Voici pourquoi la France ne peut pas gagner une confrontation militaire directe avec le Cameroun au Cameroun





COMPARAISON AVEC LA COTE D’IVOIRE
C’est en comparant les nouveaux accords de défense entre la France et deux pays africains comme la Cote d’Ivoire et le Cameroun, qu’on peut déduire que celui avec le Cameroun était un vrai accord de divorce depuis 1916, date de la première présence de la France sur le sol Camerounais au beau milieu de la première guerre mondiale contre l’Allemagne.[pagebreak]Côté ivoirien, il s’agit de l’accord que le président Gbagbo ne voulait pas signer, ce que le nouveau pouvoir à Abidjan a été très heureux de faire dès son arrivée au pouvoir en 2011. C’est par communiqué de l’Ambassade de France à Abidjan le jeudi 17 novembre 2011 que nous sommes informés que la veille, le nouvel accord de partenariat de défense a été parafé entre le nouveau Premier ministre et ministre de la Défense, Guillaume Soro, et l’ambassadeur de France, Jean-Marc Simon. Au premier chef, on constate que ces accords confirment le maintien des troupes françaises sur le sol ivoirien, même si leur effectif est réduit de moitié, passant ainsi de de 700 militaires à 350. Cette réduction aurait pour origine des raisons économiques : la France n’a plus les moyens de tenir beaucoup de militaires dans le pays. C’est en tout cas ce que dit le texte. Mais ce qui attire notre attention est la raison évoquée pour cette présence : « Une présence militaire pour assurer la protection des ressortissants français en cas de crise, mais aussi pour former les forces ivoiriennes. » La question que même nous les « pousseurs et benskineurs (moto-taximen)» ne pouvons ne pas nous poser est celle-ci : pourquoi la France a-t-elle besoin d’une base militaire à Abidjan pour la sécurité des Français dans ce pays alors qu’elle n’en ressent nullement le besoin au Cameroun ? Pourquoi pas une base au Vietnam ou au Cambodge ou encore en Inde ? Les Ivoiriens sont-ils si dangereux ?

La réponse est que la base militaire française en Côte-d’Ivoire est la preuve-même de l’amateurisme de plusieurs générations de politiciens français, incapables de comprendre que la vraie guerre est aujourd’hui économique et non militaire. S’il y a 10 ans on avait demandé à un Ivoirien ce qui dans sa maison provenait de France, il aurait estimé un pourcentage de 80%. Aujourd’hui, ce pourcentage est ravi par la Chine avec ses produits moins chers et cette dernière n’a nullement besoin de poster une base militaire à Abidjan pour gagner cette bataille économique.

En 1963 pour participer aux sommets de création de l’Organisation de l’Unité Africaine, deux chefs d’Etat Africains, Léopold Sedar Senghor du Sénégal et Houphouët Boigny de Côte d’Ivoire, vont effectuer un trajet bizarre. Le premier fera un Dakar-Paris et Paris – Addis-Abeba alors que le second fera un Abidjan-Paris et un Paris Addis-Abeba. Quelles sont les instructions que ces 2 chefs d’Etat ont reçues du Président Français, le Général De Gaulle ? Il est difficile de le savoir. Ce qu’on sait en revanche, c’est qu’à la surprise générale, ce sont les deux chefs d’Etat qui seront les plus farouches opposants de Kwame Nkrumah qui proposait une fédération africaine immédiate avec un Premier Ministre pour toute l’Afrique. Alors que sous l’impulsion du président égyptien Nasser, tout le monde semblait s’accorder sur le fait que les frontières des états africains ont été conçues et créées pour fragiliser les Africains, Senghor et Houphouët exigeront et obtiendront comme condition préalable à leur participation à l’OUA qu’il soit inscrit dans la charte : « l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation »

En 2012, 49 ans après, un autre président africain, pour se rendre à sa première participation à la 18ème rencontre annuelle de l’Union Africaine du 25 au 30 Janvier 2012 dans la capitale éthiopienne, doit passer par Paris se faire briefer ce qu’il doit faire et dire à Addis-Abeba. Il s’agit du nouveau président ivoirien, Ouattara, intronisé par Nicolas Sarkozy, unique chef d’État européen présent à la prestation de serment.

