Cameroun: La commission de la carte de Presse dans l’étau de la suspicion

La corporation des journalistes reste sceptique quant à la capacité de cette commission à assainir leur profession, au vu de ses piètres performances naguère. La désignation 18 mai dernier par le ministre de la Communication, à la faveur d’un arrêté nommant les membres de la Commission de délivrance de la carte de presse, n’est point passée inaperçue. Au sein de la corporation des journalistes, moult interrogations taraudent les esprits. Entre autres, qui bénéficiera de cette fameuse carte de presse ? La Commission pourra-t-elle relever le défi d’assainir le milieu de la presse ? Deux préoccupations reviennent de façon récurrente, et qui ne sont ni plus ni moins l’extériorisation d’une déception jadis. « [i]Cette commission n’est pas nouvelle ; par le passé, elle n’a pas contribué à purifier la presse. C’est juste une commission mise sur pied par le ministère de la communication. Elle n’impose pas les règles du jeu, elle ne conditionne non plus la création et le fonctionnement de la presse camerounaise[/i] », souligne Christian Lang, Journaliste à Repères. Précisément, en faisant un effort de mémoire, l’instauration de la carte de presse en 2002 visait la dératisation de la corporation. Un milieu qui était devenu le nid, des journalistes d’un autre genre dont le statut était un mobile étonnant de chantage. La mise sur pied de cette commission, ne fut que désillusion. A la grande surprise des journalistes, ce précieux sésame dont on attribué des vertus désinfectantes avait amplifié le mal. Plusieurs usurpateurs, devant une commission constituée de professionnels supposés aguerris, avaient réussi l’exploit de se faire établir une carte. Résultat des courses, ladite pièce a été aussitôt l’objet de dérision.
Treize ans après, la situation n’est pas moins inquiétante. Le 30 avril dernier, la fondation allemande Friedrich Eberg publiait les résultats d’une enquête sur le fonctionnement des médias au Cameroun. D’après la troisième édition du «[i] baromètre des médias au Cameroun[/i] », le constat est sombre. L’enquête fait observer que le contexte médiatique est miné par « un comportement peu professionnel et corruptible des journalistes. Qui modifient le contenu de leur article moyennant finances ». Bien plus, le vocable « journaliste » est sujet à de nombreuses imprécisions. Du coup, « les maîtres-chanteurs sont plus nombreux que les bons journalistes », regrettaient les experts.
En exhumant cette Commission, les nouveaux membres une fois l’équipe totalement composée, devront sans doute travailler avec diligence afin d’éviter de tomber dans les travers de leur prédécesseur. Aura-t-elle véritablement la capacité de démêler l’écheveau? A tort ou à raison la corporation ne s’en extasie guère. « [i]Toutes choses prises ensemble, ce n’est pas avec la commission de délivrance de la carte de presse qu’on pourra sortir les rats de la profession de journaliste au Cameroun[/i] », révèle Melanie Betebe Mbia, Journaliste à la Crtv. Et pour cause, la presse camerounaise comme l’affirme si bien Christian Lang, « [i]épouse les contours de la configuration sociopolitique du pays avec ses réseaux, ses batailles, ses guerres d’intérêt et ses alliances et couloirs de positionnement[/i] ». Et la consœur de la Crtv, d’émettre le vœu de voir les journalistes, les vrais, s’approprient la commission, pour qu’enfin les choses commencent à bouger.

Luc Justin Kamguia, 237online.com

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