écoles et universités du Cameroun alors qu’il trône sur la liste très sélective des héros du pays depuis le 16 Janvier 1991.
Comment expliquer pareil paradoxe ? Qu’est-ce qui empêche nos historiens à se pencher sur la vie de cet homme comme sur celle de nombreux autres héros ou nationalistes Camerounais ? Comment comprendre que de jeunes Camerounais puissent parler des Napoléon Bonaparte, Jeanne d’Arc, Charlemagne et ignorer tout ou presque des Douala manga Bell, Adolf Ngosso Din, Wilhem Madola, Ruben Um Nyobè et autres en plein 21ème siècle. Faut-il croire que les Camerounais ont honte de leurs héros ? Ces questions et bien d’autres restent sans réponses tant que dans nos écoles et nos universités, l’on n’apprendra pas à nos enfants, l’avenir du Cameroun, qu’ils ont eu de valeureux ancêtres qui ont combattu ou qui ont eu la témérité de s’opposer à l’occupant Occidental en dépit de leur faiblesse en armes de combat. Et Ernest Ouandié est de ceux-là.

Qui est Ernest Ouandié ?
Né en 1914 à Ndumla dans l’arrondissement de Bana, actuel département du Haut-Nkam, il est le 5ème enfant du couple Djemo et Kapsu. Djemo son
père, était polygame de trois femmes.
Ouandié signifierait « qui est dans la maison » ou « qui est en sécurité ». Il n’a connu qu’une vie de frustrations et ce, depuis l’âge de 13 ans, lorsqu’en 1927, son père Djemo est déporté aux travaux forcés dans les plantations de café des colons français et renvoyé en 1929, soit près de 02 ans hors de sa famille en 1929 pour maladie. A son retour, Djemo s’installera à Bangou dans l’actuel département des Hauts-Plateaux dont on dit qu’il était originaire.
Après ses études primaires, Ernest Ouandié optera pour le métier d’enseignant et en même temps, entrera en politique. Cette entrée en politique lui vaudra de nombreuses mutations dans le pays, disciplinaires pour les uns mais surtout politiques pour les militants de l’Union des Populations du Cameroun (UPC).