Nous sommes le mercredi 25 Janvier 2011. Le chef d’Etat Ivoirien Ouattara atterrit à l’aéroport Orly de Paris où l’attend au pied de l’appareil Claude Guéant, ministre français de l’intérieur. A son arrivée, voici ce qu’il déclare dans une interview au quotidien français « Le Monde » :

«Je viens d’abord remercier le président Sarkozy et son gouvernement pour l’intervention menée en avril (2011) en Côte d’Ivoire […] La France doit rester dans notre pays plus longtemps et de manière plus substantielle.»

Ces propos seront repris presque mot par mot le lendemain jeudi 26 janvier 2012 dans la signature de ce qui sera appelé « accord de défense et de sécurité » rénové, validant donc 2 mois plus tôt la signature de l’accord de défense par le Premier Ministre et Ministre de la défense Guillaume Soro prolongeant la mainmise française sur le pays depuis 50 ans.

POURQUOI PAUL BIYA EST-IL DANS LE COLLIMATEUR DE PARIS ?
Lorsqu’on compare ne serait-ce que le cadre de signature des nouveaux accords de défense entre la France et la Cote d’Ivoire, nous sommes très loin de l’accord basique avec le Cameroun que nous avons étudié dans la première partie. Alors que Paul Biya a refusé de se rendre à Paris pour la signature de l’accord avec le Cameroun, contraignant le Premier Ministre français à effectuer le déplacement à la place de Nicolas Sarkozy, peut-on négocier un accord en situation de faiblesse ?

Voici le titre de la dépêche de AFP, publié le 25 janvier 2012 pour annoncer cette visite : « Ouattara vient à Paris dire merci et signer un nouvel accord de défense ». Tel est le titre qui sera à la une de nombreux journaux et hebdomadaires français comme L’Express qui peuvent ainsi célébrer avec leur une la subalternité des Africains par rapport au maître blanc. Car le rapprochement de ces deux concepts : « Merci » et « Signature d’un accord » résume à lui seul les rapports de maître et esclave ayant caractérisé les relations entre la France et ses anciennes colonies pendant 50 ans.

Au Cameroun, il y a une autre stratégie qui a été utilisée : avant d’engager le rapport de force pour la signature du nouvel accord, les dirigeants du Cameroun ont mis dans la balance tout le poids du rapprochement avec la Chine. On a ainsi assisté au voyage vers la Chine de Paul Biya accompagné par tous les ministres de son gouvernement. Un gouvernement dont certains membres étaient pourtant largement acquis à Paris, allant jusqu’à pousser Paul Biya à ne plus faire de Conseil de Ministres, puisque de toutes les façons, Paris était au courant de tout ce qui avait été décidé avant même la fin de la réunion, fragilisant de fait toute approche d’autonomie par rapport à Paris. Qu’à cela ne tienne, la décision de déplacer vers la Chine toute cette équipe gouvernementale a eu comme principal impact psychologique, l’acceptation par Paris d’un éloignement de son pré-carré d’un pays qui a été toujours frondeur vis-à-vis de la France depuis la période de l’occupation coloniale française.

LE BILINGUISME COMME ARME STRATEGIQUE
Presque tous les Camerounais sont fiers de se proclamer bilingues, parlant indifféremment le français et l’anglais. Ce qu’ils sont loin de se douter est que ce bilinguisme a été utilisé pour limiter l’influence de la France au Cameroun. Ce qui agace le plus à Paris est que le pays africain dit francophone qui compte le plus grand nombre de penseurs reconnus sur la scène internationale et qui aurait pu faire la gloire de l’institution de la francophonie est paradoxalement celui qui refuse de promouvoir la langue française, à la place de l’anglais dans toutes ses institutions. Pour Paris, la majorité des Camerounais parlent français, alors pourquoi donc la télévision publique CRTV peut-elle consacrer la moitié de son journal et de ses émissions à la langue anglaise ? Pourquoi tous les documents officiels doivent-ils être systématiquement écrits en français et en anglais alors que les anglophones ne dépassent pas 10% de la population ? La conséquence est que depuis 10 ans, il existe une réelle volonté politique de limiter la langue française. Dans la capitale camerounaise, il y a eu une augmentation exponentielle des écoles dites bilingues, mais qui de fait orientent les enfants dès leur jeune âge vers la langue anglaise.

5- LA FRANCE PEUT-ELLE UTILISER BOKO HARAM POUR DÉSTABILISER LE CAMEROUN ?
La réponse est décidément non. Les erreurs stratégiques de la France en Syrie sont encore si chaudes là où la France a financé et armé un groupe terroriste (l’Etat Islamique) qu’elle veut aujourd’hui combattre en Irak. Ils ont finalement compris que ces personnes sans foi ni loi qui ont servi le désir de Hollande de tuer Bachar el-Assad (ce sont les mots de Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères), sont une arme à double tranchant qui tôt ou tard va se retourner contre son donneur d’ordre, la France. Les techniques de financement de Boko Haram sont connues : on séquestre un Français qui se trouvait par hasard au nord du Cameroun, ou un prêtre français qui a fui la France où il manque cruellement de prêtres pour aller au Cameroun, non pas là où sont concentrés les chrétiens, c’est-à-dire au sud du pays, mais dans le nord à majorité musulmane. Et ensuite la France, pour les libérer, verse une rançon de plusieurs millions d’euros au groupe terroriste qui peut ainsi garantir sa santé financière sur le long terme et s’offrir même la complicité de certaines personnalités locales. Mais c’est une initiative qui n’a aucune chance de réussir, parce que le Nigeria ou le Cameroun ne sont pas la Syrie ou l’Irak. Israël avait contribué à créer le Hamas pour fragiliser Yasser Arafat et l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP), mais ils se sont retrouvés au final un Hamas étant de loin l’ennemi le plus dangereux d’Israël qu’on voulait combattre.

Aujourd’hui, il y a le volet financier. En guerre, celui qui attaque doit dépenser au moins 100 fois plus que celui qui se défend. Et si ce dernier est sur son propre territoire avec un minimum d’entraînement et d’équipement adéquats, il faut multiplier la contrepartie des coûts pour l’assaillant au moins par 10 encore. Et pour l’instant, les problèmes financiers de la France ne lui permettent pas de s’engager dans une aventure militaire suicidaire au Cameroun. Surtout que le Cameroun n’est pas le Mali, et encore moins la Centrafrique.
Sur le plan militaire, les nouveaux équipements russes permettraient de venir à bout de l’occupant français en très peu de temps, parce que les hélicoptères de combat français ne sont pas adaptés au terrain camerounais.

LES STRATÈGES FRANÇAIS SONT-ILS DES CANCRES, MÉDIOCRES EN ARITHMÉTIQUE ?
Au cours préparatoire, c’est à dire à nos enfants de 6 ans on enseigne en arithmétique que 1+1 = 2 ; 2+2 = 4 ; 4-3 = 1. À partir du CM1, c’est-à-dire à nos enfants de 9 ans, on y ajoute des « problèmes » un peu complexes du style : en élevant 10 poules auxquelles je donne chaque jour 5 litres d’eau, si j’en vends 4, combien m’en reste-t-il ? Et combien de litres d’eau par jour aurai-je donc besoin pour nourrir le restant des poules ? Réponse des enfants : Il restera 6 poules. Et pour les abreuver, il faudra 3 litres d’eau chaque jour.