Il aura enseigné et même dirigé des écoles publiques du pays.
Ernest Ouandié, le militant et l’enseignant De 1944 à 1948, alors qu’il enseigne à Edéa dans l’actuel chef-lieu du département de la Sanaga-Maritime, Ernest Ouandié adhère et milite au sein de l’Union des Syndicats Confédérés du Cameroun (USCC). En 1948, il rejoint les rangs de l’Union des Populations du Cameroun (UPC) qui, à cette date, est toujours un syndicat mais alors un syndicat très fédérateur et par conséquent très populaire. Il demeurera militant de l’UPC jusqu’à sa mort en 1971 après en avoir été président à la mort de Félix Roland Moumié, assasiné par les services secrets français à Genève en Suisse le 03 Novembre 1960.
C’est en Septembre 1952, lors du 2ème congrès de l’UPC tenu à Eséka dans l’actuel département du Nyong et Kellé qu’Ernest Ouandié est élu vice-président de l’UPC chargé de l’organisation et directeur de La voix du Cameroun, un organe de presse et de liaison de l’UPC.
Du 29 Juillet au 12 Septembre 1954, il effectue un voyage en Chine et du 09 au 15 Août 1954, il assiste au Congrès Mondial de la Jeunesse Démocratique
puis séjourne à Paris et à Moscou.
Ernest Ouandié, connu de ses camarades militants sous le pseudonyme de « Camarade Emile » sera affecté le 07 Octobre 1948 à Dschang dans l’actuel
département de la Menoua. Un mois plus tard, le 06 Novembre 1948, il est muté à Douala comme Directeur de l’Ecole Publique New-Bell Bamiléké.
En septembre 1953, il est à nouveau muté successivement à Doumé dans la région de l’Est puis à Yoko dans l’actuel Mbam et Kim dans la région du Centre. De Yoko, il implante l’UPC dans le Mbam. Un an plus tard, en Décembre 1954, il est affecté à Batouri puis à Bertoua dans la région de l’Est et le 29 Janvier 1955, il est à nouveau rappelé à Douala où le Haut-Commissaire Roland Pré entend avoir la main-mise sur les dirigeants de l’UPC en les regroupant dans la capitale économique. Cette idée ne lui sera pas favorable car elle contribuera à resserrer les rangs de l’UPC et à renforcer leur volonté d’obtenir une « indépendance totale et immédiate du Kamerun ».
A Douala, Ernest Ouandié forcera l’admiration du public lorsque Léopold Sédar Senghor, l’agrégé de grammaire est envoyé par l’administration coloniale pour venir demander aux Camerounais d’abandonner la revendication de l’indépendance. A la Salle des Fêtes d’Akwa où avait lieu la rencontre, Ernest Ouandié fit part à l’illustre hôte de la volonté du peuple Camerounais d’accéder à la souveraineté et à l’autonomie et acculé littéralement ce dernier.
Face à cette intransigeance de l’UPC, le colon Français ne trouva d’autre mesure dissuasive que la dissolution de ce mouvement. Ce qui le fit entrer dans la clandestinité et il s’en suivit une vague quasi nationale de repression dans différentes villes du pays. L’on assista alors à un genocide qui ne dit pas son nom et que les autorités françaises se refusent encore de reconnaitre jusqu’à ce jour. Combien de Camerounais sont morts au cours des différentes opérations de repression menée par l’armée coloniale ? Des dizaines, des centaines de milliers ? Difficile de répondre à cette question car, sous le prétexte de pourchasser des maquisards qui, au demeurant n’avaient pas d’armes mais avaient réussi à s’en procurer en tuant quelques militaires français avec des flèches et des lances lors des embuscades comme celle de Song-Mbenguè dans la Sanaga-Maritime, les militants de l’UPC réussissaient quelques coups d’éclat mais sans grande portée dans une guerre asymétrique. Les velléités des militants de l’UPC d’acquérir des armes n’avaient jamais porté de fruits à l’instar de Félix Roland moumié qui sera assassiné pendant qu’il négociait l’achat desdites armes.
Ernest Ouandié s’exilera par la suite à Kumba – ancien Cameroun Britannique- puis à Khartoum au Soudan, au Caire en Egypte, à Conakry en Guinée
et à Accra au Ghana. Il aura été à la tête de l’Armée de Libération Nationale du Kamerun (ALNK) avec laquelle il avait organisé ds insurrections dans les régions de l’Ouest et du Littoral.
Monseigneur Albert Ndongmo tentera une médiation de réconciliation entre lui et l’administartion Ahidjo. Celle-ci promettait la vie sauve à Ernest Ouandié au cas où il se rendait. Ce qu’il fera le 19 Août 1970 en se rendant au commandant de brigade de Mbanga dans le Moungo et le 26 Décembre 1970, il sera jugé par un tribunal militaire pour atteinte à la sûreté de l’Etat et complot contre le Président Ahidjo dans une parodie de procès où ses avocats venant de France et de Grande-Bretagne avaient été interdits de séjour au Cameroun. Ce procès, retransmis en direct sur les ondes de Radio Cameroun, actuelle Cameroon radio and television corporation (CRTV), suscitera l’émoi des populations qui accepteront sans réchigner ni même protester la condamnation à mort des accusés. Ernest Ouandié sera fusillé pour ne pas dire assassiné le 15 Janvier 1971 à Bafoussam, sur la place publique et inhumé sur le terrain de l’Eglise Evangélique de Bafoussam Plateau où sa famille lui a érigé une tombe qui, malheureusement, avait été profanée comme celle de Félix Roland Moumié quelques années plus tôt, en 1999.
Ernest Ouandié est mort pour avoir fait confiance en un Ahidjo qui ne tenait pas toujours à sa parole et qui, malheureusement pour lui et comme pour expier ses péchés, est allé mourir loin de sa patrie et l’on est surpris aujourd’hui d’entendre des voix s’élever pour demander le rapatriement de sa dépouille, au mépris de tout le mal qu’il a fait au peuple Camerounais pour défendre les intérêts de ses « maîtres » Français.

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