Vous ne me croirez pas et je vous donne raison, mais c’est pourtant à ce genre de problèmes que les stratèges de l’armée française ont récemment obtenu un zéro pointé. En tout cas, ce zéro n’a pas été attribué par un pauvre et insignifiant camerounais, ex-pousseur et vendeur d’arachides à la sauvette comme moi, mais par ce qu’ils appellent là-bas en France « les Sages de la Rue Cambon » ou prosaïquement appelé la Cour des Comptes. Cette dernière, dans son rapport rendu public le 15 octobre 2013, nous dresse l’état comptable et financier lamentable d’une armée française sans réelle visibilité stratégique pour l’avenir, où personne ne contrôle ni ne maîtrise plus rien du tout.

Nous sommes en 2008 durant la présidence de Nicolas Sarkozy qui en pleine crise économique, décide de mettre l’armée à contribution en baissant son budget de 1,1 milliard d’euros durant son quinquennat. Il pose alors la question aux stratèges économistes du Ministère français de la Défense en ces termes : de combien devrais-je réduire l’effectif de l’armée française si je veux réaliser une économie de 1,1 milliard d’euros ? Réponse : de 23 000 militaires en 2 ans. Le président l’approuve et de 2009 à 2011, il va réussir à baisser l’effectif de l’armée française de 23 000 unités. Et de combien était l’économie ? Je vous garantis que je ne mens pas : non seulement il n’y a pas eu d’économie, mais en plus, les dépenses ont augmenté d‘1 milliard d’euros. Comment ont-ils pu se tromper à ce point aussi grossièrement ? C’est simple. Ils ont confondu la « moyenne » et la « médiane ». On n’a pas besoin d’aller à l’université pour l’apprendre. Je l’ai appris en statistiques en classe de seconde BG au lycée technique de Douala. Ils ont juste fait la moyenne des salaires et ont coché sur une liste au hasard des noms de militaires à renvoyer, alors qu’ils auraient dû utiliser la médiane pour déterminer le salaire pour lequel la moitié des effectifs gagne au-dessous, et l’autre moitié gagne au-dessus de cette valeur. Cela aurait tout simplement permis de se rendre compte qu’il ne servait à rien de réduire le nombre de militaires même de 23 000 unités en ciblant uniquement ceux en dessous de cette médiane, car cela n’aurait en rien fait changer le chiffre qu’on voulait affecter. En d’autres termes, ils ont diminué de 23 000 les militaires de bas rang que l’on appelle ici au Cameroun les Sans Gallon. La somme de leurs salaires était plutôt minable. C’est une erreur de débutants.

Cette erreur de médiane peut justifier que les dépenses ne diminuent pas autant que prévu, mais pas qu’elles augmentent. Oui, c’est vrai. Sauf que les stratèges français ont commis une autre erreur très grave, ce qui est impardonnable lorsqu’elle est faite par des personnes qui travaillent pour les forces armées d’un pays. Le président Sarkozy a en toute bonne foi fait confiance à ses meilleurs experts. Et c’est là que se situe le problème de la qualité des meilleurs experts français dans le domaine militaire. Un militaire, avant d’entrer en guerre, est supposé tenir compte de tous les paramètres et de les analyser méticuleusement. Malheureusement, dans cet exemple, ces experts français ont fourni à leur président une analyse tronquée et erronée d’une information capitale : dans les rémunérations des militaires français, il existe une sorte de mafia appelée primes. Elles sont au nombre de 174 différentes et personne n’y comprend rien du tout. En plus, cette manigance concerne 38% de la masse salariale des militaires français. Il n’est pas toujours clair pourquoi un militaire bénéficie d’une prime et son collègue non. Ce qui fait dire à la Cour des comptes, dans la conclusion de ce rapport à la mi-octobre 2013 :

« Le système indemnitaire des militaires français est trop complexe, peu lisible et difficilement contrôlable […] Un toilettage des primes pour supprimer celles qui n’ont plus de raison d’exister s’impose. En outre, il conviendra de mettre fin à un certain nombre de pratiques contestables. […] Aucune analyse complète n’a été réalisée depuis 2009, ce qui est préjudiciable à la maîtrise de la masse salariale. […] En outre, la multiplicité des primes entretient une dynamique inflationniste et induit un coût de gestion. Intrinsèquement, l’absence de visibilité du régime indemnitaire et la difficulté de vérifier la réalité de certaines primes rendent le système hors contrôle ».

Mais ces problèmes, nos stratèges français le savaient-ils ou non ?
Que la réponse à cette question soit oui ou non, cela n’augure rien de bon. Ce dont j’ai plutôt peur est qu’en cas de guerre entre la France et le Cameroun, ces stratèges envoient les militaires français bombarder Downing Street, le siège du premier ministre britannique où réside un certain Cameron. Parce qu’ils auront tout simplement confondu « Cameroun », le pays, avec « Cameron », l’homme, le premier ministre du Royaume-Uni. Et même s’ils trouvaient la bonne cible, seraient-ils en mesure d’en évaluer les capacités défensives et surtout les intentions offensives ? C’est pourtant ces deux mots magiques qui sont inscrits dans l’acte de renvoi avec lequel le commandement américain, l’US Marine Corps (USMC) a utilisé comme motif, le 30 septembre 2013, pour expliquer le licenciement de 2 de ses meilleurs généraux, les majors généraux Charles Gurgan*us et Gregg Sturdevant. Ils se sont trompés de calculs et de jugement lorsque dans la nuit du 14 au 15 septembre 2012, un commando de 12 talibans avait réussi à s’infiltrer et détruire 6 des très couteux avions de combat Harrier (plusieurs centaines de millions de dollars), dans le camp Bastion en Afghanistan, où séjournaient 28 000 soldats de l’Otan dont le prince Harry, qui certainement ronflait à cette heure tardive de la nuit. Ces deux généraux avaient trop fait confiance à leur présumée supériorité militaire sur de soi-disant talibans primitifs vivant dans des grottes afghanes. Ils avaient tout misé sur leur matériel militaire et de sécurité qui sont les plus coûteux et les plus sophistiqués au monde, matériel parmi lequel on peut citer des capteurs allant des caméras thermiques aux radars de détections de mouvement, on pourrait aussi y ajouter des miradors. Mais ils avaient oublié d’y inclure d’autres variables comme les renseignements humains. En guerre donc, le plus puissant n’est pas toujours capable de faire plier le plus faible, surtout s’il s’embrouille dans des petits calculs d’arithmétique élémentaire.

QUE VAUDRAIT L’ARMÉE FRANÇAISE AU CAMEROUN ? UNE ARMÉE BOUT DE FICELLE !
L’armée française dans un pays sans véritable force armée comme la Centrafrique est une armée « bout de ficelle », ce n’est pas moi qui le dis, mais le colonel Jacques Bessy, Président de l’Adefdromil (une association des gradés de l’armée française à la retraite, créée en 2001), dans une interview diffusée le 22 avril 2014 sur les ondes de la radio publique française en continu France-Info. Ils parlent au nom des soldats, car le droit de réserve leur interdit de parler ou de se plaindre de leurs conditions déplorables de travail. Voici ce que le colonel Jacques Bessy déclare à France-Info pour décrire les conditions lamentables de l’armée française en Centrafrique :

« Les fantassins ne réclament pas grand-chose finalement. Juste du matériel qui tient la route, des équipements – des radios par exemple – qui fonctionnent. C’est clair que la plus grosse inquiétude porte sur le matériel roulant. Les véhicules de l’avant blindé sont fatigués, en fin de vie. Souvent, quand les pièces s’usent, il faut désosser deux véhicules pour en faire un seul. C’est ce qu’on appelle la cannibalisation du matériel. Tout cela alourdit les opérations et cela mine le moral. C’est grave, car le moral, c’est capital dans une armée en opération. Sans le moral, il y a une baisse de vigilance, et c’est là qu’on augmente le risque de se laisser surprendre ».

Sur Facebook, ce sont leurs familiers qui prennent le relai de l’Adefdromil et parlent pour eux. Voici 4 témoignages de mères de militaires français opérant en Centrafrique, recueillis par la même édition de France-Info:

a) « Nous, les familles, on en a assez d’être toujours dans une inquiétude qui n’est pas forcément justifiée. Oui c’est leur choix d’avoir embrassé cette carrière. Mais ils n’avaient pas signé pour de telles conditions d’intervention. Ce sont nos enfants, nos maris, nos frères, des hommes courageux. Ils sont dignes de disposer d’un meilleur matériel et de conditions décentes de vie sur le terrain. Moi, comme beaucoup de Français, je paye des impôts et je me demande où passe l’argent alloué à la défense »
b) « Nos garçons racontent qu’ils doivent frapper très fort le démarreur avec une barre de fer pour essayer de faire repartir ces VAB (véhicules de l’avant blindé). Quelquefois, cela fonctionne. Quelquefois pas. Et il faut espérer qu’à ce moment-là, ils ne soient pas pris pour cible par des insurgés. On sait que les mécanos commandent souvent des pièces qui n’arrivent jamais. Car ce sont des modèles de pièces épuisés ou parce que tout simplement, il n’y a pas l’argent. Mes fils me disent parfois qu’ils ont le sentiment qu’un jour on finira par leur demander d’aller au front avec un bâton »
c) « Dès son arrivée, voyant qu’il devait dormir sous la tente sans climatisation, mon fils a fait comme quantité de soldats là-bas. Il est allé au marché de Bangui et il s’est acheté son propre ventilateur pour que ses nuits soient plus supportables. Il l’a payé avec son propre argent. C’est le cas d’ailleurs aussi pour beaucoup de ses affaires : son gilet à poches, ses chaussures, son sac à dos. Tous ces équipements-là, il les a achetés sur Internet ou dans des boutiques spécialisées en France. Car les équipements qui leur sont fournis par l’armée sont de mauvaise qualité. Ces sont des ‘premiers prix’, les coutures cèdent, les semelles se décollent, ça n’est pas fiable pour une mission de plusieurs mois à l’étranger », et l’éditorialiste de la radio France-Info d’ajouter comme une fatalité : « On se souvient aussi de la polémique sur les chaussures dont les semelles fondaient au contact du sol au nord Mali ».
d) « On circule dans des véhicules sans blindage dans des zones pourtant sensibles. Alors on fait avec les moyens du bord : on prend des gilets pare-balles et on les déplie sur les portières en guise de protection. À l’arrière, là, on met des sacs de sable pour arrêter les balles. »

Dans la « Question écrite » n° 11410 adressée au Ministre français de la Défense du député UMP de Val-de-Marne Christian Cambon, après avoir séjourné les 14 et 15 avril 2014 avec l’armée française en Centrafrique, voici ce que dénonce le parlementaire, au sujet des conditions de vie « très précaires » de ces soldats français qu’il a rencontrés en Centrafrique :

« Leurs repas sont rarement chauds et restent très frugaux. Ils ont peu d’espace disponible au camp et deux douches sont en fonctionnement pour tout le camp (de M’Poko). Il n’y a pas de moustiquaires sauf pour l’hôpital alors que la saison des pluies favorise la prolifération des moustiques et le risque de paludisme. Le matériel médical est contingenté pour des soldats soumis aux piqûres d’insectes, aux infections et à des désordres intestinaux. Les conditions sont moins difficiles que dans les camps de réfugiés, mais une armée comme celle de la France ne doit pas faire subir de telles contraintes à ses soldats. « 

Comme on peut bien le constater, ces conditions précaires ne sont même pas dues à des raisons financières, mais plutôt de la difficlté d’adaptation d’une armée étrangère sur un terrain qui n’est pas le sien. Essayez de transposer la même armée de Centrafrique vers le Cameroun pour combattre le BIR (Brigade d’Intervention rapide) du Cameroun. On n’a pas besoin d’être un stratège militaire pour savoir comment cela va se terminer : une défaite lamentable de la modeste armée française.

LES FORCES DE L’ARMÉE CAMEROUNAISES SONT-ELLES PRÊTES POUR UNE ÉVENTUELLE CONFRONTATION AVEC LA FRANCE ?
Pour revenir au Cameroun, depuis la signature des nouveaux accords de défense avec la France, mettant fin à 50 ans de servitude volontaire du Cameroun, c’est le 28 août 2013 que le virage à 180° du Cameroun va s’opérer avec la signature avec la Russie d’un contrat de livraison de 130 unités de matériel militaire dont de fameux hélicoptères Mi-17.

La spécificité des accords militaires avec la Russie est le fait que les appareils non vendus par la Russie seraient utilisés par les experts russes eux-mêmes sur le théâtre de guerre. Ainsi, ce n’est pas parce que la Russie ne cède pas au Cameroun certains appareils qu’ils ne seraient pas opérationnels en cas d’agression que le pays subirait d’un pays étranger. C’est exactement ce qui s’est passé en Syrie, mais aussi à l’est de l’Ukraine.

Auparavant, ce sont les hélicoptères Lynx et Puma de fabrication française qui équipaient l’armée camerounaise et en cas de conflit ouvert avec la France, cette dernière aurait eu un avantage considérable puisque pouvant anticiper tous les gestes des Camerounais. Avec le matériel russe, et de loin plus moderne et adapté à nos réalités d’autonomie et d’entretien, plus rien ne sera comme avant. Un mois avant, le 15 juillet 2013, c’est la société Airbus Military qui nous annonçait avoir livré au Cameroun le CN235, commandé en juin 2012 par le Cameroun. Lorsqu’on consulte le catalogue des avions de Airbus Military, pour savoir à quoi correspond ce CN235, on peut lire qu’il s’agit d’un avion de « transport tactique et logistique » c’est à dire, exactement comme l’autre avion, cette fois-ci chinois, le MA60, livré à Yaoundé, en 2012, un an plus tôt par le directeur général de Avic Xiang Aicraft en personne.

Lorsque le Cameroun réceptionnait son premier avion militaire chinois, c’est au même moment, en juillet 2012 que le ministre camerounais des Transports, Robert Nkili commande la version à 48 places du même avion : MA60. Il règle la note de 61 milliards de francs CFA, soi, 930 millions de yuan. Le gouvernement chinois en offrira même un 3e gratuitement, suscitant d’inutiles polémiques chez les journalistes camerounais en mal de scoop. Ce qui nous intéresse est par contre un fait très grave. En 2013, au moment de livrer ces 3 avions chinois, on se rendra simplement compte que selon les lois camerounaises, un avion non européen ou non nord-américain ne peut pas être immatriculé en République du Cameroun. C’est la preuve qu’envoyer des enfants étudier dans un pays occidental signifiera au final importer la pensée prédatrice de ce pays, puisque dans notre cas, les experts camerounais qui ont rédigé les dispositions légales ont tous étudié en Europe et en Amérique du Nord et ont donc mis dans la loi camerounaise qu’un avion, pour être immatriculé en République du Cameroun doit être fabriqué en Europe ou en Amérique du Nord. C’est la preuve de la force du maître qui pour continuer de rester le maître doit devenir le droit, comme dit Rousseau.

Le ministre Nkili annoncera dans la foulée et en toute précipitation ceci : « J’ai signé un arrêté qui incorpore ce type d’appareil dans la réglementation camerounaise ». Il pratique bien la langue de bois monsieur le ministre, qui aurait dû dire plutôt : « ce type d’appareil non européen ou non nord-américain ». En tout cas, dans sa conclusion, il va se trahir un peu plus : « l’autorité aéronautique camerounaise va délivrer ce que nous appelons les numéros d’immatriculation. Numéros qui seront communiqués très rapidement à Beijing, en Chine. La formation va démarrer : les pilotes, les stewards…et l’avion viendra ». Résultat : un an de perdu. La Boétie avait raison, des humains nés dans l’esclavage sont contents de le rester.

Jean-Paul Pougala

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